Mois par excellence de rétrospection et surtout de résolutions pour la nouvelle année, décembre est également le temps des cadeaux pour les enfants, Noël oblige. Cette année, la hotte du père Noël togolais devra exceptionnellement être bourrée de paix, de tolérance, d’ouverture d’esprit au dialogue et surtout de bonne foi. Le déficit de confiance est si profond que le seul dialogue qui prévaut actuellement entre pouvoir et opposition est celui de sourds qui fait camper chaque partie sur sa position, toute chose qui enfonce davantage le pays dans une crise dont la sortie s’éloigne à chaque grondement de la rue. Et pourtant elle gronde presqu’au quotidien, dans un brouhaha indescriptible d’où se distingue tout de même et de façon nette, la revendication du retour à la constitution de 1992 et le départ de Faure Gnassingbé du pouvoir. Mettre fin à 50 ans de règne des Gnassingbé! C’est le combat que mène avec acharnement depuis le mois d’août de cette année, une opposition togolaise pour qui la loi fondamentale de 1992 qui consacre la limitation du mandat présidentiel et précise surtout que nul ne peut l’exercer plus de deux fois, est la seule issue à l’impasse politique dans laquelle s’englue le pays.
Si le président Faure Gnassingbé semble avoir pris la bonne mesure de ces manifestations qui rassemblent chaque fois des milliers de Togolais dans la rue, ce n’est pas certain qu’il ait trouvé la bonne formule pour faire tomber le mercure. Malgré les réformes constitutionnelles du chef de l’Etat togolais qui limitent elles aussi le mandat présidentiel à deux, la température ne fait que grimper. Car il est devenu le problème, à en croire les opposants qui ne veulent plus négocier autre chose que le départ du fils de feu le général Eyadéma Gnassingbé. Que faire pour rendre au Togo la paix invoquée par chacun et tous mais introuvable? Les discussions diplomatiques, officielles ou under the table, enclenchées par différents pompiers et dont les fleurs sont loin d’éclore faute d’eau pour arroser les graines, pourraient même connaître une triste fin, avant même de réunir les protagonistes autour de la table. Et pour cause, les opposants reprochent de nouvelles exactions commises par les forces de défense et de sécurité sur les manifestants, suite à la marche du samedi 2 décembre qui aurait mobilisé des centaines de personnes. C’est à croire qu’avant d’aborder ce fameux dialogue, chaque camp voudrait se trouver dans une position de force. L’opposition en particulier sachant le pouvoir plus ou moins ébranlé et acculé fait monter les enchères.
A raison, la coalition des quatorze partis politiques menace de «tout arrêter» si les sbires de Faure Gnassingbé continuent d’avoir la main aussi leste et la gâchette aussi facile. La partie est donc loin d’être gagné pour les facilitateurs dans cette crise qui visiblement n’a pas fini de montrer toutes ses facettes. Les médiateurs guinéens et ghanéens qui multiplient les efforts pour rassembler tous les adversaires sous le légendaire arbre à palabres africain, n’ont pourtant pas le droit de baisser les bras, car les populations ont besoin de cette paix pour enfin penser développement. Certes, le règne cinquantenaire des Gnassingbé doit prendre fin pour permettre aux Togolais de goûter enfin aux joies de la démocratie vraie dont l’un des piliers est l’alternance au sommet. Mais cette voie qui doit mener au changement ne saurait passer par la violence, les représailles et les comptabilités macabres. Aucune démocratie ne saurait pousser sur le fumier de la division et de l’exclusion, véritables dangers pour les fondements d’une nation. Dialogue où es-tu?
Par Wakat Séra