Dans un communiqué, en réaction à la suspension de certaines télévisions privées de la TNT par la Société burkinabè de la Télédiffusion (SBT), l’Union burkinabè des éditeurs privés de services de télévision (UBESTV) déclare que « les télévisions privées qui ont vu leurs signaux suspendus sur la TNT ont simplement voulu assumer leurs réalités financières ».
COMMUNIQUE DE PRESSE
TNT/BURKINA FASO : Les télévisions privées commerciales dénoncent une suspension inique, unilatérale et liberticide de leurs programmes sur le bouquet national
Neufs des dix chaînes de télévisions privées commerciales du Burkina Faso ont vu leurs signaux suspendus du multiplexe de la TNT depuis le vendredi 10 décembre 2021. Selon la Société burkinabè de télédiffusion (SBT) qui a procédé à ces suspensions, le motif est le recouvrement infructueux des créances de la redevance TNT.
Nous, directeurs généraux des télévisions privées commerciales concernées par la suspension, tenons à rassurer nos téléspectateurs de la TNT, nos partenaires commerciaux et institutionnels que cette situation est indépendante de notre volonté, et que chacune des télévisions privées s’est toujours mise dans de bonnes dispositions de collaboration avec la SBT. Toutefois, nous nous sommes toujours inquiétés de la soutenabilité de la redevance TNT qui s’élève à 75 000 000 F CFA hors taxe par télévision et par an, pour la couverture nationale, soit 88 500 000 F CFA TTC.
Les télévisions privées ont toujours exprimé à la SBT, avec pragmatisme et réalisme, que ces montants sont largement insoutenables pour les entreprises, au regard de leurs réalités économiques et cela peut être facilement vérifié à travers les états financiers annuellement déposés au CSC et aux impôts.
En octobre 2020, face au refus des éditeurs privés des services de télévision de signer le contrat de la SBT en raison bien évidemment des coûts de la redevance TNT, le Conseil supérieur de la communication avait saisi chacune des télévisions privées aux fins de la signature du contrat SBT, ce qui permettrait, dans un premier temps, d’établir des relations institutionnelles avec elle, et dans un second temps, d’ouvrir les négociations commerciales pour la réduction des coûts de la redevance. Tous les éditeurs avaient alors montré leur bonne foi en signant le contrat SBT et attendaient le cadre des discussions pour trouver un montant de la redevance qui garantirait les intérêts de chacune des parties dans un contexte économique difficile.
En lieu et place de cette rencontre attendue, courant octobre 2020, la SBT a exigé le paiement de la redevance TNT 2020 en menaçant de suspendre les signaux des télévisions privées débitrices de son bouquet TNT. Le Ministre de la Communication d’alors, saisi par UBESTV, avait exigé à chacune des télévisions de procéder au paiement de la somme de 3 millions au profit de la SBT au regard des difficultés des médias et surtout en raison du service public rendu à la Nation. Dans le même temps, le ministre avait promis la tenue prochaine d’une session du comité de pilotage de la TNT en vue de réévaluer à la baisse les montants de la redevance TNT, suivant le nouveau contexte économique du pays.
Toutes les télévisions privées se sont exécutées immédiatement et ont payé chacune à la SBT la somme de trois millions de F CFA, en vue d’être maintenue dans le bouquet TNT. Alors que nous, éditeurs privées des services de télévision, attendions la tenue de la session du Comité de pilotage de la TNT, telle que promise, voilà qu’en septembre 2021, soit une année plus tard, la SBT nous annonçait la dissolution du Comité de pilotage qui avait le pouvoir de décision de relecture de l’arrêté ministériel fixant le coût de la redevance TNT.
Aussi, la SBT annonçait-elle au cours de cette rencontre de septembre 2021 qu’une proposition des coûts de la redevance faite par notre faîtière UBESTV a été acceptée par le Conseil d’administration de la SBT avec effets rétroactifs. En effet, deux ans plus tôt, alors que la situation économique n’était pas aussi dégradée que maintenant, UBESTV, optimiste, avait proposé une politique de la redevance évolutive pour atteindre les 75 000 0000 au bout de trois ans de mise en œuvre de la TNT, soit 50% à la première année, 75% à la deuxième année et 100% à la troisième année.
C’est justement, cette proposition que l’actuel ministre de la Communication a récemment brandie comme étant le moratoire proposé par les éditeurs privés des services de télévision et accepté par la SBT. Nous, éditeurs, avons marqué, à l’immédiat, notre étonnement et nos inquiétudes qu’une telle proposition rangée dans les tiroirs pendant deux ans soit mise en scelle sans être, ni discutée par les parties, ni actualisée au regard de la situation économique devenue plus difficile pour tous les acteurs économiques du Burkina.
Récemment, à la mi-octobre 2021, la SBT a exigé des télévisions privées le paiement de ce qu’elle considère désormais comme « dette de la redevance TNT » avec encore une nouvelle menace de suspension des signaux sur la TNT. Saisi de cette menace et des inquiétudes des télévisions privées, le Conseil supérieur de la communication, a pu à travers une médiation, faire accepter à la SBT la proposition des télévisions privées, de payer chacune la somme de 3 millions de F CFA, assorti d’un engagement écrit sur la dette en fonction des réalités financières de chacune, en vue de se maintenir sur la TNT au profit de nos populations éprouvées et résilientes. Au délai fixé au 23 novembre 2021, toutes les chaînes de télévisions privées avaient respecté ces clauses ci-dessus mentionnées. Des rencontres devraient être convoquées sous la médiation du CSC pour trouver des solutions viables pour chacune des parties.
Et voilà, 48 heures seulement après les encaissements des 3 millions, soit le 25 novembre 2021, la SBT est revenue à la charge pour exiger de chacune des télévisions le paiement, d’au moins, la somme de 31 250 000 F CFA avec de nouvelles menaces de suspension des chaînes sur la TNT. Le 6 décembre 2021, notre association, par courrier, a saisi la SBT pour expliquer qu’aucune télévision commerciale ne pouvait satisfaire cette exigence et demander l’arrêt des menaces de suspension des signaux.
Malheureusement, le vendredi 10 décembre 2021 à 0 heure, la SBT est passée à l’acte et neuf chaînes de télévision commerciales sur 10, sont suspendues sur la TNT, privant des millions de téléspectateurs des programmes de ces télévisions de droit burkinabè.
Nous, éditeurs privés des services de télévision, avons toujours marqué notre bonne foi et avions tout fait pour éviter la suspension de nos signaux sur la TNT. Nous refusons d’être présentés comme des entreprises inciviques ou insolvables car nos médias ne sont pas étrangers aux paiements des redevances et autres taxes liées à nos activités. En effet, chacune des télévisions paie déjà des redevances du droits d’auteurs au BBDA, les taxes et impôts liés à l’entreprise, des programmes télévisuels, telles que les séries, films, les dépêches d’informations, les documentaires qu’ils soient d’origines africaines ou étrangères.
Du reste, avant l’avènement de la TNT, nos télévisions payaient déjà des redevances télévisuelles à l’ARCEP. En effet, la facture cumulée des redevances pour les fréquences télévisuelles pour Ouagadougou et Bobo Dioulasso était de 5 millions de F CFA par an. Soit environ 3 millions par an pour Ouagadougou et 2 millions par an pour Bobo Dioulasso. Aujourd’hui avec la TNT, pour les mêmes espaces, la redevance TNT est de 40 000 000 F CFA par an pour Ouagadougou et 20 000 000 F CFA par an pour Bobo Dioulasso, soit un cumul de 60 000 000 F CFA par an pour seulement les couvertures des deux grandes villes, Ouagadougou et Bobo Dioulasso. Comment peut-on promouvoir les entreprises de télévision avec une telle politique de prix dans un contexte du numérique induisant une baisse des coûts à tous les niveaux ? Car en règle générale, l’application du numérique dans tous les secteurs de la vie a pour objectif fondamental la réduction des coûts et une meilleure promotion des secteurs productifs.
Dans notre cas, depuis 2019, les télévisions privées n’ont cessé de dénoncer le modèle économique de la SBT, comme étant un modèle qui, dans le court terme, fera disparaitre les chaînes de télévision et compromettre même la survie de la SBT.
Il est important de préciser qu’à la signature des conventions pour l’attribution des licences avec le Conseil supérieur de la Communication, aucune information sur les coûts des redevances n’avait été communiquée aux éditeurs des services de télévision privée. Et tout cela se passait sans que les promoteurs de télévisions privées ne soient ni associés au processus, ni informés au préalable des montants des redevances TNT. Car ce n’est que le 17 septembre 2019, soir environ 30 mois après le début des diffusions sur TNT que les tarifs exorbitants ont été communiqués pour la première fois. Et depuis lors, les promoteurs des télévisions privées n’ont eu de cesse de tenir constamment un langage de vérité et de réalisme à la SBT au sujet de l’inapplicabilité de cette politique commerciale de la SBT à l’encontre des télévisions privées. UBESTV a même attiré l’attention de la SBT et Comité de pilotage de la TNT sur l’impérieuse nécessité de revoir le modèle économique de la SBT, avec des propositions concrètes à l’appui.
Le 3 novembre 2021, sans aucune surprise pour nous, le gouvernement s’est aligné sur les inquiétudes longtemps exprimées par des télévisions privées, car ce jour-là, le Conseil des ministres a officiellement remis en cause le modèle économique de la SBT, en instruisant le ministre de la Communication à trouver un modèle économique plus opérant pour la SBT. Alors que nous pensions que nous allions être, pour la première fois, associés à la réflexion autour du nouveau modèle économique de la SBT, nous avons été surpris, désagréablement, d’être confrontés à la suspension de nos signaux télévisuels sur la TNT.
Et tout se passe comme si cette intransigeance et cette pression constamment exercée par la SBT sur les télévisions privées, en débit des négociations en cours, cachait une volonté de faire disparaitre les télévisions privées actuelles au profit de nouveaux projets de télévisions qui frappent déjà à la porte du CSC.
Les télévisions privées qui ont vu leurs signaux suspendus sur la TNT ont simplement voulu assumer leurs réalités financières. Elles se sont donc abstenues de faire du dilatoire avec la SBT, en jouant aux opportunistes pour occuper l’espace télévisuel de la TNT, tout en sachant qu’elles ne peuvent pas supporter de tels montants ni, dans le court, ni dans le long terme.
Nous réaffirmons toutefois notre engagement à poursuivre, avec patriotisme et professionnalisme, notre sacerdoce qui consiste à produire et à diffuser des informations justes et de proximité au profit des Burkinabè, d’utiliser nos petits écrans pour assurer la promotion de nos valeurs endogènes et tenir ainsi tête à l’acculturation imposée par les télévisions étrangères. Nous restons aussi disposés à trouver des solutions pérennes, à travers le dialogue, pour la viabilité, et de la SBT, et des télévisions privées au grand bonheur des populations éprouvées et résiliente.
Fait à Ouagadougou le 13 décembre 2021