Ceci est l’hommage rendu par l’Alliance nationale pour le changement (ANC) au docteur Albert Dosseh. Aussi, l’ANC estime que cette reconnaissance « donne à réfléchir sur l’ampleur du gâchis des ressources, notamment humaines » du Togo.
Révérend Père Administrateur de la Cathédrale du Sacré-Cœur,
Révérends Pères Concélébrants,
Révérendes Sœurs,
Chers Parents,
Chers Amis,
Chers Collègues et Chers Camarades de l’ANC
Mesdames, Messieurs,
Merci encore, merci à tous, de venir avec nous ce matin, accompagner le Docteur ALBERT DOSSEH FRANKLIN, au moment de son départ pour la maison du Seigneur.
Un grand merci au Révérend Père KPODAR pour ses propos aimables, affectueux voire filiaux, qui témoignent des relations privilégiées entretenues avec le Docteur ALBERT DOSSEH FRANKLIN, en plus des obligations eucharistiques.
Un grand merci également, à Son Excellence Monseigneur Denis AMUZU-DZAKPAH, Archevêque de Lomé, qui a bien voulu présider personnellement, l’office concélébré hier soir, en mémoire du fidèle paroissien que fut le Docteur ALBERT DOSSEH FRANKLIN.
Le Révérend Père KPODAR voudra bien transmettre notre reconnaissance et notre gratitude à Monseigneur l’Archevêque.
Merci enfin à la chorale HADZIHAGAN – St Grégoire Ste Cécile.
Et merci aux Groupes Artistiques et Musicaux de l’ANC pour leurs prestations manifestement militantes à la veillée au domicile du défunt.
Je n’oublie pas de remercier notre camarade Tété Godwin pour l’hommage remarquable rendu tout à l’heure à la levée du corps, au nom de la famille. En effet, lui seul peut encore témoigner, pour l’avoir vécu, du long parcours du défunt, de son enfance, de son adolescence et de sa vie active familiale, professionnelle et militante. Merci Fo Godwin.
Mesdames, Messieurs,
Le 5 septembre 2014, il y a un peu plus de quatre ans, disparait HELENE DOVI FRANKLIN épouse FABRE, ma mère. Son frère, le Docteur ALBERT DOSSEH FRANKLIN, alors âgé de 92 ans et résidant en FRANCE, s’investit pleinement, en tant que Chef de famille, dans les moindres préparatifs des obsèques. Il est présent aux différentes cérémonies et explique, dans une oraison sobre et émouvante, la force des liens qui les unissent.
Et puis le 10 août 2015, il est frappé par un autre deuil, celui de son épouse, notre regrettée tante CECILE AYELE FRANKLIN née KOUEVI, décédée à Meaux en France, où vivait le couple. Entouré de ses enfants et ignorant le poids de l’âge et de la douleur, il porte en terre, avec beaucoup de dignité, sa défunte épouse, inhumée à Lomé, au cimetière catholique de la plage, le 21 août 2015. C’est auprès d’elle que Tonton Albert choisit tout naturellement de reposer.
La mort de sa femme lui fait accélérer son retour définitif au Togo. Il s’installe dans son domicile de Bè Kpéhénou et entreprend, infatigable, un projet de développement social qui lui tient à cœur, mais qu’il laisse inachevé : la réhabilitation de la maison familiale FRANKLIN à Agbodrafo et sa transformation en un Centre Médical.
ALBERT DOSSEH FRANKLIN, est donc le frère germain de ma mère, HELENE DOVI FRANKLIN. Ils sont, comme on dit au Togo et en Afrique, de même père et de même mère et ALBERT DOSSEH vient directement après sa sœur HELENE DOVI. Dans la fratrie, les deux derniers enfants qu’ils sont, partagent, comme une douleur muette, l’absence du souvenir de leur maman, décédée quand ils n’avaient pas encore l’âge de garder son image en mémoire.
Avec le décès d’ALBERT DOSSEH FRANKLIN, disparait le dernier des enfants nés de CLAUDIUS AMOUZOU FRANKLIN dit Piam Piam et de BALBINA FRANKLIN née d’ALMEIDA. Il ne nous reste plus que l’oncle TOUTOUVI MARTIN FRANKLIN, de mère différente, également docteur en médecine et résidant en France.
En plus d’être mon oncle maternel, ALBERT DOSSEH FRANKLIN est membre fondateur de l’Alliance Nationale pour le Changement(ANC), formation politique que j’ai l’honneur de diriger. Le 10 octobre 2010, à la création de l’ANC, ALBERT DOSSEH FRANKLIN n’a pas hésité un seul instant à se joindre à nous pour mettre en place le nouveau parti afin de lutter plus efficacement contre la dictature.
C’est donc à deux titres, en tant que neveu et en tant que Président de l’ANC, que je prends la parole devant vous pour lui rendre hommage.
Chers Parents, Chers Amis,
Chers Collègues et Chers Camarades de l’ANC,
Mesdames, Messieurs,
ALBERT DOSSEH FRANKLIN, est un de ces esprits supérieurs, travailleurs acharnés, volontaires, rigoureux. Homme intègre et de grande conviction, il manifeste très tôt, la volonté de servir son pays. Sa vie et son parcours professionnel en témoignent largement.
Sous son apparence réservée, ALBERT DOSSEH FRANKLIN était un homme de caractère, une forte personnalité, déterminée à atteindre les objectifs qu’il se fixait. Ainsi, m’apprend-il, au cours d’une de nos discussions sur les doctrines religieuses que, baptisé protestant comme tous ses frères et sœurs, son père étant un pilier de l’Eglise Evangélique et Presbytérienne du Togo, il devient catholique, à l’adolescence, après plusieurs tentatives auprès de son père qui n’appréciait guère l’obstination de son fils à changer de confession. A l’époque, l’esprit œcuménique était encore loin d’être le mieux partagé.
De même, après ses études secondaires, ayant réussi à la fois aux deux concours d’accès à l’Ecole d’Ingénieur Bâtiment et Travaux Publics de Bamako et à l’Ecole de médecine de Dakar, mais en étant mieux classé pour aller à Bamako qu’à Dakar, il choisit, contre toute attente, d’aller à Dakar pour faire médecine. Parce qu’il ne se destinait qu’à la carrière de médecin.
Jeune diplômé de l’école de médecine de Dakar, il voulait être docteur en médecine plutôt que ‘’médecin africain’’, cursus sommaire et non universitaire créé pour les Africains des colonies françaises.
Il s’embarque donc en 1946, pour la France où il obtient son baccalauréat série Sciences Expérimentales, (Académie d’Aix-Marseille) qui lui permet de s’inscrire à la faculté de médecine de Montpellier, de 1947 à 1953. Ensuite il décide d’aller terminer ses études de médecine à Paris où, en 1955, il est admis docteur avec la mention : Fort Honorable.
Cette période des années 40 et 50 est marquée par la lutte des pays africains pour l’indépendance, lutte à laquelle les étudiants africains en France prennent une part active pour soutenir leurs aînés sur le terrain.
ALBERT DOSSEH FRANKLIN, est un militant actif, très engagé comme peuvent l’être les jeunes cadres africains de cette époque effervescente. De plus, lui est nourri dans le sérail de la lutte pour l’indépendance, son père CLAUDIUS AMOUZOU FRANKLIN, dit Piam Piam, étant une figure de proue du Comité de l’Unité Togolaise (CUT), parti emblématique de la lutte de libération du peuple togolais qu’il rejoindra tout naturellement.
Ainsi, dès la création de la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France (FEANF), il exerce à deux reprises le mandat de Président (1953/1954 et 1954/1955) comme le rapporte un de ses camarades de l’époque, toujours vivant, Monsieur Godwin Tétévi TETE-ADJALOGO, historien du Togo, Membre d’honneur de l’ANC et Vice-Président du Conseil des Sages, dans son livre, La Palpitante Quête de l’Ablodé.
La longue préface d’un autre livre du même historien, HISTOIRE DU TOGO : Le Régime et l’Assassinat de Sylvanus Olympio (1960–1963), rédigée par ALBERT DOSSEH FRANKLIN, en novembre 2000, est d’une densité et d’une hauteur intellectuelle remarquables, qui éclairent toute sa personnalité caractérisée par une rigueur pointilleuse.
De retour au Togo en 1955, jeune marié, c’est à Niamtougou, dans le nord du pays, qu’il est affecté en tant que médecin-chef du Centre de Santé du District. Le jeune médecin s’emploie à servir avec le sérieux qui le caractérise, jusque dans les hameaux les plus reculés. Ses retours à Lomé étaient attendus comme une fête, par les enfants que nous étions.
J’ai le souvenir exact de cette période alors que j’avais à peine 6 ans. Et Niamtougou évoque toujours en moi, le souvenir de mon oncle Albert et de son épouse, Tante Cécile, de leur fille aînée Albertine, que nous appelons affectueusement Bibio, et de leur fils Jean Claude Kouété qui marchait à quatre pattes.
L’ancien président de la FEANF mène au Togo son engagement politique au sein du CUT avec d’autres jeunes diplômés, notamment EMMANUEL AKITANI BOB, ingénieur des mines. Tous rentrés au Togo comme lui et décidés à se mettre au service de leur pays, pour l’émancipation du peuple togolais, en tirant profit de la grande expérience de leurs aînés.
Ses compétences indéniables alliées à son engagement politique lui valent, après le référendum de 1958, d’être nommé de 1958 à 1960, Directeur de Cabinet du Ministre de l’Intérieur et Directeur du Service de l’Africanisation des Cadres.
Après la proclamation de l’indépendance en 1960, ALBERT DOSSEH FRANKLIN devient Secrétaire Général du Ministère des Affaires Etrangères que dirige le Ministre d’Etat Paulin FREITAS. Il conserve la direction de l’Africanisation des Cadres, dont la mission était d’inciter les jeunes diplômés à rentrer au Togo pour mettre leur expertise au service du jeune Etat indépendant.
L’assassinat du Président Sylvanus OLYMPIO, le 13 janvier 1963, contraint ALBERT DOSSEH FRANKLIN à prendre le chemin de l’exil. Les exactions, dont son père et lui-même ainsi que la plupart des dirigeants du régime renversé font l’objet de la part de la soldatesque, ne lui laissent guère d’autre choix.
A Séguéla en Côte d’Ivoire, puis à Bamako au Mali, il s’emploie dix ans durant, du mieux qu’il peut, avec sérieux, zèle et compétence à panser les blessures aussi bien physiques que morales de ses semblables les humains, des Africains dont l’état de dénuement et d’extrême pauvreté le bouleverse profondément.
Son ardeur au travail, sa disponibilité et son dévouement le conduisent à des postes de responsabilité élevée. En 1973, il est appelé à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Pendant douze ans, à N’DJAMENA, puis à BRAZZAVILLE, il met au service de cette institution sa grande expérience, sa rigueur et sa compétence.
Durant cette longue période, loin des siens, l’homme politique ne cesse de s’informer de la situation de son pays qui se singularise par les violations massives et répétées des droits de l’homme, les assassinats politiques, le culte de la personnalité, la déliquescence des mœurs et de nos valeurs morales, toutes choses avilissantes pour l’ensemble du pays et qui conduisent à la tenue de la Conférence Nationale Souveraine, en juillet 1991.
ALBERT DOSSEH FRANKLIN vit impuissant et le cœur meurtri, la descente aux enfers de sa chère patrie.
C’est à la faveur de la Conférence Nationale Souveraine, où il est invité à apporter sa contribution, qu’il envisage son retour définitif chez lui au Togo. Nous avons encore en mémoire, sa brillante communication à l’occasion de cette conférence.
Mesdames, Messieurs,
L’hommage rendu à notre illustre ainé, donne à réfléchir sur l’ampleur du gâchis des ressources, notamment humaines de notre pays. Sous d’autres cieux, les qualités indéniables du Docteur ALBERT DOSSEH FRANKLIN l’auraient, sans conteste, amené à poursuivre une brillante carrière au service de son pays, dans la haute hiérarchie de l’appareil étatique voire au sommet de l’Etat.
Comment nous résoudre à l’idée que des hommes pétris de talent, généreux et disposés à se mettre au service de leur pays, en soient empêchés par l’obscurantisme d’une dictature qui n’en finit pas de détruire notre pays ?
Combien de temps devrons-nous encore laisser continuer l’opprobre, la forfaiture et l’imposture ?
Combien de temps devrons-nous encore subir la loi d’une minorité qui se satisfait de violence, de terreur et de coups de force pour continuer d’opprimer les populations, de piller et de gaspiller les ressources de la nation ?
Comme en écho à ces questionnements, ALBERT DOSSEH FRANKLIN écrit, dans la préface du livre de l’historien Godwin Tétévi TETE-ADJALOGO, évoquée plus haut : « Le temps n’est jamais en faveur des despotes mais des peuples conscients en lutte. » Et l’illustre combattant de la liberté de nous exhorter à : « Faire triompher le changement qui doit rouvrir pour nous, la porte de la liberté et le chantier de la construction démocratique de notre société. »
Il nous incite à avoir à cœur de : « relayer l’écho de la voix des martyrs, des bâtisseurs, hommes et femmes, jeunes et vieux, humbles ou héros, qui ont apporté leur amour, leur intelligence, leur labeur et même leur sang à l’édification de la patrie togolaise. »
Dans le même texte, ALBERT DOSSEH FRANKLIN affirme avec cette lucidité qui le caractérise que : « Nous sommes depuis janvier 1963, engagés dans une nouvelle lutte de libération nationale ; la première avait conduit à la proclamation d’indépendance le 27 avril 1960, suivie des premiers pas pour une démocratie que la force brutale a balayée et remplacée par une des plus féroces et avilissantes dictatures du continent africain. »
Il nous rappelle en outre, ces mots d’Etienne de La BOETIE, dans le Discours sur la Servitude Volontaire : « Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux ».
Levons-nous donc et ensemble mettons un terme à la dictature dans notre pays le Togo.
Adieu Oncle ALBERT DOSSEH ! Adieu Doyen ! Nous ne doutons pas que ton vœu le plus cher est de vivre la fin de la tragédie qui se joue au Togo depuis plus d’un demi-siècle. Tu nous quittes au plus fort du combat. Mais nous gardons tes conseils avisés pour œuvrer sans désemparer, à la réalisation des aspirations profondes du peuple togolais.
Repose en paix !
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie pour votre patience et pour votre bien aimable attention.
Fait à Lomé, en la Cathédrale
du Sacré-Cœur, le 08 février 2019
Jean-Pierre FABRE
Président de l’ANC