Accueil Editorial Tirs groupés sur les Casques bleus!

Tirs groupés sur les Casques bleus!

0
Le siège de l'Union africaine à Addis Abeba en Ethiopie (Ph. Reuters)

Tirs groupés sur les Casques bleus. Loin d’être le titre d’un film, c’est bien la réalité que vivent actuellement les forces de l’Onu, soumises à une giclée de critiques. Comme s’ils se sont passé le mot, Joseph Kabila et Alpha Condé, n’y sont pas allés par quatre chemins pour s’interroger, et en grand public sur le rôle des casques bleus en Afrique. Plus qu’une interrogation anodine, cette attaque en règle du président de la République démocratique du Congo, en pleine distribution à tour de bras de bois verts contre tout ce qui s’élève contre sa volonté d’étancher sa soif de président à vie, est une véritable remise en question de la présence des soldats de la paix, qui, au propre comme au figuré, sont devenues une cible privilégiée sur le continent. Et si, le patron de l’Union africaine se sert de la tribune de l’institution africaine, pour enfoncer le clou lors de l’ouverture, le dimanche 28 janvier 2018, du 30è sommet de l’UA, ce n’est pas un fait du hasard. Si les Casques bleus sont déjà le souffre-douleur des anti-balakas et autres sélékas en Centrafrique où ils payent un lourd tribut aux assauts meurtriers des factions en lutte, et qu’ils sont également à portée de canon des djihadistes et autres terroristes de tout acabit au Mali, voilà que leur présence est maintenant décriée par les chefs de l’Etat, lassés du peu de la neutralité, frisant la passivité de ces forces qui, en plus d’être reconnues très budgétivores, n’engrangent, selon leurs détracteurs, aucun acquis de taille tendant à ramener la paix dans les zones de conflit.

Dans le cas de Joseph Kabila, les flèches décochées aux Casques bleus ne sont rien d’autre que la réplique cinglante aux propos de la porte-parole de la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (Monusco) de soutenir les autorités congolaises pour le bien-être des populations. Laurence Marchal a sans doute poussé le bouchon trop loin, provoquant du coup l’ire de son hôte congolais, en affirmant que ce soutien va «à l’organisation des élections dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord du 31 décembre et la neutralisation des groupes armés à l’appui des autorités de la RDC». Réflexion urticante pour un Joseph Kabila qui, sans être aux abois, n’en n’est pas moins en position délicate ayant désormais réussi à sortir la puissante église catholique de sa torpeur. En ajoutant une couche sur l’œuvre de son homologue congolais, Alpha Condé ne fait que jouer son rôle de chef du syndicat des chefs d’Etat africains, réunis au sein de l’UA qui s’oppose farouchement aux coups d’Etat, mais fait peu ou prou pour décourager les mandats à vie et les entorses aux droits de l’homme en Afrique. Le président guinéen joue également bien son rôle de VRP pour le G5 Sahel dont la force en création par les Africains devrait œuvrer pour la sécurité et la paix au Sahel, dans sa lutte contre le terrorisme.

S’il faut reconnaître avec Alpha Condé que les Africains doivent eux-mêmes régler leurs propres problèmes, il faut également souhaiter que les dirigeants, réunis au sein de l’Union africaine, arrêtent de défendre des régimes autoritaires et donnent de la voix contre les exactions contre les peuples togolais, des deux Congos et d’autres contrées où la démocratie et son pendant l’alternance au sommet, sont les vertus les moins partagées. Avec ce 30è sommet, l’occasion est donc bonne à saisir par l’Union africaine, pour trouver des solutions adéquates au problème des migrants africains, encourager la lutte contre la corruption, trouver des stratégies pour la sécurité et la paix et surtout faire de l’intégration et de l’unité africaine une réalité.

Par Wakat Séra