Ils se sont encore réunis. Ils entonneront et reprendront en chœur la ritournelle du monde qui va mal et pour lequel il urge de trouver un remède. Cette fois-ci, à Abidjan où ceux qui nous gouvernent se sont réunis autour de cette triennale pompeusement baptisée sommet UA-UE, c’est le drame des migrants vendus aux enchères en Libye qui est parti pour tenir la vedette. Dans la capitale économique ivoirienne, ils sont plus de de 80 chefs d’Etat et de gouvernement débarqués d’Europe et d’Afrique pour une fois de plus chercher à se donner bonne conscience sur ce trafic hideux de l’homme noir. Le premier acte de cette représentation théâtrale qui met en scène des gouvernants qui, en réalité ne se soucient point de la vie de ces migrants qu’ils ont contraint à la fuite, vient de se jouer. En effet, les dirigeants de neuf pays européens et africains, y compris la Libye, avec à leurs côtés l’Onu, l’Union européenne et l’Union africaine, ont pris la décision de mener, selon le président Emmanuel Macron, des «opérations d’évacuation d’urgence» dans les jours ou semaines à venir, «des migrants victimes des trafiquants d’êtres humains en Libye». Intention louable, est-on tenté de dire. Sauf que, et tous ces acteurs qui se pavanent sur les bords de la Lagune Ebrié, dégustant du foie gras drainé par du bon vin, le savent, la moitié plus l’autre moitié des candidats à l’exil, reprendront le chemin inverse aussitôt ramenés chez eux.
Au bercail, ils en sont persuadés, les attend un enfer aussi brûlant que celui de la Libye d’où les bons samaritains d’Abidjan les auraient extraits. Confrontés à un quotidien de précarité et des lendemains sans espoir, les Africains, désespérés et certains que la vie est meilleure de l’autre côté de l’Atlantique marquent une nette préférence pour ce voyage souvent sans retour, mais qui a au moins le mérite de leur vendre du rêve de lendemains meilleurs. La route de l’hypothétique eldorado européen qui finit souvent dans le désert libyen ou au fonds de la Méditerranée, ou au mieux dans les égouts de Paris qu’ils disputent aux rats, devient la seule voie de salut. Et pourtant, cet argent rassemblé souvent par une famille ou tout un village pour financer le voyage sans retour pourrait bien servir à ouvrir un petit commerce dont les fruits serviront, à défaut de vivre convenablement, tout au moins à la survie. Mais l’envie de faire comme le voisin dont le fils ou la fille expédient, au prix d’on ne sait quel sacrifice, quelques euros pour construire une «maison en dur» ou acheter la «motocyclette à vitesses» est plus que jamais trop forte. Et quand s’ajoute l’incurie de roitelets incapables de fournir le bien-être à leurs peuples car trop préoccupés à vider les caisses de l’Etat dans leurs propres poches et à marcher sur les cadavres de leurs «sujets», le choix des futurs esclaves en Libye est vite fait.
Plus que jamais, cette jeunesse africaine en voie de perdition pour le continent doit être sauvée. Emmanuel Macron qui vient de plaider pour la cause des jeunes dans un discours à l’université Professeur Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou, à défaut de faire l’unanimité, a ressuscité l’espoir dans les chaumières africaines, sait qu’il faut explorer d’autres voies. Les homologues africains du président français dont la plupart ont fait du fauteuil présidentiel et des richesses nationales un patrimoine familial le savent aussi. Tous ces jeunes qui partent, le savent également. L’Afrique, si elle prend son destin en main, deviendrait une vaste prairie où l’herbe verte poussera pour tous ses fils. Mais malheureusement, cette union pour de grands ensembles économiques véritables, reste jusqu’à présent vœu pieux, chaque dirigeant voulant régner sur de petits espaces insignifiants qui ne peuvent résister aux vents dévastateurs de la corruption, de la gabegie, de la mal gouvernance, et donc de la pauvreté des masses contraintes à se retrouver…en Libye.
Par Wakat Séra