Accueil Monde Situation explosive en outremers : la nécessité d’une décision concertée

Situation explosive en outremers : la nécessité d’une décision concertée

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Vu la décision prise par l’organisation des Nations Unies /ONU déclarant la décennie 2015-2024 pour mettre en valeur le rôle économique et culturel des personnes afro-descendantes formant des diasporas réparties dans le monde,

Vu l’assassinat aux USA de l’afro américain Georges Floyd par un policier blanc,

Vu la déclaration du 29 mai 2020 du Président de la Commission de l’Union africaine qui, à Addis Abeba, réaffirme et réitère fermement le rejet par l’Union Africaine des pratiques discriminatoires persistantes à l’encontre des citoyens noirs des États-Unis d’Amérique, cette déclaration pouvant s’étendre au reste du monde, y compris à l’Europe continentale et ultra périphérique.

Vu, la résolution votée le 19 juin 2020 au Parlement européen en vue de l’adoption de la proposition de l’eurodéputé d’origine réunionnaise/ outremer – France, Younous Omarjee, qui veut faire reconnaître l’esclavage comme « crime contre l’humanité » et obtenir que le 2 décembre soit Journée européenne de commémoration de l’abolition de la traite des esclaves, encourageant ainsi les États membres à inscrire l’histoire des peuples noirs et des personnes de couleur dans leurs programmes scolaires,

Vu, le Parlement européen invitant les institutions et les États membres de l’Union européenne / UE à reconnaître officiellement les injustices du passé et les crimes contre l’humanité commis contre les personnes noires et les personnes de couleur. Pour information, les révoltes populaires qui touchent actuellement les régions franco-européennes d’outre-mer de Guadeloupe, Guyane, de Martinique, de la Réunion sans exclure Mayotte, montrent que malgré les annonces des institutions ducroires, le malaise perdure.

En réalité, si l’esclavage a pris fin dans les textes, il en va autrement dans les faits et les esprits, et la place des populations noires et de couleur, que ce soit dans la société, dans l’entreprise ou dans l’espace public, reste celle de la soumission, sans réel dialogue, à un ordre préétabli et d’un autre temps ; la question est d’autant préoccupante qu’elle pourrait dégénérer en violences urbaines.

Cette question doit être réglée rapidement, sans toutefois dans l’urgence comme à l’accoutumée, par les représentants de la société civile de toutes origines, y compris descendants de colons et des élus.

La négrophobie désormais banalisée, et autres formes de ségrégations, subies dans des pays occidentaux par des populations noires et de couleur qu’ils ont contribué et contribuent à développer, enrichir et placer en haut de l’échiquier des nations du monde, n’est plus acceptable, et si les générations passées ont subi peu ou prou l’injustice, les nouvelles générations refusent la soumission et appellent à la désobéissance civile.

Des élus et des représentants de l’autorité déléguée se taisent et feignent de ne rien voir ni entendre quand les régions d’outre-mer grondent et les situations s’enveniment ? Attendent-ils que ça passe, comme toutes les autres fois ? Attendent-ils que ces mouvements de colère, qu’on appelle « crises », ces signes d’un dysfonctionnement social, économique et politique, fassent le buzz médiatique un moment et que les mentors finissent par se résigner, ou se taire parce qu’on leur aura donné une audience, une écoute, une attention, une fonction, une mission… Quelques années plus tard, tout recommencera, mais ce sera à d’autres de gérer le désordre. Ainsi va l’Histoire, n’est-il pas !

Actuellement, en France continentale et dans les outremers, le feu n’est pas encore au lac mais il s’approche des stocks d’explosifs. Faut-il continuer à faire semblant et risquer d’ajouter la convergence de toutes les colères et de toutes les luttes, aux dégâts provoqués par le Covid 19 ?

C’est maintenant que les enjeux du 21ème siècle doivent être redéfinis, au moment où les stratégies géopolitiques, économiques et politiques décidées par les monopoles financiers sont remises en question par des changements brutaux d’ordre climatique, démographique et sociétaux. De plus en plus informés, les peuples refusent de subir les excès d’une mondialisation sauvage qui remet en question les valeurs démocratiques et engendre de nouvelles dictatures populaires.

De son côté, en initiant une démarche sincère, la République française ne peut plus faire l’économie d’un vrai dialogue de fond avec toutes les parties en présence pour obtenir des solutions pérennes. Il ne s’agit pas une énième fois de faire son mea culpa en reconnaissant humblement les crimes passés, mais en invitant toutes les parties en présence, à l’instar du processus de la Commission vérité et réconciliation diligentée en Afrique du sud pour mettre fin à l’apartheid, pour qu’enfin, les choses une fois dites, on puisse construire un avenir commun équitable et solidaire.

Pour que les bases de ce dialogue à venir soient bien posées, il faut déjà reconnaître formellement ce qui suit :

-l’apport des outremers à la métropole et à l’Union européenne de ces zones économiques exclusives qui confèrent à l’État Français son rang de grande puissance maritime mondiale, sans prendre en compte, les enjeux de l’économie bleue.

-les « maladresses » d’une autorité politique tantôt paternaliste, tantôt condescendante, mais jamais loyale et juste à l’égard des descendants des populations déportées du continent africain à des fins économiques. En un siècle, ces hommes et femmes ont pourtant, malgré leur histoire, su développer une identité linguistique et culturelle forte, cependant de plus en plus contestée par certains métropolitains venus notamment dans les îles pour bénéficier tant du soleil que d’avantages fiscaux. Á ce propos, quel originaire d’outre-mer oserait s’opposer à des sonneurs bretons ou grands bretons jouant du biniou en Bretagne ou de la cornemuse en Écosse, au prétexte que la musique produite lui est étrangère ?

-le retard économique de ces territoires ultramarins dû à un pouvoir économique qui n’a jamais changé de main depuis l’esclavage, et qui engendre un taux de chômage insupportable, l’exil de la jeunesse et la substitution de ces forces vives par une population métropolitaine. En effet, à l’antillanisation* des cadres du public et du privé des dernières décennies du 20ème siècle, ce qui était la marque d’une NégroÉvolution* avant la lettre, on assiste maintenant au retour d’une administration métropolitaine que les populations autochtones voient comme une nouvelle forme de colonisation.

Partant, c’est ensemble qu’il faut décider de construire l’avenir pour assurer la paix sociale dans l’intérêt du plus grand nombre, et c’est pourquoi je propose la mise en place d’une Commission vérité, conciliation et réparation à laquelle puissent participer toutes les parties, sans exclusive. Tout doit être vu et étudié, y compris le délicat sujet de la réparation, dans un climat apaisé en vue d’un avenir juste, équitable et solidaire.

Par Emmanuel Argo

Á la Martinique, Emmanuel Argo a créé et présidé le syndicat CFE-CGC de l’encadrement début des années 80 en revendiquant l’antillanisation de l’encadrement public et privé. Á ce titre, a été nommé expert au Comité Économique et Social Européen à Bruxelles.

En Afrique du Sud, a été contributeur de l’ANC/African Nation Congress, a participé aux travaux du Truth & Reconciliation Commission-Commission Vérité & Réconciliation post-apartheid ainsi qu’à ceux de la CODESA /Convention pour une Afrique du Sud démocratique dont le but était de rédiger une nouvelle Constitution

En Angleterre, il est membre de Chatham House et de The Oxford University History Society. Il est l’auteur de nombreux articles de presse, de préfaces et d’ouvrages tels que : Main basse sur l’argent des pauvres. Merci aux Remitt@nces, préfacé par le Prix Nobel de la Paix Lech Wałęsa. De Nelson Mandela et la naissance de la nouvelle Afrique du Sud ainsi que du concept NégroÉvolution.

En France, il est conseiller municipal élu dans le Loir- et-Cher ainsi que membre de la commission du Développement Économique d’une Communauté de Communes de la même région. Emmanuel Argo est le président de l’Africa Mundus Institut/Institute/ AMI.