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Togo: le non-retour?

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Des femmes disant leur ras-le-bol de la situation au Togo (Ph. la-croix.com)

Le mercure ne tombe pas à Lomé, chaque partie campant sur ses positions. Pire, les opposants se cabrent et rejettent désormais les réformes promises par le pouvoir. Refusant d’être une fois de plus le dindon de la farce, car ne croyant plus aux promesses non tenues dont la famille Gnassingbé est la championne toutes catégories de père en fils, l’opposition est passée à la vitesse supérieure. Elle qui réclame en vain le retour à la Constitution de 1992 qui devrait servir de tremplin à l’alternance au pouvoir et ouvrir les vannes d’un véritable processus démocratique et auquel aspire le peuple togolais qui n’en a été que trop longtemps privé. La flamme de la protestation que les opposants ont allumée depuis mi-août dernier demeure vive, malgré les menaces et autres sorties musclées d’un pouvoir qui visiblement n’entend pas lâcher du lest. Acculer Faure jusqu’à la sortie et ne lui laisser aucun répit. Tel est le mot d’ordre des opposants togolais qui ont, du reste décidé d’implanter leurs tentes, ce mardi, devant l’Assemblée nationale qui entame une session extraordinaire vue la dégradation du climat socio-politique. Mais mystère, l’examen de l’avant-projet de loi sur des réformes, annoncé par le gouvernement ne figure point au menu officiel de ce conclave parlementaire. Au grand étonnement de l’opposition qui a, à raison, y a vu dans cette annonce, un autre dribble dont le pouvoir est coutumier.

La crise de confiance est comme définitivement consommée entre Faure Gnassingbé et son opposition dont les leaders affichent une unité dans ce combat commun de débarrasser le Togo de la famille Gnassingbé qui a érigé le pays, depuis 50 ans, en une monarchie de fait où le pouvoir demeure une propriété familiale. Le régime de Faure qui s’est donné un peu d’air en promettant les réformes est-il en train de faire volte-face? Pourtant, la raison l’aurait bien inspiré de profiter de cette session pour remettre les choses à plat et négocier maintenant la non rétroactivité de cette loi qui qui imposerait seulement mandats présidentiels et parlementaires et un scrutin présidentiel à deux tours en lieu et place de celui à un tour qui a toujours permis au pouvoir d’appliquer le traditionnel «coup KO» à ses challengers dès le premier round. A en croire cette unité d’action qui leur permet jusque-là de braver la soldatesque aux ordres de Faure, les opposants sont déterminés à ne rien lâcher. Mais jusqu’à quand durera ce front commun qui ébranle un pouvoir habitué, comme sous tous les cieux, à diviser pour mieux régner? Seul l’avenir le dira, surtout que les opposants se sont toujours illustrés par l’accord sur leurs désaccords et ont difficilement résisté à divers avantages que leur font miroiter le pouvoir.

Il serait tout de même illusoire, voire périlleux, pour le pouvoir togolais de vouloir tout régler par la force avec à la clé des morts, et pour les opposants d’expérimenter l’exemple de révoltes dites populaires dont celle burkinabè qui a conduit à la chute de l’ancien président du Faso, Blaise Compaoré. Cette insurrection populaire, ou coup d’Etat selon certains, ne fait pas vraiment tâche d’huile, et même pas recette, surtout pas dans les pays où l’armée prouve une fidélité à toute épreuve à son chef. Certes l’adage dit qu’«on ne fait pas des omelettes sans casser des oeufs», mais la plupart du temps ce sont des vies innocentes qui sont fauchées sans que le résultat escompté soit, au bout du compte, celui que le vrai peuple voudrait. Seuls les politiciens, savent toujours tirer habilement leurs marrons du feu. A trop tirer sur la corde, il y a des risques de la casser.

Par Wakat Séra