Qui est donc responsable dans l’affaire dite Astou Sokhna, du nom de cette pauvre femme morte en voulant donner la vie à l’hôpital de Louga, localité située à 200 kms de Dakar? La triste information a suscité l’émoi dans tout le Sénégal et ailleurs dans le monde. La famille de la défunte a porté plainte pour «négligences médicales». La justice poursuit donc six sages-femmes de Louga dont quatre sont placées sous mandat de dépôt et deux sont en liberté provisoire. Le ministre de la Santé a déploré un décès «évitable». Il n’en fallait pas plus pour provoquer l’ire de l’association des sages-femmes et de syndicats de la santé qui crient au «lynchage» et à la «vindicte populaire» auxquels sont livrées leurs collègues. Ils optent donc pour une grève qui pourrait causer la perte d’autres Astou Sokhna!
Ces structures de défense des intérêts de la corporation saisissent, du reste, cette opportunité malheureuse, pour manifester contre une insuffisance de matériels, de diagnostics et exiger de meilleures conditions de travail et des rémunérations plus conséquentes. Pourtant, tout en demandant qu’un coup d’accélérateur soit donné à la machine des réformes, le chef de l’Etat sénégalais a révélé la mobilisation, depuis 2012, de «ressources budgétaires sans précédent», dans le but de rendre davantage moderne, le système de santé au Sénégal. Qu’est-ce qui n’a donc pas marché dans la prise en charge efficiente de Astou Sokhna? Une interrogation qui ne trouvera réponse que suite aux investigations sans doute en cours. Si elles aboutissent!
En tout cas, quelle que soit la peine que ramasseront ces sages-femmes si la justice les reconnaît coupables, cela ne ramènera pas à la vie, Astou Sokhna. Le plus urgent, et le plus sage pour les sages-femmes n’est certainement pas d’affirmer une solidarité aveugle et juste de principe à leurs collègues, mais d’œuvrer, en toute humilité pour que les conditions d’accueil et de soins aux femmes enceintes soient améliorées dans les maternités. Quant à l’Etat dont la lourdeur dans les prises de décisions et l’application de celles-ci est reconnue, il devient impératif d’assurer à ses citoyens et citoyennes, des prises en charge adéquates dans les centres de santé publics dont la plupart, pour ne pas dire tous, sont de véritables mouroirs.
Or, il faut le dire de go, la bourse du Sénégalais lambda qui lutte encore pour s’assurer ne serait-ce qu’un repas quotidien, est loin de lui permettre de se rendre dans les cliniques privées où les soins sont mieux prodigués mais à des coûts hors de portée. Ce n’est pas juste que tous les êtres humains soient exposés à des maladies mais que que tout le monde, seuls les plus nantis soient en mesure de se soigner. Que dire de tous ces dirigeants, sénégalais et du reste de l’Afrique, et de leurs proches, qui, sur le dos du contribuable qui, lui est contraint de se soigner sur place, bénéficient d’évacuations sanitaires en Europe ou aux Etats-Unis pour un petit mal de dent ou de ventre? Alors que dans certains pays africains, le pactole engagé dans des évacuations sanitaires rien que sur une année, peut construire des hôpitaux de référence ou équiper des plateaux de soins de haut niveau.
Il faut donc travailler, que l’on soit sage-femme, médecins ou ministres de la Santé, pour que les milliers de Astou Sokhna qui ont rendez-vous avec la mort dans nos maternités où elles se rendent pour donner la vie, puissent être sauvées. Au moins, le décès de Astou Sokhna, au lieu de susciter des marches et polémiques indécentes, rendra service à toutes ces femmes qui se sacrifient, au propre comme au figuré, pour l’humanité.
Par Wakat Séra