«Le Dialogue comme stratégie de désescalade et modalité de Refondation du vivre-ensemble et de l’Etat au Burkina Faso.» C’est le titre originel de cette réflexion dont l’auteur, Mamadou Diallo, appelle, comme à l’accoutumée, au dialogue entre tous les Burkinabè.
Ce sont pour l’essentiel des Groupes armés burkinabè d’obédience salafiste, affiliés à deux mouvances djihadistes au Sahel qui ont porté la guerre dans notre pays: l’un, le JNIM, lui-même affilié à AQMI et l’autre, l’Etat Islamique au Sahel (EIS) affilié à DAESCH.
Depuis maintenant huit longues années, notre pays est la cible des terroristes, et vit ces derniers mois une escalade dans la violence meurtrière contre les civils. Il nous faut en sortir.
Que des centaines, voire quelques milliers de jeunes notamment de la communauté peulh s’engagent dans les Groupes djihadistes et y consentent le prix de la vie par dizaines chaque semaine n’est pas un phénomène anodin. L’ancrage rural, l’extension nationale de ces groupes sont une réalité que l’on ne peut mettre au seul crédit du djihad global et du salafisme. Les racines du mal sont profondes et tiennent pour l’essentiel de notre histoire en tant qu’Etat et son modèle politique.
Dans ma tribune https://www.wakatsera.com/djihadisme-et-communaute-peulh-au-burkina-faso-que-faut-il-retenir-2/ j’ai essayé de montrer comment les groupes djihadistes se sont nourris de telles racines pour s’incruster et acquérir une capacité de nuisance redoutable.
On doit, en une certaine manière, voir la situation tragique dans laquelle nous sommes, comme le signe paroxystique de la crise de l’Etat-Nation post-colonial.
Ainsi après près de 130 ans d’ordre colonial et son avatar post-colonial, l’Etat-Nation post-colonial fait aujourd’hui face à l’impossibilité de passer par perte et profit l’historicité propre des différentes nations sociologiques assemblées (par le colon) dans l’actuel Burkina Faso.
Cette historicité s’exprime par le refus du projet développementaliste à travers diverses stratégies de résistance, d’évitement et malheureusement aussi à travers l’extrémisme violent porté par les groupes djihadistes qui remettent en cause ouvertement l’ordre post-colonial.
Qui peut aujourd’hui nier le délabrement institutionnel, éthique et moral de l’État-Nation post-colonial: inefficacité structurelle multidimensionnelle des régimes politiques; prégnance de la corruption et de l’affairisme au sein des élites modernes, traditionnelles et religieuses impactant la vie politique, le fonctionnement des institutions et la délivrance du service public; portage des dérives sociétales de la civilisation occidentale (sexualité, genre, famille, arts) qui littéralement intoxiquent notre jeunesse.
A l’évidence, au regard d’une telle circonstance historique, on ne pourra pas Faire Nation et Réinventer l’Etat sans prendre en compte de manière structurelle et sérieuse le fait que nos sociétés villageoises contemporaines sont la donne immensément majoritaire de notre vie culturelle, institutionnelle, sociale et économique. Continuer à les ostraciser, à les folkloriser, à en faire du bétail électoral au nom d’une modernité universelle, c’est, assurément s’engager dans une impasse. C’est en cela que notre situation, aussi tragique soit-elle, s’offre comme une opportunité historique de Refondation à saisir.
C’est là le point d’entrée de l’approche du Groupe d’Initiative pour le Dialogue à travers une Pétition qui ambitionne recueillir deux millions de signatures-c ’est-à-dire une majorité politique sans précédent dans notre histoire politique contemporaine-pour imposer un Cessez-le-feu durable afin d’ouvrir un chemin viable vers la fin de la guerre, la paix, la refondation du vivre-ensemble et de l’Etat au Burkina.
Les objections les plus fréquentes à notre approche, confondent Négociation et Dialogue. Dans ma tribune https://www.zoodomail.com/fr/securite/dialoguer-ou-negocier-que-peut-retenir-dans-la-recherche-de-la-paix-au-burkina j’ai essayé de montrer en quoi l’approche du Groupe d’initiative articule un paradigme de sortie de crise autre que la Négociation qui du reste, ne semble pas à l’ordre jour autant pour les leaders djihadistes que pour les autorités de la Transition.
Je voudrais à présent insister sur la spécificité du dialogue préconisé à travers ses acteurs, ses thématiques, ses modalités et ses conditions ; elles se veulent des fondements crédibles et durables de la désescalade, de la refondation de notre vivre-ensemble et de l’Etat dans notre pays.
Les acteurs du dialogue
Il s’agit d’une part, des sociétés villageoises dans leurs différents terroirs d’inscription et d’autre part, des franchises djihadistes du JNIM actives dans ces terroirs.
Les sociétés villageoises sont des corps sociaux et politiques institués bien avant l’Etat burkinabè ; elles continuent leur dynamique civilisationnelle envers et contre toutes les adversités des modèles politiques qui tentent de les subjuguer. Ainsi, ont-elles façonné-dans le temps et suivant l’évolution des contextes- à travers des processus instituants endogènes et autonomes des sociétés multinationales contemporaines bien vivantes avec leurs forces et leurs faiblesses et auxquelles l’immense majorité de burkinabè qui sont des agriculteurs, des éleveurs, des pêcheurs et des artisans, tiennent comme la prunelle de leurs yeux. Il nous faut en conséquence refuser de nier cette réalité au nom de la République, de la Nation, de la démocratie représentative, de la laïcité, et du modèle d’éducation de la jeunesse par l’école contre les valeurs traditionnelles.
Il nous faut donc donner à ces sociétés, la chance de prendre en charge à leur manière cette crise car connaissant bien mieux ceux des leurs qui sont engagés dans les groupes djihadistes et qui sont actifs dans les différents terroirs.
Les franchises djihadistes du JNIM, sont des structures décentralisées animées par des acteurs ruraux au niveau local sur la base de problématiques spécifiques ; ils sont loin d’être des idéologues et des salafistes indécrottables. Ils n’entendent certainement pas vouer à la guerre leurs vies et celles de leurs familles.
Le dialogue pour être crédible doit donc offrir aux gros de leurs troupes combattantes, un espace crédible de dialogue dans la recherche, sur la base de nos traditions villageoises de gestion et de règlement des conflits, de solutions endogènes et concertées aux maux structurels qui ont rendu possible, un ancrage significatif des groupes djihadistes au sein de la jeunesse rurale pastorale à l’échelle nationale et l’embrasement du milieu rural; c’est sans doute ainsi, ouvrir par le BAS, une voie plus adaptée de recherche de la Paix, de Refondation de notre vivre-ensemble et de l’Etat.
Les thématiques du dialogue
Le dialogue au regard de tels acteurs, pour être crédible et viable doit avoir avec comme axe principal, la gestion de la crise foncière en milieu rural avec comme but assigné: La sécurité physique, culturelle et sociale partagée des communautés dans chaque village à travers une viabilisation de l’exploitation familiale qui est la modalité sociale productive dans des sociétés lignagères pour l’essentiel.
A cet égard, quatre (4) thématiques d’intérêt mutuel peuvent permettre de réactiver de manière adaptée les processus instituants endogènes et autonomes au niveau villageois afin de prendre en charge les besoins d’innovation et de changement qu’appelle une sortie durable de la crise sécuritaire.
- La rénovation endogène de la gestion coutumière de la terre afin de renforcer l’économie familiale et villageoise dans toute ses diversités sectorielles.
- La reconquête et/ou le renforcement du respect mutuel entre communautés et croyances.
- L’identification et de la gestion des besoins de mutation en rapport avec l’éducation de la jeunesse, la question des cadets sociaux, la sécurité alimentaire et les services sociaux de base.
- La réconciliation au niveau villageois sur la base des mécanismes traditionnels éprouvés et à réinventer au besoin.
Les modalités du dialogue
Elles doivent être ancrées dans les modalités spécifiques de la délibération villageoise et ainsi, donner droit sans équivoque aux processus instituants endogènes et autonomes des sociétés villageoises.
Ainsi dans chaque village, les corps constitués traditionnels que sont le chef de terre, le chef coutumier le chef de village, élargis au Bureau CVD (Conseil villageois de développement), aux autorités religieuses, aux leaders d’opinion des communautés allochtones, des communautés discriminées, des jeunes et des femmes doivent délibérer et prendre des décisions sur ces quatre (4) thématiques ainsi que sur les modalités de leur mise en œuvre efficace y compris les mécanismes de suivi, d’ajustement et de sanction.
Sur cette base, chaque village ou groupe d’affinité de villages, prendra langue avec leurs frères affiliés au JNIM actifs sur le terroir afin d’engager le dialogue et la recherche d’accords qui s’imposeront à chacun y compris les mécanismes de suivi, d’ajustement et de sanction.
Bien naturellement ces décisions dans leurs diversités ne devront pas être contestées au nom de principes modernistes et universalistes abstraits; leur mise en commun et les nouveaux compromis éventuels à trouver devront être pris en charge par des concertations villageoises en considérant les convergences et les divergences.
Alors s’esquissera ainsi, le premier pilier essentiel de la Refondation du Vivre-ensemble et de l’État: le village comme échelon de base d’une approche délibérative, participative et inclusive de l’action publique.
Les conditions du dialogue
La condition essentielle au dialogue est un Cessez-le-feu de (six) 6 mois renouvelable entre le JNIM et l’Etat Burkinabè; donc à l’exclusion de l’Etat Islamique au Sahel.
C’est là que la stratégie militaire doit se mettre au service de la stratégie politique
Les stratèges militaires connaissent bien l’importance du Cessez-le feu préconisé à cette étape de lutte; ils en connaissent aussi les risques et les menaces, ainsi que les mesures à prendre pour leur gestion.
Les leaders des groupes affiliés au JNIM ont montré qu’ils étaient à l’écoute des tendances dans l’opinion publique concernant l’engagement de civils dans les combats; on peut ainsi considérer que l’escalade dans la stigmatisation et la violence contre les civils est en lien direct avec le recrutement massif de VDP et la modification significative des règles d’engagement des différentes parties qui l’ont accompagné.
En considérant les acteurs, les thématiques, les modalités du dialogue ainsi qu’une adhésion massive des Burkinabè pour une telle voie, les leaders djihadistes sont placés dans l’obligation de souscrire au Cessez-le-feu et à la dynamique de sortie de la guerre, ou de prendre le risque en le refusant, de perdre le gros de leurs forces combattantes et d’en sortir particulièrement affaiblis. L’effet d’une telle stratégie politique aura sans nul doute un effet d’entrainement significatif dans les rangs de l’Etat Islamique au Sahel.
La clé du succès d’une telle stratégie politique c’est donc notre mobilisation massive, sans équivoque et pacifique en faveur du dialogue. Cela est à notre portée!
Compte tenu de l’Etat d’urgence en vigueur pour Six (6) mois sur 62,5 % du territoire, seule la campagne de collecte de signatures en ligne, a été lancée depuis le 1er avril 2023 à travers une Pétition.
Pour ceux qui veulent en prendre connaissance, et éventuellement la signer, une version audio et une version texte de la Pétition sont disponibles à travers le lien ci-après:
NOTRE NOMBRE SERA NOTRE FORCE!
Bon courage à nous!
DIALLO Mamadou
74 50 18 59.