Sur le sable chaud qui recouvre le corps du maréchal Idriss Déby Itno, ses concitoyens essaient de construire une paix qui, visiblement, est appelée de tous leurs vœux, mais est aussi souhaitée par tous les Africains et les Occidentaux, notamment la France de Emmanuel Macron. Si la mort du président tchadien, au front, comme l’a révélé la déclaration d’un quarteron de généraux à la tête duquel se trouve Mahamat Idriss Déby Itno, le fils du président défunt, continue de susciter des interrogations, cette disparition elle, pose, à coup sûr, l’équation de la stabilité dans un Tchad confronté à une rébellion, mais aussi à des tensions internes entre communautés. A cette équation qui n’est déjà pas des moindres, se greffent la levée de boucliers contre une succession monarchique du père par le fils et les revendications pour une transition civile. Difficile de soustraire du tableau, peu affriolant, le combat permanent pour le respect des droits humains, qui, il faut l’admettre, avec les opposants et la société civile, était le cadet des soucis du «guerrier» du Sahel, qui repose, depuis ce vendredi, à Amdjarass, la terre de ses ancêtres. Le deuil de 14 jours décrété par les nouveaux maîtres pour honorer la mémoire de l’ancien président tchadien court toujours, mais le recueillement, n’est, certainement pas, synonyme de trêve entre la rébellion du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (Fact) et le pouvoir de Ndjamena.
Si le Fact plaide pour un dialogue inclusif, le Conseil militaire de la transition (CMT) lui, n’entend pas avoir pour interlocuteurs des «hors-la-loi». Le Tchad reste donc sous tension, car les généraux au pouvoir sont même prêts à traquer les rebelles qui, selon eux, ont tué plusieurs dizaines de soldats tchadiens, dont le «premier» d’entre eux, le maréchal Idriss Déby Itno. Et même si la majorité des Tchadiens, avec eux, les religieux, disent leur ras-le-bol de la guerre, le bout du tunnel est encore bien loin pour atteindre cette paix que tout le monde veut, mais qui semble s’éloigner davantage, notamment, avec la radicalité de ton des hommes en kaki. Ceux-ci demandent, en effet, l’implication de tous les pays du G5 Sahel et, en particulier du Niger où ils disent savoir que les rebelles se sont réfugiés, pour «faciliter» leur «capture». Le Mouvement patriotique du salut (MPS), parti désormais orphelin de son créateur, feu le maréchal, tout en faisant montre de flexibilité, refuse, lui également, que le dialogue soit mené dans le «désordre». Comme quoi, comme ces croyants qui veulent aller au paradis mais ont peur de la mort, les Tchadiens recherchent la paix mais ne mettent pas en place les instruments pour. La tête de Mahamat Mahadi Ali, le leader du Fact, est même mise à prix par le procureur de Tripoli, pour «crimes de guerre».
Finalement, le verrou tchadien va-t-il sauter, alors que tous les chefs d’Etat du Sahel et du Nigeria, tout comme le Français Emmanuel Macron, se battent pour le maintenir, dans la logique de la lutte contre le terrorisme? Les pays du G5 Sahel et la France qui ont plus que montré leur soutien aux généraux qui ont pris le pouvoir, dans l’intérêt, justement, disent-ils, de ne pas laisser le Tchad aller au chaos, vont, sans doute, coopérer pour casser pour de bon cette rébellion qui menace de marcher sur Ndjamena. Une chose est certaine, s’ils sont prêts à sacrifier le respect des dispositions constitutionnelles pour la prise de pouvoir par les militaires, en adoubant le général Mahamat Idriss Déby comme successeur de son père, c’est clair que la rébellion, devra faire le deuil de ses ambitions de s’installer au palais rose. Pour l’instant ce sont bien les présidents nigérien, Mohamed Bazoum, et mauritanien, Mohamed Ould El-Ghazaouani, désignés à la tête de la médiation, qui doivent se triturer les méninges pour faire avancer le dossier de la paix et de la stabilité au Tchad. Mais ils doivent être encouragés par tout le peuple tchadien et ses dirigeants, pour une issue heureuse et surtout pragmatico-réaliste. Pour faire baisser un peu le mercure, au lieu de donner du grain à moudre à ses contempteurs, et donner surtout des chances à la paix, et si le CMT mettait un peu d’eau dans son vin, en se dotant d’une aile civile pour les 18 mois de transition qu’il a enclenchée?
Quel avenir pour le Tchad, une semaine après la mort de celui qui l’a dirigé, en solitaire, pendant 31 ans? Question pour l’instant sans réponse et qui taraude les esprits à Ndjamena et bien au-delà!
Par Wakat Séra