Adoubé et même adulé, il ne faut pas avoir peur des mots, par les anciens homologues de son père devenus aujourd’hui ses pairs, Mahamat Idriss Déby, est le chef de la junte, pudiquement habillée en Conseil militaire de transition (CMT), au pouvoir au Tchad. A la tête du quarteron de généraux qui a pris, le canon à l’air, les clés du palais présidentiel, à la disparition tragique, dans le jargon du football on aurait parlé de mort subite à une certaine époque, le jeune Dédy, du haut de ses 37 piges, est déjà bardé de quatre étoiles de général de l’armée tchadienne, armée dont feu son père était le seul et unique maréchal. Marquant son territoire dès sa prise de fonction, le patron du CMT, régnant en maître absolu qui a horreur, comme son défunt père, de la contradiction, a reçu l’onction de tous les «anciens amis» du maréchal Idriss Déby Itno. Ceux-ci, profitant de leur présence à Ndjamena pour les obsèques du père lui ont accordé au fils, un soutien, ne serait-ce que de fait, pour certains. Même le président français, qui s’en défendra par la suite, a assuré le «fils du père», de son appui.
Tous ont ravalé leurs chapeaux oubliant qu’ils avaient combattu, avec la dernière énergie, la prise de pouvoir, par la force, des militaires de Kati, qui avaient cueilli, comme un fruit mur, le 18 août 2020, le président malien. Ibrahim Boubacar Keïta n’était pourtant qu’à deux ans de la fin de son deuxième mandat constitutionnel! Mais les urnes n’étant pas prêtes, les armes ont été choisies pour le faire partir. Les hommes en kaki maliens, eux seront malmenés, sans pitié, par une Union africaine, le fameux et puissant syndicat des chefs d’Etat africains, notamment, l’Ivoirien Alassane Dramane Ouattara et le Guinéen Alpha Condé. Ces deux chefs de l’Etat, étaient en plein élan pour un troisième mandat, et d’autres membres pour un sixième ou 7è bail à la tête de leurs pays respectifs. Difficile de trouver les chiffres exacts, ces présidents à vie ou sur la voie de transmettre le pouvoir au fils ou au frère, ayant pris le soin de s’octroyer une nouvelle virginité, après avoir charcuté la constitution de leurs pays.
Contre toute attente, la même UA, avec les mêmes acteurs, est devenue atone et aphone sur le coup d’Etat tchadien. Même la suspension de la loi fondamentale, la dissolution des institutions dont l’Assemblée nationale et le gouvernement, n’ont point ému l’Union Africaine qui, officiellement a peur que la digue tchadienne ne cède face au terrorisme et au grand banditisme, alors que le chaos s’est installé en Libye, faisant de ce pays, une poudrière à ciel ouvert et une terre de tous les trafics dont la traite humaine. Le Tchad civil qui aspirait tant au changement que venait, du reste de vivre pacifiquement, le Niger voisin, doit donc prendre, encore, son mal en patience.
Sauf que ce qui a été permis par l’UA, est rejeté, avec vigueur, par le parlement européen, qui, dans une résolution de ce 20 mai 2021, sur la situation au Tchad, a condamné «la prise militaire du pouvoir par le Conseil militaire de transition le 20 avril». Du coup, les élus européens invitent, pour ne pas dire enjoignent, les Tchadiens, au dialogue politique inclusif et, face à la répression sans ménagement et disproportionnée des manifestations par les militaires, «à préserver les vies de la population civile». Et le processus devra déboucher sur un retour à l’ordre constitutionnel, a fortement recommandé le parlement européen.
Mais que peuvent les députés européens, pour contraindre les militaires à rendre aux civils, un pouvoir qui a été leur, depuis 1990, lorsque le président défunt, Idriss Déby Itno, chassait du palais présidentiel, avec l’appui de la France, son prédécesseur, Hissène Habré? Les élus européens iront-ils jusqu’à proposer l’attirail classique de sanctions et autres embargos ciblés contre les généraux tchadiens pour leur faire lâcher prise? Rien n’est moins sûr! Ce cas de figure n’est pas envisageable, pas pour l’instant en tout cas, le fils du père et nouveau maître de Ndjamena, étant adossé au même appui de la France, avec l’accompagnement docile des dirigeants africains, plus précisément ceux du Sahel, cette partie de l’Afrique, où le maréchal était considéré comme le plus grand guerrier contre l’hydre terroriste.
Pour le moment, et sauf retournement inattendu de situation, le général Mahamat Idriss Déby, garde la main. N’en déplaisent aux démocrates purs et durs dont la lutte n’est certes pas vouée à l’échec, mais est confrontée au silence très intéressé de la fameuse communauté internationale, agissant toujours à la tête du client, et rarement ou jamais, au profit du peuple!
Le Maréchal Déby est mort, vive le Général Déby!
Par Wakat Séra