Le grand imam de Djibo, dans le Sahel burkinabè, a été kidnappé, ce mardi 11 août, alors qu’il revenait de Ouagadougou, par des individus armés non identifiés. L’enlèvement de Souaïbou Cissé, 73 ans, fait suite à celui du chef de village de Nassoumbou, sur le même axe, Namsiguia-Djibo, il y a seulement deux semaines. Et entre ces deux enlèvements de chefs, il y a eu, ceux de cinq personnes, le samedi 8 août, entre Fada N’Gourma et Kantchari, dans l’Est du pays. Ceux-ci, retrouvés plus tard, ont eu plus de chance que les deux chefs, dont le rapt a eu pour théâtre cette route qui devient comme maudite pour les chefs.
Un tronçon d’une trentaine de kilomètres, non sécurisé. Du reste, y’a-t-il encore une partie sécurisée dans cette région du Sahel, qui sert de sanctuaire aux terroristes, ou plus précisément aux individus armés non identifiés, pour utiliser la formule consacrée au Burkina, depuis que les attaques armées récurrentes et meurtrières ne sont plus revendiquées? Non! Les populations civiles se déplacent le ventre noué par la peur de se retrouver, au détour d’un sentier, face au canon assassin de ces hommes sans foi ni loi qui écument le Burkina et endeuillent, sans distinction, de sexe, d’âge ou de religion, des villes et villages si paisibles, à une certaine époque, maintenant oubliée. Même aller au marché ou à la moquée ou encore à l’église, devient un acte hautement courageux! Les Forces de défense et de sécurité, elles dont les véhicules sautent régulièrement sur des engins explosifs artisanaux, sont, elles aussi, en permanence sur le qui-vive, redoutant ces embuscades dans lesquelles elles périssent, que ce soit au Nord, à l’Est ou dans le Sahel.
Qui sont donc ces ravisseurs qui s’évanouissent aussi facilement dans la nature avec leur butin? Fait étonnant, aucune demande de rançon pour rendre les otages à leurs familles n’a encore été révélée officiellement à la suite de ces enlèvements. Pourtant, c’est la suite classique de cette opération, que ce soit dans la réalité ou dans les films westerns ou d’action qu’affectionnent les cinéphiles. Tout se passe ici comme si ces rapts sont organisés, juste pour semer la psychose, tout comme les attaques armées qui font fuir de leurs villages, des populations apeurées, qui abandonnent derrière elles, terres et bétails, pour migrer vers des localités plus clémentes où elles trouvent refuge dans d’autres familles ou dans des camps de fortune où la précarité le dispute à la promiscuité. Et la menace terroriste se conjugue avec un désastre humanitaire que les Burkinabè vivent dans une douleur généralisée, aucune famille, de près ou de loin, n’étant épargnée.
Si la capitale et certaines grandes villes constituent encore des sortes de forteresse, entre deux assauts terroristes, comme ceux des cafés Cappucino et Aziz Istanbul, respectivement le 15 janvier 2016 et dans la nuit du 13 au 14 août 2017 et les attentats simultanés, le 2 mars 2018, de l’Etat-major des armées bukinabè et de l’ambassade de France à Ouagadougou, il faut dire que la vigilance est de mise partout et à tout moment. Le Burkina Faso, dont les populations, notamment à l’intérieur du pays, sont contraintes à la résilience, est bien dans l’œil du cyclone, tout comme le Mali, le Tchad, le Niger, et la Mauritanie avec qui le «pays des Hommes intègres», jadis havre de paix, partage le Sahel africain.
En tout cas, avec ce printemps des enlèvements, c’est une angoisse supplémentaire qui vient compliquer le quotidien des Burkinabè qui subissent déjà l’adversité d’un climat rude et d’un sol rocailleux, donc peu propice à l’agriculture dont vit pourtant, la majorité des populations. Sans oublier le Covid-19 qui fait aussi des siens, mettant au pas le Burkina Faso, comme le reste du monde. Un développement compromis? Peut-être pas, mais difficile tout de même, malgré la combativité légendaire du Burkinabè!
Par Wakat Séra