Alors que le Tchad se pare aux couleurs du G5 Sahel dont le 7e sommet ordinaire se tient dans la capitale, ces 16 et 17 août, des Tchadiens vivent sous une chape de plomb. Une menace pire que le terrorisme qui endeuille au quotidien, les populations africaines, notamment celles du Sahel où se sont enkystés les djihadistes et autres grands bandits du même acabit. Prévu pour jauger la situation sécuritaire, ou d’insécurité pour se rapprocher de la réalité, dans cette région, où sont soumises à rude épreuve les armées nationales du Mali, du Burkina Faso, de la Mauritanie, du Niger et, bien évidemment du Tchad, cette rencontre qui devrait également plancher sur les nouvelles orientations de la Force Barkhane, connaîtra un absent de taille.
Emmanuel Macron, pour ne pas le nommer, ne sera plus de la partie. Du moins, pas physiquement, car, grâce à la magie de la technologie, le chef de l’Etat français, devrait pouvoir annoncer, à ses homologues à qui il a dû déjà en parler, du reste, le dilemme qui est celui de la France, et surtout de Barkhane dans le Sahel. Après 7 années d’efforts inlassables, Barkhane, née sur les cendres de l’opération Serval, qui a freiné la progression meurtrière des djihadistes au Mali, à défaut de mettre fin à leur chevauchée, est bien à la croisée des chemins. Le nerf de la guerre se rétrécissant de plus en plus, les pertes devenues trop régulières de ses soldats, son action de moins en moins soutenue par l’opinion publique française et malmenée par un sentiment anti-français qui ne cesse d’enfler, la Force ne peut que revoir ses ambitions, surtout sa présence, à la baisse.
Mais, parallélisme des formes oblige, à l’instar de celui de Pau, en France, où les chefs d’Etat du G5 Sahel avaient été «convoqués», les 13 et 14 janvier2020, pour clarifier leurs positions sur Barkhane et plus généralement l’implantation de l’armée française en Afrique, Emmanuel Macron devait assister au sommet de N’Djamena, où sa visite avait été bel et bien annoncée. Qu’est-ce qui n’a pas marché pour qu’Elysée sorte le prétexte trop gros, que son locataire est contraint de rester à la maison à cause de la crise sanitaire, liée au Covid-19? L’argument est loin de volet haut et de convaincre, car c’est, curieusement, pendant que sévit le Covid-19, que de janvier à février, les chefs d’Etat du G5 Sahel, se sont succédé sur les bords de la Seine, en visites privée ou de travail. Mais ça c’était avant! Depuis quelques semaines, l’hôte du sommet est en délicatesse avec ses opposants et membres de la société civile, sur lesquels ils fait abattre une main répressive, parce que ceux-ci, osent contester sa volonté de briguer, un…6è mandat. Pas moins que ça!
Le maréchal Idriss Deby Itno, qui ne supporte pas la contradiction, ne pouvait accepter cet affront de manifestants téméraires qui ont bravé l’interdiction de manifester brandie par son pouvoir! C’est donc, sans ménagement, que les contestataires, au mépris de leurs droits, ont été, les 6 et 13 février, arrosés de gaz lacrymogènes, blessés, pourchassés comme des lapins. A l’occasion, ceux qui ont eu recours à leurs talents cachés d’athlètes à la Husain Bolt, comme Succès Masra, le leader du parti d’opposition, Les Transformateurs, qui avait trouvé refuge à l’ambassade des Etats-Unis à N’Djamena, ont pu échapper aux sbires de Idriss Deby Itno. Les autres ont été arrêtés et jugés, pour avoir battu le pavé, aux cris de «non au sixième mandat de Deby» et de «halte à la dictature».
Certes, Emmanuel Macron a fini par féliciter l’Ivoirien Alassane Dramane Ouattara et le Guinéen Alpha Condé, deux anciens opposants devenus présidents, grâce au jeu de l’alternance démocratique, et ensuite prédateurs de cette même démocratie, eux qui ont cédé aux sirènes du 3è mandat présidentiel anticonstitutionnel. Mais trop serait trop, pour le président français, de se rendre à N’Djamena, pendant que les manifestations contre un fossoyeur de la démocratie sont réprimées et que lui-même se trouve pratiquement à quelques pas de la présidentielle de 2020. Macron sait qu’il aura un bilan à défendre cette fois-ci, contrairement à 2017. Et l’opinion française est loin de compter pour du beurre. D’ailleurs, tout comme l’opposition, la société civile et le peuple tchadien, vent debout contre la présidence à vie du maréchal Deby, seraient bien contrariés par cette présence de Macron aux côtés de celui par qui ils sont persécutés.
Et voici pourquoi le chef gaulois ne se rendra pas à N’Djamena, et sera probablement représenté par son missi dominici, Jean-Yves Le Drian et sa cheffe des armées, Florence Parly.
Par Wakat Séra