A l’élection présidentielle tchadienne du 6 mai dernier, le succès a fui Masra, à en croire les résultats provisoires rendus publics par l’ANGE, l’Agence nationale de gestion des élections, qui a déclaré le président de la transition, Mahamat Idriss Deby, vainqueur du scrutin avec 61,03%.
Revendiquant la victoire, avant même la sortie de l’autorité en charge du processus électoral qui l’a crédité de 18,53%, et alors que deux autres candidats malheureux, notamment l’opposant Albert Pahimi Padacké, 16,91% et le leader du Parti réformiste, Yacine Abdramane Sakine, 0,36%, ont déjà adressé leurs félicitations au vainqueur provisoire, le parti Les Transformateurs de Succès Masra, a déposé un recours devant le Conseil constitutionnel. Cette requête, bien que déposée dans les délais, et même deux jours avant le deadline, a-t-elle des chances de renverser les résultats, certes non encore définitifs, au profit de Succès Masra qui demande l’annulation de l’élection?
Rien n’est moins sûr! Sans risque de se tromper, on peut même affirmer que c’est «zéro chance» pour que la réclamation du Premier ministre, avant le vote, faut-il préciser, aboutisse. Non seulement, le Conseil constitutionnel est tenu, de main de maître, par les caciques du MPS, le parti fondé par le père Deby et dont le fils est le champion, mais qui plus est, en Afrique, rares, pour ne pas dire inexistants, sont les dirigeants qui organisent des élections pour les perdre. Et ce n’est certainement pas le général Mahamat Idriss Deby qui dérogera à cette règle non écrite, mais qui fonctionne à merveille, depuis la nuit des temps. A quelques exceptions près, comme récemment au Sénégal, avec la victoire sans bavure, du candidat de l’opposition, Bassirou Diomaye Faye, face au candidat de la coalition au pouvoir, Amadou Ba.
Ce n’est donc un secret pour personne, que le général Mahamat Idriss Deby remporterait ce scrutin, sauf pour Succès Masra qui croyait, et croie, sans doute encore, au miracle, alors qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil de N’Djamena. S’il a apporté, naïvement, ou avec conviction, sa caution à cette élection censée remettre le pouvoir aux civils, suite à une transition militaire de trois ans, il apprend à ses dépens que la constitution pour laquelle il a appelé à voter «OUI» après l’avoir combattue, a fait de Mahamat Idriss Deby, un candidat à même de compétir pour un fauteuil présidentiel qu’il abandonne en tant que dirigeant militaire de la transition et qu’il récupère comme président civil du Tchad.
Succès Masra, qui est en train de tout perdre, à commencer par son crédit d’opposant virulent, n’est-il pas simplement pris au piège de sa cupidité, alors qu’il a passé par pertes et profits, la vie de centaines de personnes ayant bravé les canons des militaires, pour le suivre dans son opposition aux pouvoirs successifs du père et du fils Deby? Ayant désormais conquis, pardon acquis, le pouvoir par des urnes qu’il a promises «libres, ouvertes et transparentes», le général Mahamat Idriss Deby, s’encombrera-t-il encore d’un Premier ministre d’ouverture qu’il a juste utilisé à ses fins pour crédibiliser «son» élection? Une question qui trouvera réponse dans les prochains jours qui ne présagent rien de bon pour Succès Masra qui pourrait bien se retrouver devant la justice de son pays, selon le bon vouloir du prince.
En tout cas, ayant perdu son parapluie de Premier ministre, l’opposant qui aura connu un passage aux affaires bien éphémère, ne devra son salut qu’à un rebondissement dont il est difficile d’imaginer la nature pour l’instant. En attendant, les Tchadiens sont dans l’attente du verdict final du scrutin, responsabilité du Conseil constitutionnel, qui pourrait aller aussi vite que l’ANGE qui plane sur les élections au Tchad!
Par Wakat Séra