Dans une lettre ouverte adressée aux dirigeants politiques, les lauréats du prix Nobel – de la paix, de littérature, de médecine, de physique et d’économie – qualifient d’inadmissible » l’expansion continue de l’industrie des combustibles fossiles. Ces sommités ont saisi l’opportunité du Sommet sur le climat ouvert ce 22 avril par le président américain, Joe Biden.
21 avril 2021 – Sa Sainteté le 14e Dalaï Lama est l’un des 101 lauréats du prix Nobel, toutes disciplines et zones géographiques confondues, qui appellent les dirigeants du monde entier à maintenir les combustibles fossiles dans le sol afin de concrétiser leur engagement en faveur de l’action climatique. Cet appel est lancé à la veille du sommet des dirigeants sur le climat organisé par le président Biden.
Dans cette lettre ouverte, les lauréats du prix Nobel soulignent que la crise climatique est le plus grand problème moral de notre époque. Ils reconnaissent que les gouvernements ont été trop lents à réagir aux avertissements partagés par la science et les mouvements populaires, selon lesquels il y a urgence à agir en coopération pour maintenir les combustibles fossiles dans le sol et éviter une catastrophe climatique.
La lettre indique : « L’Accord de Paris ne fait aucune mention du pétrole, du gaz ou du charbon. Pendant ce temps, l’industrie des fossiles continue à planifier de nouveaux projets que les banques continuent à financer. Selon le dernier rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement, d’ici à 2030, la production de charbon, de pétrole et de gaz augmentera de 120 % par rapport à ce qui est nécessaire pour limiter le réchauffement à 1,5 °C.”
“Permettre l’expansion continue de cette industrie est inadmissible. Le système des combustibles fossiles est mondial et nécessite une solution mondiale – une solution vers laquelle le Sommet des dirigeants sur le climat doit tendre. Et la première étape consiste à garder les combustibles fossiles dans le sol”.
L’inaction en matière de climat figure en tête du Rapport sur les risques mondiaux 2021 du Forum économique mondial comme « une menace existentielle pour l’humanité« . Les combustibles fossiles sont le principal moteur de la crise climatique et ce niveau de menace nécessite une coopération mondiale comparable à celle de crises précédentes, qu’il s’agisse de la prolifération des armes nucléaires, de l’appauvrissement de la couche d’ozone ou des mines anti-personnel.
Jody Williams(États–Unis), lauréate du prix Nobel de la paix 1997 pour son action visant à interdire les mines antipersonnel : « De plus en plus de pays dans le monde déclarent que le changement climatique est une question de sécurité nationale.
Mais nous devons remplacer ce cadre de sécurité nationale – qui signifie armes et guerre – par un cadre de sécurité humaine qui réponde avant tout aux besoins de base de chacun, y compris l’accès à un environnement sain. Les conséquences du changement climatique sur les communautés, les familles et les individus sont considérables. Et comme les combustibles fossiles sont responsables de 80 % du réchauffement, les gouvernements doivent faire preuve d’audace et mettre fin à leur expansion au nom de la sécurité humaine. »
Tzeporah Berman, présidente de l’initiative pour le Traité de Non-prolifération des Combustibles Fossiles et directrice du Programme international de Stand.earth, a déclaré : « En cette année critique pour le climat et avec une pression croissante sur les gouvernements pour qu’ils agissent rapidement, nous sommes ravis que des lauréats du prix Nobel tels que Sa Sainteté le Dalaï Lama, Tawakkol Karman et Juan Manuel Santos se joignent à cet appel pour mettre fin à l’expansion des combustibles fossiles. Nous disposons déjà d’une production de combustibles fossiles plus que suffisante pour assurer la transition vers les énergies renouvelables, ce qui rend les projets d’expansion inutiles et constitue une entrave à la transition. L’attention politique portée au climat étant à son plus haut niveau depuis la préparation de Paris, les chefs d’État doivent profiter de ce Sommet pour attirer l’attention internationale sur la nécessité de mettre un terme à l’expansion du pétrole, du gaz et du charbon.”
Avec 17 grandes économies représentées, responsables de 80 % des émissions mondiales et du PIB mondial, le Sommet des dirigeants sur le climat pourrait constituer un jalon essentiel de la coopération mondiale entre le Nord et le Sud lors de la COP26, ainsi que de l’effort des États-Unis pour repositionner le climat au cœur de leur diplomatie. Dans leur lettre, les lauréats du prix Nobel appellent les dirigeants du monde entier à ouvrir un nouveau chapitre de la coopération internationale afin de :
- Mettre fin à toute nouvelle expansion de la production de pétrole, de gaz et de charbon, conformément aux meilleures données scientifiques disponibles, telles que décrites par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat et le Programme des Nations unies pour l’environnement ;
- Éliminer progressivement la production actuelle de pétrole, de gaz et de charbon, de manière juste et équitable, en tenant compte des responsabilités de chaque pays en matière de changement climatique, de leur dépendance respective à l’égard des combustibles fossiles et de leur capacité de transition;
- Investir dans un plan de transformation visant à garantir un accès à 100 % aux énergies renouvelables dans le monde entier, à aider les économies dépendantes à se détourner des combustibles fossiles, permettant ainsi aux personnes et aux communautés de s’épanouir grâce à une transition mondiale.
Muhammad Yunus (Bangladesh), lauréat du prix Nobel de la paix 2006 pour ses travaux sur le microcrédit : « Nous sommes à un moment décisif pour un monde nouveau et audacieux. Saisissons l’occasion pour donner forme à une société post-COVID 19 et nous propulser vers un avenir plus juste et plus vert. Nous pouvons construire un monde où les pauvres ne continueront pas à être les victimes du réchauffement climatique. La technologie existe, le désir des gens existe et le monde attend que les chefs d’État agissent. »
Leymah Gbowee (Liberia), lauréate du prix Nobel de la paix 2011 pour son travail sur les droits des femmes : « La paix signifie l’existence d’un environnement où les gens s’épanouissent et voient leurs besoins satisfaits dans le cadre d’une planète saine.
En pleine crise climatique, cette paix est menacée et ce sont les pays du Sud – les femmes en particulier – qui en subissent les pires conséquences. Le moment est venu pour les chefs d’État du monde entier de s’unir dans l’intérêt des personnes et de notre planète, et d’utiliser le Sommet comme une rampe de lancement pour un avenir meilleur et plus propre. »
José Ramos–Horta (Timor Oriental), lauréat du prix Nobel de la paix 1996 pour son travail sur les conflits internes : « Engageons-nous à nouveau en tant que communauté internationale, une communauté motivée par la croyance et la conviction que la crise climatique peut être résolue. L’échec n’est pas une option.
Mon pays d’origine, le Timor Oriental, comme tant d’autres dans le Sud, cherche un engagement et un soutien collectifs de la part de la communauté internationale pour une transition juste qui abandonne la production de combustibles fossiles. Nous sommes tout à fait prêts à entreprendre ce programme d’action hautement nécessaire ».
Shirin Ebadi (Iran), lauréate du prix Nobel de la paix 2003 pour son travail sur les droits humains : « Les droits humains sont une norme universelle. Nombre d’entre eux
– le droit à une bonne santé, à une alimentation saine et à des moyens de subsistance adéquats – subissent les impacts du changement climatique et rendent les personnes déjà vulnérables encore plus vulnérables. Face à la crise climatique, le respect de ces droits relève de la responsabilité de chaque nation. Il s’agit d’une crise qui dépasse les frontières, les océans et les cultures, nécessitant une réponse mondiale immédiate et une démonstration de solidarité internationale. »
La lettre aux chefs d’État a été coordonnée par l’initiative pour un Traité de Non-Prolifération des Combustibles Fossiles.
A propos de l’initiative pour un Traité de Non-Prolifération des Combustibles Fossiles.
L’initiative du Traité de Non-prolifération des Combustibles Fossiles stimule la coopération internationale pour mettre fin à tout nouveau développement des combustibles fossiles, éliminer progressivement la production existante dans le respect de la limite climatique établie de 1,5°, et développe des stratégies pour soutenir les travailleurs, les communautés et les pays dépendants des combustibles fossiles dans la mise en place de moyens de subsistance sûrs et sains. Des villes comme Vancouver et Barcelone ont déjà adhéré au Traité et d’autres villes l’envisagent. Des centaines d’organisations représentant des milliers de personnes se joignent aussi à l’appel lancé aux dirigeants mondiaux pour qu’ils mettent fin à l’expansion des combustibles fossiles.