Alors qu’ils étaient dans une mission de reconnaissance, quatre soldats de la Force française Barkhane, ont été blessés, dont un grièvement. C’était dans le nord du Burkina Faso, dans l’explosion d’un engin explosif improvisé (IED). Si l’acte n’a pas été revendiqué, le modus operandi renvoie, avec peu de doute, aux activités funestes des terroristes qui ont infesté la zone. Ce qui pourrait bien être l’œuvre des combattants du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM) ou du groupe Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) s’enfile aux attaques terroristes fréquentes dans lesquelles trouvent, régulièrement la mort, des militaires et des civils. Comme quoi les dernières frappes de l’armée burkinabè qui ont abouti à la neutralisation des hommes armés non identifiés (HANI), ont peut-être affaibli le monstre mais sont loin de l’avoir anéanti. C’est dire combien il urge de changer le fusil d’épaule, et ne pas se contenter de «tuer». Ce n’est pas pour rien que le phénomène est qualifié d’hydre, cette espèce effrayante de polypes que les généticiens considèrent comme immortels, en référence à leurs capacités régénératrices.
Les motos utilisées par les HANI viennent toutes de Chine (Haojue, Sanili essentiellement) et importées par des commerçants locaux bien connus. Pourquoi n’y a-t-il pas de registre précis de tous les acheteurs chez ces grossistes? Pourquoi le commerce de ces engins, qui sont devenus maintenant des engins de guerre, n’est-il pas réglementé, alors que le commerce de tout matériel de guerre l’est? Pourquoi les autorités burkinabè ferment-elles les yeux sur la contrebande de motos à partir de Cinkansé, ville frontalière avec le Togo voisin? Au Tchad par exemple, la vente de Toyota BJ à des particuliers a été interdite, sauf autorisation du Ministère de la sécurité, car ces véhicules sont considérés comme étant du matériel de guerre.
Pourquoi les Services de Renseignement burkinabè ne demandent pas simplement au constructeur chinois d’intégrer dans ces engin des puces permettant le tracking des motos, lorsqu’elles sont vendues sur le territoire burkinabè? Aujourd’hui ce sont des choses qui se font très simplement. Certains le font même sur leurs propres véhicules. Ces puces sont activées à la vente. Et ainsi, les motos peuvent être suivies, et leurs regroupements identifiés. Ils seront «traités» comme on le dit dans le jargon militaire. Pourquoi le trafic de carburant qui permet aux HANI de se mouvoir dans le paysage n’est-il pas «traité» jusqu’au bout? Les médicaments pour soigner des blessés de guerre sont connus. Donc si quelqu’un vient en acheter en grosse quantité, cela doit faire au moins l’objet de tracking de l’acheteur. Pourquoi ne le sont-ils pas? Qu’est-ce qui peut bien empêcher la mise en place de toutes ces actions qui sont simples à réaliser et coûtent peu d’argent?
Après réflexion, difficile de ne pas émettre de sérieux doutes sur la bonne foi de ceux qui nous dirigent. Certains parleraient, de go, de complicité, active ou passive. Mais comme en justice, il est de bon ton de respecter le sacro-saint principe de la présomption d’innocence. Jusqu’à preuve du contraire! Toutefois, il faut reconnaître que trop de questions restent en plan. Pourtant apporter des réponses, les bonnes, à ces interrogations, c’est résoudre, on se le permet sans présomption, en partie ou tout le problème de l’insécurité qui endeuille, au quotidien, l’armée et les civils. Sans oublier ce plus du million de déplacés, ces plus de 3 000 écoles fermées, ces centres de santé rayés de la carte, et la vie qui devient de plus en plus chère, à cause de ce cocktail explosif.
Et les attaques djihadistes continuent de décimer le Burkina où de nombreux habitants sont contraints de fuir leurs villages et champs, abandonnant tout aux mains de terroristes et bandits de grand chemin. Si certains ne fuient pas, c’est simplement parce qu’ils sont passés de la résilience à la résignation. Ce n’est plus rare d’entendre des Burkinabè, et pas des moindres, affirmer être prêts à «couper les pantalons» et «laisser pousser la barbe» en abondance, pour se conformer à la mode vestimentaire et à la tendance imposées par les assaillants. Ils espèrent ainsi, «avoir la vie et la paix».
Résignation ou résilience ou résilience et résignation? La question peut se poser dans tous les sens, mais la réponse demeure invariable: les Burkinabè ne savent plus sous la protection de quel saint se mettre, les Forces de défense et de sécurité, malgré leur vaillance et leur patriotisme, n’arrivant toujours pas à mettre fin à l’appétit vorace de l’ogre, ou tout au moins à assurer la protection des populations. Tous les ingrédients sont réunis pour que la peur s’installe pour de bon dans les esprits. Certes le bien a toujours triomphé sur le mal, comme le sont convaincus les humains. Mais pour l’heure, les Burkinabè se cherchent, car le mal est en train de prendre le pas sur le bien.
Par Wakat Séra