C’est ce 27 avril que le Togo a commémoré pour la 58è fois, son indépendance acquise à la même date en 1960. Tout porte à croire que cette célébration ne restera pas dans l’histoire, en tout cas pas dans les bonnes pages. Car les Togolais sont loin d’avoir l’esprit à la fête, le dialogue politique qui devrait régler la grande crise qui secoue le pays étant au point mort. Pire, à défaut de se retrouver sous l’arbre à palabre, certains sont pris en chasse par des forces de l’ordre fermement résolues à les empêcher de manifester pour continuer à réclamer le départ de Faure Gnassingbé. Comme ils l’ont fait sans discontinuer depuis août 2017, des Togolais réunis sous la bannière de la coalition de 14 partis politiques de l’opposition sont désormais contraints presque au silence. Devenus des cibles favorites des hommes de tenue, les manifestants, qu’ils soient leaders ou simples militants de rang, sont pourchassés, arrosés de gaz lacrymogènes ou attrapés comme de vulgaires voleurs quand leurs jambes ne leur permettent pas de prendre le large. Aujourd’hui, pour crier son ras-le-bol du pouvoir cinquantenaire des Gnassingbé, il faut d’abord s’entraîner autant que le Jamaïcain Usain Bolt qui a fait les beaux jours des pistes d’athlétisme mondial.
Mais la goutte d’eau qui fera déborder le vase est paradoxalement la commémoration de cette indépendance au titre de laquelle les propos de Faure Gnassingbé n’ont pas été du goût des opposants. Ils ont même jeté de l’huile sur le feu, à en croire ces derniers. Pour ceux-ci il n’y a pas d’élections qui tiennent en dehors des cadres fixés par le dialogue politique. Tout devrait être contenu aujourd’hui dans le spectre dessiné par les négociations, selon les contempteurs de Faure Gnassingbé. Leur ire est exacerbée par le fait que le chef de l’Etat, au forceps et à cheval sur les règles constitutionnelles, pas la constitution de 1992 chère aux opposants. Faure Gnassingbé nargue-il son peule ou l’opposition est-elle de mauvaise foi? Il est donc peut-être temps de tout remettre ) plat, dans l’intérêt des deux parties en conflit, et de trouver un modus vivendi, afin d’éviter de passer au forceps contre les aspirations du peuple. Ainsi, les accusations de fraude massive et de volonté de se maintenir au pouvoir ad vita aeternum se dissiperaient quelque peu.
Revoir le cadre électoral peut-il constituer la panacée à la crise électorale togolaise? Comment réunir des positions aussi inconciliables que celles de l’opposition et du pouvoir togolais, lancés dans une guerre sans fin? Nana Akoufo-Addo s’y essaie mais sans succès pour le moment. Et même Faure Gnassingbé a opéré des réformes constitutionnelles pour limiter effectivement ce fameux mandat présidentiel à deux, avec une élection à deux tours, malheureusement, il traîne le péché originel de successeur de Feu son père, et ces changements qui auraient dû être considérés comme des avancées démocratiques continuent combattus avec la dernière énergie par l’opposition. La raison est toute simple, cette nouvelle loi fondamentale que le pouvoir entend soumettre à l’appréciation du peuple, est un pont en or pour le chef de l’Etat togolais de prétendre encore à deux quinquennats, le sacro-saint principe de la non rétroactivité de la loi jouant en sa faveur.
L’indépendance qui rassemble tous les fils et filles du même pays ne rimera-t-elle donc jamais avec harmonie et paix au Togo? En tout cas pas cette fois-ci! Pourtant, l’opportunité aurait bien pu être saisie par pouvoir et opposition pour se rapprocher au nom de l’intérêt supérieur de la nation. Le peuple togolais, qui, à l’instar de plusieurs pays africains, vit son indépendance dans la dépendance, est donc confronté en plus à une crise socio-politique qui ne fait que l’enfoncer dans la boue du sous-développement. Il est temps que les politiciens togolais se débarrassent de cette mauvaise foi dont pouvoir et opposition s’accusent réciproquement pour permettre au train de la démocratie, la vraie, de quitter la gare pour tirer les wagons du développement économique de ce Togo qui a fait la fierté de la sous-région sous le qualificatif pompeux de « Suisse de l’Afrique de l’ouest». Mais malheureusement, demain ne semble pas être la veille. Afrique mon Afrique!
Par Wakat Séra