Que se passe-t-il au Tchad? Difficile de répondre à cette question, compte tenu de la volatilité de la situation des affrontements entre les forces loyalistes du maréchal Idriss Deby Itno et les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (Fact). Ce qui est certain, alors que la nouvelle demande de permission, pour raison de santé, déposée par les avocats de Hissène Habré, 79 ans, essuyait le refus de la justice, celui qui a chassé l’ancien président condamné à perpétuité, en 2016 par une cour africaine, pour crimes contre l’humanité commis alors qu’il était au pouvoir, de 1982 à 1990, faisait face à une attaque des rebelles. Ceux-ci avaient décidé de marcher sur la capitale N’Djamena, pour éjecter le maréchal de son fauteuil qu’il est en passe de reconquérir, sans coup férir, pour un 6e mandat, dans une élection présidentielle, sans passion. Idriss Deby Itno avait pris le soin de faire le vide d’opposants autour de lui, pour aller, en roue libre, vers cette victoire, envers et contre tous.
De ces premiers affrontements, de ce week-end, au nord de Mao dans la province du Kanem, à plus de 300 km de la capitale tchadienne, et dont les images, qui circulent sur les réseaux sociaux sont la preuve de combats d’une intensité rare, N’Djamena établit un bilan plus qu’élogieux à son actif, affirmant avoir mis en déroute les colonnes des rebelles. Au moins 2 000 hommes de l’armée tchadienne ont été déployés sur le théâtre des combats, avec une logistique conséquente et des informations d’une précision chirurgicale qui, selon certains, pourraient bien provenir de l’allié fort du moment, qui ne jure que par Idriss Deby. Entre 250 et 300 rebelles, toujours selon l’armée tchadienne, ont été tués et environ 150 autres ont été faits prisonniers. Pendant que les «Deby boys» se targuaient de cette razzia sans commune mesure, dans une guerre sans merci, le Fact lui affirme continuer sa progression vers N’Djamena.
En tout cas, dans cette guerre d’armes lourdes et de communication, si la France prodigue des conseils à ses ressortissants, les mettant en garde contre toute sortie hors de la capitale, d’autres chancelleries étrangères, demandent aux leurs de quitter le pays, si leur présence n’y est pas absolument nécessaire. Recommandations qualifiées de hâtives par les autorités tchadiennes qui lancent un appel au calme en affirmant que la situation est sous contrôle. Dans une déclaration commune, des forces vives de la nation, dont de grandes figures de l’opposition, comme, Saleh Kebzabo et Succes Masra, ont appelé à un dialogue national inclusif, tout en réitérant, le «rejet définitif» par les Tchadiens «du système qui gouverne le Tchad depuis trois décennies, en boycottant à une écrasante majorité, l’élection présidentielle (…)
Tant dans les urnes, qu’avec les armes dont il semble ne comprendre que le langage, Idriss Deby Itno, 68 ans et 31 ans au pouvoir, semble avoir la maîtrise de la scène politique tchadienne, qu’il n’entend partager avec personne d’autre. La monarchie dans la démocratie, est le sport favori du président tchadien, qui profite et abuse des succès de son armée aguerrie dans la lutte contre le terrorisme, pour s’imposer comme un partenaire incontournable, notamment de la France. Pour l’alternance démocratique, passez après, il n’y a rien à voir! Surtout que le maréchal vient d’envoyer, dans la zone dite des trois frontières que partage le Mali, le Burkina Faso et le Niger, un contingent de 1200 hommes qui ont pour mission de mettre hors d’état de nuire, les hommes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans de Iyad Ag Ghaly et de Amadou Koufa de la Katiba Macina.
Au nom de la lutte contre le terrorisme sur l’autel duquel la démocratie est sacrifiée, Idriss Deby Itno, sauf tsunami, peut étrenner ses nouveaux galons et renforcer son trône jusqu’en 2033, selon les termes de la Constitution à taille de maréchal tchadien.
Par Wakat Séra