Idriss Deby Itno, président à vie? L’interrogation est presque sans objet après les résultats du Forum national inclusif sur la réforme des institutions qui a ouvert ses portes le 19 mars dernier pour les fermer ce mardi. Ce sont plus de 800 participants qui ont pris part à cette grande foire qui, malgré son caractère inclusif mis en avant par le pouvoir s’est déroulée sans l’opposition, ni la majorité de la société civile qui ont refusé d’apporter leur caution à ce qui n’est, ni plus, ni moins, qu’une tentative d’assassinat de l’alternance. Mais ce boycott des défenseurs de la démocratie n’a point empêché les partisans du règne à vie de leur champion, de commettre le forfait qui devrait faire du chef de l’Etat, un monarque dans un Etat démocratique. Pire, c’est un régime présidentiel qui a été consolidé par le forum qui enterre jusqu’aux postes de premier ministre et de vice-président. Le seul mérite de ce rassemblement fourre-tout a été de réinstaurer la limitation des mandats. De 4 ans, l’exercice présidentiel passe à 6, avec possibilité de ne le recommencer qu’une seule fois. Sauf que cette initiative qui devait être louée par les défenseurs de la démocratie, remet le compteur à zéro pour l’homme fort de N’Djaména, officiellement président du Tchad depuis le 28 février 1991. Mais entre-temps, comme soucieux d’être à la mode de la démocratie, Deby qui a chassé Hissène Habré du pouvoir avec le soutien de la France, s’est refait une virginité par les urnes, en 1996, 2001, 2006, et 2016.
Dans la nouvelle configuration de gouvernance qui se profile avec l’avènement de la 4è république qui sera portée par une nouvelle constitution prévue d’être soumise à référendum, le capitaine Deby aura la lourde charge de mener seul, à bon port, le bateau tchadien. Pas besoin de seconds, la tentation de devenir calife à la place du calife étant trop forte dans la tête de ceux qui sont trop proches du trône. Le boulevard de la présidence à vie est donc totalement dégagé pour Idriss Deby Itno qui doit pouvoir ajouter à ses trophées de chasses, les présidentielles de 2021 et 2027. Sauf si un accident comme une insurrection populaire passe par là, le chef de l’Etat tchadien, aura alors passé 43 de ses 75 ans de vie au pouvoir. La situation est plus qu’ubuesque, Deby oubliant que les charges présidentielles usent énormément. Pire, il s’expose à bien des désagréments, les générations nouvelles s’accommodant très peu de ces pratiques obsolètes qui consacrent un roi dans une démocratie, système dont l’alternance au sommet est la pierre angulaire. Pourtant, ce ne sont pas les exemples de candidats malheureux à la présidence à vie qui manquent dans le répertoire des chefs d’Etat africains. Deby serait le retraité le plus heureux s’il prend vite conscience du fait que le règne sans fin peut très vite se transformer en piège sans fin!
En tout cas, avec cette parodie de forum inclusif qui vient de lancer la marche en avant de la 4è république qui lui servira de pilier pour pousser des racines au pouvoir, Idriss Deby Itno vient de faire la preuve que la présidence à vie a encore de beaux jours devant elle en Afrique. Tant que des courtisans et des zélateurs continueront à vivre des avantages égoïstes et très personnels grâce au pouvoir, ils trouveront également les plans les plus machiavéliques pour assurer la longévité du système. Jusqu’au réveil du peuple conscient.
Par Wakat Séra
