La marche est interdite par les autorités tout comme le sont les manifestations prévues ce jeudi alors que s’ouvre le procès de l’opposant Ousmane Sonko, poursuivi pour diffamation par le ministre sénégalais en charge du Tourisme, Mame Mbaye Niang. Mais les échauffourées sont bien enclenchées depuis la veille de ce procès, comme si les Sénégalais jouent à se faire peur! Un jugement qui, s’il débouche sur une condamnation, ne serait-ce que d’un sursis de six mois, pourrait mettre entre parenthèses, la carrière politique de l’un des patrons du collectif de l’opposition Yewwi Askan Wi, par ailleurs candidat à la présidentielle de février 2024 au Sénégal.
A Dakar, un dispositif sécuritaire musclé a été mis en place dans plusieurs endroits, dont les alentours de l’Université Cheikh Anta Diop, et autour du domicile du leader du parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef). Cette journée de mercredi qui a servi comme d’échauffement au match qui commence ce jeudi entre la police et la «rue», a été assez chaude, entre jets de pierre et gaz piquant de grenades lacrymogènes. Des heurts entre manifestants et policiers, dont des confrères journalistes ont fait les frais. Visiblement, ce procès, tout comme celui à venir dans l’affaire dite Adji Sarr, la masseuse qui accuse Ousmane Sonko de viols et de menaces de mort, sont de véritables bombes socio-politiques dont les déflagrations remueront le Sénégal, qui a déjà enregistré deux morts, pendant longtemps.
C’est dans cette ambiance survoltée à souhait qu’Ousmane Sonko dénonce une fois de plus, une justice, et plus singulièrement un bâtonnier et un Ordre…aux ordres. «Maître Ousseynou Fall, l’un de mes principaux avocats, vient de m’informer de sa suspension par le bureau de l’ordre des avocats du Sénégal, sur plainte du juge en charge du dossier, Pape Mohamed Diop, suite à des échanges lors de l’audience du 16 mars dernier», révèle Ousmane Sonko. Une décision, qui, est convaincu la bête noire de Macky Sall, «n’a pour objectif que d’affaiblir» sa «défense à moins de 24 heures du procès, atteste du parti pris flagrant du bâtonnier et de l’Ordre pour la partie civile». Le calvaire continue donc pour le supplicié de Dakar! C’est à croire que la guerre est désormais sans répit entre le pouvoir et l’opposant Sonko dont le sort dépendra des arguments d’un collectif d’avocats sénégalais et étrangers aguerris, mais surtout d’une justice non partisane, garante de la paix sociale.
Quel médicament contre la fièvre qui ne cesse de monter au Sénégal où les descentes de foules dans les rues sont devenues régulières autant que le gazage par grenades lacrymogènes des manifestants par des forces de l’ordre sur les dents? Question sans réponse pour l’instant! Mais c’est certain que la température ne baissera qu’à trois conditions. Primo, il faut que les poursuites judiciaires contre le remuant maire de Ziguinchor, Ousmane Sonko soient arrêtées par la main invisible, mais connue de tous, qui les actionne. Deuxio, il est temps que le président Macky Sall sorte de ce flou opaque à couper à la machette et des phrases sibyllines sous le couvert d’une constitution remodelée à la carte, pour dire au peuple qu’il ne flirtera pas avec le troisième mandat maudit. Tertio, qu’il s’appelle Ousmane Sonko ou Tartempion, que les leaders politiques ou de la société civile, arrête de vouloir s’abriter sous le parapluie de leur popularité et la manipulation des peuples, car chacun semble avoir le sien, pour éviter le glaive de la justice, dans des affaires personnelles. Comme le dit l’adage, «nul n’est au-dessus de la loi» et les «intouchables» de la république ne peuvent continuer à narguer toute une nation, chacun mettant son «peuple» dans la rue, au détriment du «peuple», le vrai, majorité malheureusement silencieuse.
En tout cas, en prévision de la violente explosion de la cocotte-minute, les écoles sont fermées, les élèves mis en vacances anticipées et de nombreux commerces et établissements bancaires ont fait le choix prudent de ne pas ouvrir leurs portes. En sera-t-il ainsi jusqu’à la présidentielle de février 2025? Il faut bien le craindre! A moins que chaque partie, opposition et surtout pouvoir, mette de l’eau dans son bissap, surtout en ce temps où, clin d’œil du destin, le carême des catholiques croise le jeûne des musulmans, comme pour offrir aux Sénégalais une chance supplémentaire de s’accorder le pardon mutuel pour une paix et une cohésion sociale devenues des denrées rares. Question: les politiciens ont-ils encore la clairvoyance et la lucidité nécessaires pour mettre leur foi en avant de leurs intérêts égoïstes et très personnels? Rien n’est moins sûr! A moins d’un miracle, avec le prophète Mahomet et Jésus, «le prince de la paix», à la baguette!
Par Wakat Séra