La principale coalition de l’opposition met de l’eau dans son bissap, ce jus d’oseille très prisé au Sénégal et même hors des frontières du pays de la Teranga. C’est le moins qu’on puisse dire, Yewwi Askan Wi ayant reporté à une date ultérieure, les manifestations qu’elle avait planifiées pour ce mercredi. Certes, elle est loin d’avoir déposé les armes dans son entreprise de protestation contre le rejet de sa liste nationale que doit conduire le remuant et populaire maire de Ziguinchor, Ousmane Sonko, mais qui a été retoquée parce que viciée par la présence d’une candidate désignée comme titulaire et suppléante sur le même document. Une erreur, selon l’opposition, mais une faute éliminatoire, selon le ministère sénégalais de l’intérieur, en charge des élections. Même les Sages du Conseil constitutionnel n’ont pas eu la…sagesse de permettre aux fautifs de réparer leur bourde. Pourtant, une décision judicieuse, de la part des grands juges, tenant compte du climat politique explosif aurait eu le mérite de faire baisser cette tension qui ne cesse de monter.
Un mois avant les législatives du 31 juillet, que Macky Sall a affirmé qu’elles se tiendront à bonne date, la tension demeure quelque peu. Tous les ingrédients crisogènes étant réunis, il ne reste plus qu’à sortir les tapis de prière et égrener le Tasbih, le chapelet musulman afin d’évoquer les 99 noms de Dieu pour éloigner les démons de la violence qui font toujours rimer, sous les tropiques, élection et guerre. Fort heureusement pour la paix sociale au Sénégal, à en croire ses cadres, l’opposition a suspendu ses mouvements de protestation à cause de la médiation en cours de chefs religieux, les préparatifs de la fête de la Tabaski, sans oublier les examens scolaires de fin d’année. La pause est donc bien justifiée! Comme dans un match de football, cette mi-temps offrira sans doute l’opportunité à Yewwi Askan Wi de reprendre des forces et surtout de réévaluer le système de jeu, mis en échec par l’adversaire. En tout cas, Ousmane Sonko, qui voit déjà la cause difficile à défendre avec la même détermination sans exposer le pays à une nouvelle ébullition, a appelé les électeurs à voter massivement pour la victoire de Yewwi Askan Wi, signe peut-être que l’opposition s’apprête désormais à affronter, avec tous ses forces, l’épreuve à venir des urnes.
En face, le pouvoir saura-t-il également mettre balle à terre pour sauvegarder la paix dans un pays qui en a tant besoin après les violences préélectorales de mars 2021? Pour l’instant, la seule stratégie du pouvoir sénégalais qui a consisté à interdire les marches et meetings, à embastiller des militants et à empêcher les leaders de mouvoir selon leur volonté, n’a guère évolué et pourrait demeurer ainsi jusqu’à la tenue des élections. Le musellement de l’opposition est-il la meilleure manière pour se donner toutes les chances d’avoir une assemblée nationale acquise? Sans doute pas, surtout qu’il est prêté à l’homme fort de Dakar l’intention de s’offrir un troisième mandat! Et cette atteinte à la liberté d’expression est d’autant plus aberrante qu’elle a cours dans un Sénégal qui risque, à la longue de perdre son halo de phare de la démocratie africaine. Et Macky Sall le sait plus que quiconque, lui qui a fait face aux ruses de son prédécesseur, Me Abdoulaye Wade dans sa tentative, vaine, de s’accrocher au pouvoir en son temps, qu’«à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire».
Par Wakat Séra