Le pré-dialogue tchadien pour la réconciliation nationale qu’accueille le Qatar, a ouvert ses portes ce dimanche, mais a aussitôt baissé les rideaux pour une pause technique de trois jours. Ainsi en a décidé le pays aux gratte-ciel futuristes commis à la tâche de rabibocher les frères ennemis tchadiens, qu’ils soient politiques ou militaires. Si l’initiative prise par les autorités de transition est louable au plus haut point, elles qui voudraient ainsi déblayer le terrain, ou baliser, c’est selon, la voie non moins semée d’embûches qui doit mener à la réconciliation nationale, ne pouvait qu’être titanesque.
Compte tenu des acteurs en présence et surtout de préalables non encore aplanis, tel que l’imposition du fils Deby comme président du Tchad, sur la tombe non encore fermée de son père, Doha, et a fortiori Ndjamena qui devra abriter, au mois de mai, le dialogue national inclusif, ne pouvaient passer comme lettre à la poste.
C’est ainsi que le premier couac s’est invité en amont même du pré-dialogue, par l’éviction de l’ancien chef de l’Etat tchadien, Goukouni Weddeye qui pilotait le comité qui négociait avec les mouvements rebelles pour les amener sous l’arbre à palabre de Doha. L’homme qui dit partir avec le sentiment d’une mission accomplie a donc été débarquée et remplacée, au pied levé, par le ministre tchadien des Affaires étrangères.
Certes toute la vérité est encore loin d’être connue sur la mise hors-jeu de Goukouni Weddeye, mais les présages n’étaient plus des plus sereins pour ce conclave qui, dans sa composition prenait davantage l’air d’une foire, qu’une étape importante d’une course vers la réconciliation nationale. Ce qui devait arriver arriva donc, même s’il faut reconnaître aux protagonistes, le mérite d’avoir accepté de se parler.
La première salve contre le pré-dialogue a été balancée par la fange de la rébellion tchadienne, dirigée par Mahamat Mahdi Ali qui, lui-même, comme d’autres chefs rebelles, n’a pas fait le voyage dans la presqu’île, officiellement pour des raisons logistiques, mais dont le dernier haut fait de guerre en date a été l’assaut mené le 11 avril 2021 contre le Tchad et dans lequel, selon la version officielle, Feu le Maréchal Idriss Deby Itno, a trouvé la mort au front, le 20 avril.
Après avoir claqué la porte, et sur leur exigence, les délégués du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (Fact) ont contraint les Qataris à porter, désormais, le bonnet de médiateur sur le boubou de facilitateur dont ils s’étaient parés. De plus, le Fact qui s’insurge contre le dérouler de la rencontre, selon un ordre du jour auquel il n’aurait pas été associé, a également milité pour, en plus de la médiation que doit assumer le Qatar, dégraisser l’effectif pléthorique de protagonistes présents à la table du pré-dialogue, véritable mammouth de 59 groupes politico-militaires, plus que n’en compte réellement le pays, selon les protestataires.
Quel sort pour le pré-dialogue et, in fine, pour le dialogue lui-même, qui constitue l’étape finale qui servira lui-même de cadre à la réconciliation nationale au Tchad? Un pays miné par des dissensions politiques, la menace presqu’au quotidien des groupes rebelles et de combattants de la nébuleuse terroriste Boko-Haram, sans oublier la transition politique en cours qui ne fait pas l’unanimité autour de ses dirigeants, notamment le général Mahamat Idriss Deby qui a pris le pouvoir à la mort de son père, comme dans une succession dynastique. En tout cas, c’est bien pour les Tchadiens de s’appuyer sur la béquille qatarie pour aller au pré-dialogue, et éventuellement au dialogue, mais, à la longue, ils doivent pouvoir affronter courageusement leur histoire à la «maison» et aller vers cette réconciliation nationale réclamée à toutes les tribunes officielles mais que certains voudraient bien façonner dans leur moule à eux.
De tous leurs doigts, les Tchadiens doivent venir boucher la jarre Tchad trouée. En tout cas, l’avenir de toute la nation doit prendre le pas sur les intérêts ethniques, claniques, partisans, personnels et égoïstes qui freinent la marche du pays vers la démocratie, la vraie, et le développement.
Par Wakat Séra