Le Togo retourne à la case violence. C’est le triste constat qui se dégage des manifestations des militants du Parti national panafricain (PNP), ce week-end, pour, disent-ils réclamer le retour à la constitution de 1992. Un bilan officiel fait état d’au moins deux morts, de 77 blessés dont 57 dans les rangs des forces de l’ordre et 20 du côté des manifestants et d’arrestations. Plus inquiétante est la chape de peur et de tension palpable dans le pays, notamment dans la capitale Lomé, et les villes de Sokodé, Kara et Anié où les manifestants ont été dispersés sans ménagement par les forces de l’ordre qui leur reprochent d’être descendus dans la rue sans autorisation légale. Si la contestation était bien presqu’ au quotidien du côté de l’opposition qui, à travers plusieurs marches et meetings a décidé d’en découdre avec le régime de Faure Gnassingbé, il faut reconnaître que la violence observée ce week-end n’était pas non plus imprévisible. Les deux camps en face s’étant toujours regardés en chiens de faïence. Les positions tranchées ne présageaient donc pas d’une mer togolaise calme pour longtemps. Et les tempêtes régulières qui se lèvent dans le ciel togolais, notamment lors des proclamations des résultats d’élections toujours contestées par les opposants ont déjà été à l’origine de bien de morts, de blessés et surtout de césure profonde entre le pouvoir et une partie du peuple. Même les rounds successifs de négociations pour amener les deux parties à emboucher la trompette de la paix et de l’entente sont tombées comme des ballons dégonflées. Le langage guerrier désormais en vogue du côté du PNP pourrait bien placer le Togo dans l’œil du cyclone pour de bon.
Le temps où le Togo était qualifié de la «Suisse de l’Afrique de l’Ouest» du fait de la prospérité relative que connaissait le pays, sous la férule du Général Eyadema Gnassingbé est bien révolu. La peur qu’inspirait le régime aussi. Autre époque, autres mœurs, les Togolais semblent décidé à se libérer du règne éternisant de la famille Gnassingbé. Malgré les élections successives du 24 avril 2005, du 4 mars 2010 et du 25 avril 2015 qui lui ont procuré une certaine virginité après sa prise du pouvoir dans des conditions ubuesques après la disparition du père, le fils Faure ne fait plus l’unanimité. L’a-t-il d’ailleurs jamais faite, les Togolais pensant inaugurer une nouvelle ère de gouvernance, à la mort de Gnassingbé Eyadéma qui a dirigé le pays sans partage, de 1967 à 2005, donc jusqu’à sa mort, soit durant 38 ans sans partage. Certes, après avoir assuré son installation au palais présidentiel et ayant bénéficié de l’accalmie générée par l’Accord politique global signé par les acteurs politiques togolais sous l’égide de l’ancien président burkinabè Blaise Compaoré, Faure Gnassingbé avait engagé son pouvoir vers une ouverture politique courageuse. Les Togolais étaient alors convaincus que le «petit» allait tourner le dos aux pratiques récriminées par eux sous le règne à vie de son père. Mais très vite, l’appétit venant en mangeant et profitant de la loi fondamentale qui lui ouvrait le boulevard d’un pouvoir à vie, Faure est tombé dans le piège, oubliant totalement les vertus de l’alternance politique. Après avoir fait rentrer dans les rangs l’opposant historique Gilchrist Olympio qui lui a donné le tournis après avoir donné des nuits blanches à son père, le jeune Faure s’enracine dans le fauteuil présidentiel. Seulement, l’opposition ne l’entend pas de cette oreille!
Jusqu’où ira cette guéguerre qui, si elle n’est pas vite contenue replongera le Togo dans un cycle de violences, voire vers le chaos? Malgré les efforts réalisés par le gouvernement de Faure Gnassingbé et les partenaires du Togo pour relever l’économie du pays et donc améliorer la situation sociale des populations, les voyants sont encore loin de passer au vert. Il importe donc que chaque partie sache raison garder pour renouer les fils du dialogue afin de sauver ce qui peut encore l’être. Ce n’est dans l’intérêt d’aucun Togolais de voir le pays basculer dans des manifestations qui n’auront pour conséquence de mettre le pays à feu et à sang.
Par Wakat Séra