Que se passe-t-il en réalité à Seytenga dans la province du Séno? Si des informations recueillies sur place et irriguant à satiété les réseaux sociaux sont alarmantes, il n’en demeure pas moins que le gouvernement, tout en reconnaissant que cette commune vit des «événements tragiques» affirme «s’activer pour un retour à la paix et à la quiétude» et «invite tous les Burkinabè à se démarquer des bilans hâtifs et des chiffres diffusés sans vérification préalable».
Mais, en attendant «le bilan précis» qui «est en train d’être dressé par les services compétents» et que, selon les mots de son porte-parole, le gouvernement s’emploie «en temps utile et en toute responsabilité à informer l’opinion», il faut le dire de go, ce qui pourrait s‘appeler la tragédie de Seytenga, donne des frayeurs. Si pour ceux qui nous gouvernent, c’est dans la nuit du 11 au 12 juin que «des individus armés ont fait irruption dans la commune de Seytenga (province du Séno) pour s’en prendre aux populations civiles», d’autres sources affirment que c’est depuis le mercredi qu’un groupe de ces fameux Hommes armés non identifiés (HANI) est entré dans la ville. Suite à leur assaut meurtrier du jeudi contre la gendarmerie de la ville et celui encore plus sanglant du samedi contre les populations, ciblant surtout les personnes de sexe masculin, attaques dont les chiffres font froid dans le dos, les HANI qui étaient revenus plus nombreux en l’absence des Forces de défense et de sécurité qui ont replié sur Dori, se sont établis en maîtres des lieux. Ce qui est certain, à en croire le gouvernement, même si «à l’étape actuelle, un bilan officiel ne peut être établi au regard de la complexité de la situation», cette énième forfaiture des HANI «a provoqué un déplacement des populations de cette localité vers la commune de Dori, située à 47 km». 3173 personnes, selon des sources régionales.
En tout cas, la tragédie de Seytenga est bien une réalité, et les bruits de la ville continuent d’enfler et de grossir les inquiétudes d’une population burkinabè qui pensait que ses Forces de défense et de sécurité avaient repris du poil de la bête pour de bon. En espérant que la montée en puissance de l’armée nationale n’est pas factice, il faut reconnaître que le temps n’est plus aux cachoteries, encore moins aux mots que les dirigeants veulent apaisants mais qui sonnent aux antipodes des réalités du terrain. Compte tenu de la dégradation de la situation sécuritaire qui continue d’endeuiller l’armée nationale et les populations civiles qui ne doivent leur salut qu’à la fuite, gonflant le flot des déplacés internes, il faut engager une guerre décisive.
«Acceptons de regarder la vérité en face. Essayons de combattre le mal. Ce n’est plus une question de qui est au pouvoir. Nos parents sont en train d’être massacrés. Pour le moment c’est en campagne, nul n’est à l’abri». Vérité d’un Burkinabè lambda, qui mise, à raison sur la cohésion sociale pour venir à bout de ces massacres de masse au Burkina. Il rejoint ainsi l’appel de Mohamed Bazoum, lancé dans la ville de Téra, située dans la zone dite des Trois frontières partagée par le Niger, le Burkina Faso et le Mali, et où se sont sanctuarisés les terroristes qui y sèment mort et désolation. Armé de sa vision selon laquelle la lutte contre le terrorisme ne saurait se mener, a fortiori, se gagner en solo, le président nigérien compte s’appuyer sur ses partenariats diversifiés avec les pays et forces occidentaux dont le Niger aura besoin pour renforcer les capacités opérationnelles de son armée tant en logistiques aériennes qu’en renseignement.
Mais avant tout la digue pour neutraliser les terroristes, le chef de l’Etat dont le pays engrange le plus de succès dans le combat de longue haleine contre les forces du mal, veut la construire sur le socle de l’union avec ses «frères» du Mali et du Burkina Faso. D’où le sens de l’«Appel de Téra» que Mohamed Bazoum a lancé lors de son séjour dans cette région infestée de terroristes. «Il est souhaitable, il est urgent que les pays frères du Mali et du Burkina Faso puissent se relever. Nous allons continuer à projeter nos forces de façon à créer le bouclier dont nous avons besoin». Foi du président nigérien. Espoir que la balle sera saisie au bond par ses homologues malien et burkinabè, pour ainsi, soustraire les populations du Sahel des griffes du monstre terroriste.
Seytenga et toutes les localités martyres du Burkina ne sont donc pas perdues. A la seule condition que le gouvernement burkinabè opte pour une mise en commun des efforts, comme elle le fait déjà si bien avec le Niger, à travers plusieurs phases de l’opération Tanli qui ont permis aux deux pays de neutraliser des chefs terroristes et de détruire leurs bases.
Le véritable problème dans cette lutte d’ensemble demeure la junte au pouvoir au Mali qui a déclaré non grata, les forces française Barkhane et européenne, Takuba, et a même retiré le pays du G5 Sahel, qu’il constituait avec le Niger, le Burkina, la Mauritanie et le Tchad.
Par Wakat Séra