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Tchad: 24 heures chrono pour les trois pompiers du DNIS

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Comme la transition, des opposants et rebelles tchadiens exigent un dialogue national inclusif (Ph. d'illustration/dw.com)

C’est, en principe, ce mardi que les Tchadiens devaient entrer dans le vif du Dialogue national inclusif souverain (DNIS). Mais finalement ce sera mercredi, afin de mettre au point, selon la version officielle, des détails techniques et de logistique. Ce report sera-t-il le dernier pour lancer, enfin, la machine qui souffre d’un retard à l’allumage depuis ce samedi, après une ouverture qui n’a pas manqué de présenter bien des failles en matière d’organisation? Certes ces défaillances sont inhérentes à toute œuvre humaine, notamment celle de l’envergure d’un rassemblement où sont attendus 1400 participants. Mais il faut le reconnaître, plus que les questions organisationnelles, le DNIS a encore un challenge plus important à relever.

Les derniers réticents et pas des moindres se font toujours prier pour répondre à l’appel du chef de la junte militaire au pouvoir à N’Djamena, le général Mahamat Idriss Deby, qui, lui, ne veut pas d’une symphonie inachevée. Comment donc convaincre les opposants battant pavillon Wakit Tama et, entre autres, les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (Fact), à rejoindre la table, pas du festin, mais du dialogue dressée par le fils Deby? Bien des acteurs politiques et de représentants de groupes politico-militaires a qui seront dévolue la lourde tâche de briser le cycle infernal de rébellions et de guerres civiles auxquelles est abonné le Tchad, ont déjà répondu présents au tocsin sonné par les autorités de la transition pour donner une autre chance au pays où la tradition est plutôt celle du rapport de force brute.

En tout cas, les trois pompiers de service viennent de bénéficier de 24 heures de rallonge pour convaincre, ils l’espèrent avec succès… Succès Masra, l’éloquent «Transformateurs» et Mahamat Mahdi Ali, le chef rebelle du Fact dont les balles, à en croire la version officielle, ont fait passer de vie à trépas, le 20 avril 2021, le «guerrier» Idriss Deby Itno, ci-devant Maréchal et chef de l’Etat tchadien, alors que celui-ci s’était rendu, comme à l’accoutumée, au front pour défier l’ennemi. Le trio de mousquetaires, à lui seul peut se targuer d’avoir décanté des situations qui paraissaient des plus inextricables.

En effet, l’ancien patron de la diplomatie burkinabè, Djibrill Bassolé en a vu bien d’autres, au Mali, au Togo, en Côte d’Ivoire ou même au Tchad, pour ne citer que ces pays où il a traîné sa bosse de médiateur chevronné. En tant que facilitateur conjoint des Nations unies et de l’Union africaine, le représentant spécial de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), dans le conflit du Darfour, a obtenu, le 14 juillet 2011, un accord de paix entre les frères ennemis soudanais. Celui qui a été évacué de Ouagadougou en France pour soigner un cancer, a, en tout cas retrouvé les forces nécessaires pour faire jouer ses talents de médiateur chevronné à N’Djamena.

Djibrill Bassolé qui est loin d’être en terra incognita au Tchad, lui qui a suivi de bout en bout le pré-dialogue tchadien de cinq mois qui s’est tenu dans la capitale qatari, a, à ses côtés, Moustapha Ould Limam Chafi, le très discret mais d’une efficacité tranchante dans la libération d’otages aux mains des djihadistes. S’appuyant sur un carnet d’adresses riche aussi bien de contacts de chefs terroristes que de têtes couronnées les plus illustres de cette planète, celui que le président burkinabè Blaise Compaoré qualifiait de son «homme du désert», et qui est aujourd’hui le conseiller du président nigérien Mohamed Bazoum, a tout le tact nécessaire pour sortir le DNIS du bourbier qui le guette.

Sauf que le dossier tchadien semble bien corsé à cause de la prudence de sioux dont font preuve les opposants et certains chefs rebelles qui ne veulent apporter une quelconque caution à une tribune qui pourrait servir de tremplin à la perpétuation du règne des Deby. Et c’est là qu’entrera probablement en jeu, en plus des promesses de strapontins, le chéquier qatari, que détient actuellement à N’Djamena, le conseiller en charge de la sécurité nationale de l’émir, Mohamed Bin Ahmed Al Mesned. De Doha où il pesé de tout son poids sur les discussions du pré-dialogue à N’Djamena où il espère récolter les fruits d’un dialogue qui devrait permettre au Tchad de tourner la page de la transition et de mettre en place un régime démocratique et une alternance, avec l’adoption d’une constitution qui sera soumise à référendum, le négociateur en chef affiche un optimisme, peut-être feint, peut-être vrai.

En tout cas, alors que le Tchad et ses alliés français surveillent comme du lait sur le feu, les rebelles du CCMSR, groupe non signataire de l’accord de Doha et qui se signale depuis quelques jours dans la zone aurifère de Kouri-Bougoudi dans le Tibesti, N’Djamena retient son souffle et s’accroche à ses trois pompiers qui multiplient les rencontres avec Succès Masra et les derniers hésitants qui continuent de freiner des quatre fers pour aller au Dialogue national inclusif souverain.

Par Wakat Séra