Où allons-nous? Nombre de Togolais se posent sans doute cette interrogation, sans être certains d’y trouver réponse. Seuls les politiciens ont le contrôle de la situation d’un Togo à la croisée des chemins. Le feuilleton de la protestation tous azimuts ayant trouvé un prolongement à l’Assemblée nationale, après avoir pris naissance dans la rue, au mois dernier, se poursuit. De coutume consacrée, à l’examen du budget cette session qui fait partie de l’une des dernières de cette année, doit changer d’ordre du jour. L’opposition en est convaincue, car pour elle, le contexte l’impose. Certes, comme à plus reprises, le pouvoir de Faure Gnassingbé est à l’origine de réformes à même de mettre le Togo sur la véritable voie de la démocratie. Mais au finish, du fait de surenchères et de querelles politiciennes, ce sont des initiatives qui n’ont jamais abouties, profitant bien évidemment au pouvoir en place qui n’a pas non plus toujours fait preuve de bonne foi. D’où une crise de confiance sans commune mesure qui s’est installée entre des protagonistes qui se regardent constamment en chiens de faïence. C’est le cas cette fois-ci encore où le gouvernement met sur la table des députés un projet de loi portant sur les articles 52-59 et 60 de la Constitution relatifs la limitation des mandats et le mode de scrutin. Projet qui doit prendre toute la priorité selon l’opposition qui a contraint l’assemblée à reporter la suite de la session à ce mercredi 13 septembre, aucun consensus n’ayant été trouvé la veille.
Si ce report peut être considéré comme une petite victoire pour l’opposition qui réclame le retour à la Constitution de 1992 afin de mettre fin à l’éligibilité sans fin du président de la république, il faut encourager cette propension à ramener les débats dans l’espace plus civilisé et pacifique de l’Assemblée nationale où siègent des élus du peuple. C’est donc le cadre légal et même légitime propice au débat d’idées qui doit toujours être privilégié à l’argument de la force. Un pays ne peut pas être gouverné par la rue. La balle est désormais dans le camp des politiciens qui doivent se débarrasser pour de bon des desseins égoïstes et très personnels pour ne viser que l’intérêt d’un pays dont le chaos ne profiterait à aucun d’eux. Sinon, où se trouve donc le mieux-être du peuple dont chacun s’approprie la défense?
Arbitre souvent très partial dans ce match qui met en confrontation le pouvoir et l’opposition, l’armée n’y va pas du dos de la cuillère pour ramener l’ordre. Et le peuple, pour qui tous affirment se battre, n’est sollicité que pour offrir sa poitrine aux balles. Au mieux, il monnaie sa voix et la cède au plus offrant, lors des élections. C’est le rituel immuable au Togo, marqué au fer par le long règne de Feu le Général Gnassingbé Eyadéma qui a imposé, quatre décennies durant, sa carrure de lutteur dans l’arène politique de son pays. En prenant le relais à un moment où le peuple togolais était persuadé d’être délivré de cette gouvernance sans partage de son père, Faure Gnassingbé héritait forcément aussi du péché originel. Il a beau créer des ouvertures, initier des chantiers institutionnels et infrastruturels au profit de son pays, rien n’y fait. C’est l’heure pour Faure Gnassingbé de montrer qu’il est à l’écoute de ses opposants, mais surtout de son peuple qui aspire, au changement. Mais c’est aussi le moment pour l’opposition d’aller à l’alternance dans les règles de l’art, en encourageant ce projet de loi qui limitera à cinq ans la durée des mandats présidentiels et parlementaires, renouvelables une seule fois et instaurera un scrutin présidentiel à deux tours. Et pour ce faire, la non rétroactivité de la loi, qui fait polémique, pourrait bien s’appliquer au régime actuel, histoire de trouver un modus vivendi qui aboutirait à un dénouement heureux pour le Togo qui n’a plus besoin de bain de sang dans son histoire.
Il est temps de tourner le dos à ce dialogue de sourds qui s’étire à longueur de marches et contremarches, et s’enracine dans des discours belliqueux et souvent extrémistes sur les bords.
Par Wakat Séra