Accueil A la une Tchad: la parenthèse de la transition fermée, et maintenant?

Tchad: la parenthèse de la transition fermée, et maintenant?

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Le président tchadien, Mahamat Idriss Déby

61% pour Mahamat Idriss Deby. 18,54% pour Succès Masra. 16,93% pour Albert Pahimi Padacké. 75,78% pour le taux de participation. Et tous les recours rejetés en l’absence d’assez de preuves et d’assez de précisions «dans les allégations». Ce qui confirme, selon ces chiffres et décision du Conseil constitutionnel, les résultats provisoires de l’Agence nationale de gestion des élections (Ange), qui avaient donné Mahamat Idriss Deby, président élu du Tchad après trois ans de transition militaire. Plus aucune contestation n’est en vue, le Premier ministre Succès Masra, ayant renoncé à sa demande d’annulation du scrutin, tout comme n’a pas abouti la réclamation de l’ancien Premier ministre Albert Pahimi Padacké, visant à annuler les votes dans cinq provinces, afin d’espérer occuper la deuxième marche du podium, qui lui a échappée. Devant les Sages tchadiens, seule l’Ange a eu raison, elle dont le travail a été validé, en dehors de petits ajustements anecdotiques.

Visiblement, tous les candidats semblent avoir accepté le verdict final. Même les armes qui avaient crépité, crachant des balles «de joie» sont restées silencieuses, elles qui, lors de la publication des résultats provisoires, avaient fait une dizaine de morts et des blessés dont interdiction formelle a été faite de faire des photos dans leur lit d’hôpital. Désormais, le pouvoir n’est plus kaki, car le général Mahamat Idriss Deby, pour se faire une virginité par les urnes, a troqué le treillis et le béret rouge, contre le boubou et le bonnet d’un blanc éclatant, qui en font un civil, peut-être pas encore dans l’âme, mais certainement dans l’apparence, voire dans les actes, si la mue se poursuit jusqu’à aboutissement. Certes, l’habit ne fait pas le moine, comme le dit l’adage, mais le pouvoir va retourner, en principe, aux civils. Ce qui se traduira, sans doute, par davantage de non militaires dans la composition du prochain gouvernement, qui pourrait être une équipe d’ouverture, mais dont on ne sait, pour l’instant, si Succès Masra reprendra les commandes.

En effet, Succès Masra qui s’était proclamé vainqueur de l’élection avant même que l’Ange ne passe, a dû griller une bonne partie de ses chances. A moins que les propos très durs du Premier ministre contre l’élection du 6 mai, fassent partie intégrante de la stratégie savamment élaborée, pour donner au scrutin, ce crédit dont il avait fortement besoin. Certains, notamment Albert Pahimi Padacké, pour ne pas le nommer, ayant prédit un «match amical» entre le président de la transition et son Premier ministre, lancés tous deux, dans la course au fauteuil présidentiel. Pour s’attirer les faveurs de l’opposition, mais surtout de populations, dont le grand nombre aspirait au changement, le président Mahamat Idriss Deby, sera face à un exercice bien difficile dans le choix des hommes et femmes qui dirigeront ce pays post-transition.

Que de défis pour le président Mahamat Idriss Deby qui ne doit plus forcer le respect par les armes, mais par des choix politiques efficaces, pour recoller les morceaux d’un Tchad en quête de cohésion sociale depuis des lustres. En outre, clarifier les termes de coopération avec les anciens et nouveaux partenaires, comme les Etats-Unis, la France, la Russie et la Chine, mettre fin aux rébellions aux frontières, offrir des emplois aux jeunes pour faire reculer le chômage, restructurer une économie nationale en déconfiture, entreprendre une lutte véritable contre l’hydre de la corruption, maintenir les terroristes loin du Tchad, sans oublier le reboosting d’un système éducatif boiteux depuis la nuit des temps. En somme, tout est prioritaire au Tchad, et il urge, pour le chef de l’Etat, de sonner le tocsin du rassemblement, car aucune force ne sera de trop, pour construire un pays riche de son pétrole, mais aussi de compétences internes ou externes qui ne demandent qu’à être exploitées et valorisées.

Pourvu que cette élection enclenche, pour de bon, la dévolution du pouvoir par les urnes et non plus par les armes, dans un Tchad autour duquel rodent toujours les démons des guerres civiles!

Par Wakat Séra