Des tirs nourris au palais présidentiel dans la soirée de ce mercredi, alors que la nuit tombait sur Ndjamena. Des blindés sont déployés autour du bâtiment et des militaires ont pris position dans les rues environnantes. Il était 19h30, en heure locale.
Mais dès 21h, le calme est revenu. Et des vidéos ont commencé à inonder la toile, présentant des corps en piteux état, gisant dans le sang. Un mini carnage dans lequel une vingtaine de personnes, dont 18 assaillants, selon certaines sources, aucun bilan fiable n’étant encore disponible, seraient passé de vie à trépas. Ce fut le moment choisi par certaines autorités, dont le ministre en charge des Infrastructures et celui des Affaires étrangères et porte-parole du gouvernement, pour prendre le pouls de la situation. Arme de poing à la ceinture, le patron de la diplomatie tchadienne, Abderamane Koulamallah, rassure l’opinion, avant de poser, tout sourire, avec les militaires qui ont probablement fait le job de nettoyage. Car, même si le missi dominici de Mahamat Idriss Deby, déclare, sur le coup, qu’«il ne s’est rien passé de grave», les armes n’ont pas crépité pour «rien» et les cadavres exhibés sur les réseaux sociaux n’ont, certainement pas, été charriés par une tempête de sable!
Que s’est-il alors passé, alors que la nuit tombait sur Ndjamena? Une attaque menée par la nébuleuse Boko-Haram qui fait la loi au Nigeria voisin où il endeuille constamment les populations quand il ne se livre pas à des enlèvements de masse? Une attaque de ces groupes rebelles qui rôdent constamment aux frontières du Tchad, et dont l’un serait à l’origine de de la mort, par balle, le 20 avril 2021, du père Deby, monté au front pour lutter contre eux, comme il en aurait l’habitude? Une tentative de déstabilisation «éradiquée» comme l’a dit le porte-parole du gouvernement du régime du fils Deby qui, après avoir été président du Conseil militaire de transition suite à la disparition du maréchal Idriss Deby Itno, a assumé la présidence de la Transition, avant de se donner une virginité par les urnes, mettant à profit l’élection présidentielle du 6 mai 2024?
Investi dans la foulée, soit le 23 mai, alors que l’opposition contestait encore sa victoire de 61% des suffrages, celui qui venait, à peine d’intégrer le cercle restreint des maréchaux, dont faisait partie papa, fait-il face à la première tentative de déstabilisation de son régime civil? Toutes les hypothèses sont dans la balance, même si celles de tentative de coup d’Etat, d’attaque de rebelles, ou de terrorisme, auraient été, pour l’instant, balayées pas le même ministre qui parlait de coup de force manqué! Avant même les enquêtes, c’est tout une autre version qu’il aurait fournie à la télévision nationale. Le ministre aurait révélé que les assaillant étaient au nombre de 24. Il a aussi parlé de 25, «une sorte de ramassis, qui sont venus armés des armes, de coupes-coupes et de couteaux. Ils étaient à bord d’un véhicule qu’on appelle communément Dina…»
En attendant que le procureur se prononce sur ces coups de feu d’un soir, les conjectures, dans les rues et les cours de Ndjamena, partent de partout, et vont dans tous les sens. Certains, sur les réseaux sociaux n’hésitent même pas à voir, derrière ce feu d’artifice de début d’année, une main invisible, celle de la France, pour ne pas la nommer. Cette France d’Emmanuel Macron dont le Tchad du maréchal Mahamat Idriss Deby, dans un coup de tonnerre, a déclaré, non grata, le millier de soldats présents sur son sol. Du reste, de sans délai, le retrait des militaires français a, désormais, une date butoir, fixée par les autorités tchadiennes, au 31 janvier 2025. De quoi embarrasser Paris, car ça ne sera pas une mince affaire de désorganiser les camps militaires de leurs lourds équipements, avant de les rétrocéder aux anciens hôtes.
Que s’est-il donc réellement passé au palais présidentiel de Ndjamena ce mercredi en soirée? La question reste toujours posée, et les Tchadiens, coutumiers des guerres, rébellions, attaques de groupes armés, et tentatives de coup d’Etat ou coups d’Etat, vont certainement continuer à vaquer, en toute quiétude, à leurs occupations. Surtout qu’«il ne s’est rien passé de grave», et que «la situation est sous contrôle»!
Par Wakat Séra