Le 30 juillet 2018, le Togo qui a réussi le pari de réunir les chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) et de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), autour de questions vitales pour le présent et l’avenir du continent. C’est ainsi que le combat pour la paix et la sécurité a été conjugué avec la lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent, pour redonner aux populations des deux espaces sous régionaux, l’espoir de cette quiétude tant recherchée pour le développement et l’émergence dans les pays membres de la CEDEAO et de la CEEAC. C’est du reste sur les traces de ce sommet historique que s’est tenu, le lendemain 31 juillet, le huis-clos des chefs de l’Etat de la CEDEAO qui s’est penché sur la vie de la Communauté sous toutes ses coutures et a émis plusieurs recommandations sur la Guinée Bissau, la Gambie, et le Togo. Plus particulièrement sur le Togo, voici dans son intégralité les décisions des dirigeants de la CEDEAO, suivis des avis de certains Togolais rencontrés à Lomé, le vendredi 4 août 2018.
Constats et décisions de la Conférence des chefs d’Etats de la CEDEAO
- La Conférence a examiné le rapport présenté par les deux Facilitateurs leurs Excellences Monsieur Nana Addo Dankwa AKUFO-ADDO, Président de la République du Ghana et Professeur Alpha CONDE, Président de la République de Guinée, dans le cadre du mandat qui leur a été confié par la Conférence en date du 14 avril 2018.
- Le Sommet a félicité les deux facilitateurs et noté avec satisfaction les progrès et les acquis qui ont été enregistrés. La Conférence se félicite de l’engagement des parties prenantes à maintenir l’esprit de concertation et de dialogue en vue de favoriser une résolution durable de la crise.
- A l’issue des échanges, la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement a convenu de ce qui suit :
- Elle encourage le Gouvernement togolais à poursuivre les mesures de confiance et d’apaisement en accélérant les procédures judiciaires relatives aux personnes arrêtées lors des manifestations politiques et d’étudier la possibilité de mesures additionnelles en faveur de ces personnes.
- La conférence des Chefs d’Etat condamne tout recours à la violence notamment l’usage d’armes réservées aux forces publiques et appelle les citoyens les ayant dérobé au cours des manifestations à les restituer aux autorités compétentes.
- Elle appelle, par la même occasion, les acteurs politiques et la société civile de s’abstenir, en toute circonstance, des actes et propos susceptibles d’alimenter de nouvelles tensions et de compromettre les efforts en cours. Elle exhorte les forces de sécurité à faire preuve de professionnalisme dans leur mission de maintien d’ordre, de préservation de la sécurité des biens et des personnes.
- La conférence des Chefs d’Etat exhorte le Gouvernement à procéder à la révision intégrale du fichier électoral en vue de l’organisation, le 20 décembre 2018, des Elections législatives.
- La Conférence invite le Gouvernement et les acteurs politiques à œuvrer en vue de l’adoption des réformes constitutionnelles en prenant en compte, entre autres, les points suivants :
- Le mode de scrutin à deux tours pour l’élection du Président de la République ;
- La limitation à deux, du nombre de mandats présidentiels ;
- La recomposition de la Cour Constitutionnelle pour notamment revoir sa composition et limiter le nombre de mandat de ses membres ;
- Le renforcement du processus électoral.
- La conférence des Chefs d’Etat recommande l’adoption de ces réformes par la voie parlementaire en vue d’accélérer le processus de leur mise en œuvre. Le cas échéant, ces reformes seront soumises aux consultations électorales.
- La Conférence se réjouit des dispositions envisagées par le Gouvernement Togolais dans la préparation, l’organisation et le déroulement d’élections transparentes, crédibles et inclusives à travers notamment :
- L’accélération et la finalisation du recensement électoral pour établir des listes électorales fiables ;
- La possibilité pour les Togolais vivant à l’étranger de voter dans leurs lieux de résidence lors des élections nationales ;
- Le déploiement des observateurs électoraux
- La Conférence félicite l’opposition pour son esprit d’ouverture et son sens de la Responsabilité et d’avoir souscrit au dialogue pour la satisfaction de ses revendications.
- Elle invite toutes les parties à s’inscrire dans le strict respect de la Constitution togolaise.
- La Conférence des Chefs d’Etat salue la volonté d’ouverture et de dialogue permanent du Président de la République Togolaise, et note avec intérêt sa disponibilité à travailler avec toutes les forces vives de la nation.
- Elle a également demandé à la Commission de la CEDEAO d’apporter son appui et son expertise technique dans l’organisation et le déroulement des prochaines élections.
- La Conférence renouvèle son soutien aux deux Facilitateurs du dialogue inter-togolais et leur demande de poursuivre leurs efforts en vue d’une résolution rapide et durable de la situation socio-politique au Togo et de lui rendre compte lors de sa prochaine session.
- La Conférence des Chefs d’Etat décide d’instituer un comité de suivi composé des représentants des facilitateurs, de la majorité au pouvoir, de la coalition des 14 partis de l’opposition et de la Commission de la CEDEAO pour assurer le suivi de la mise en œuvre des présentes décisions.
- Elle instruit la Commission de la CEDEAO de poursuivre son soutien aux facilitateurs.
Réaction du C14 (Opposition)
Ce communiqué de la coalition de 14 partis politiques de l’opposition, fait à Lomé le 1er août 2018, prend acte des recommandations de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO, sur la situation sociopolitique au Togo.
«Lors du sommet de la CEDEAO du 14 avril 2018, la Conférence des Présidents a désigné leurs Excellences Monsieur Nana Addo Dankwa AKUFO-ADDO, Président de la République du Ghana et Monsieur Alpha CONDE, Président de la République de la Guinée, facilitateurs dans la crise sociopolitique togolaise avec pour mission de proposer une feuille de route avec le concours de la Commission de la CEDEAO.
C’est avec impatience et inquiétude que les populations togolaises ont attendu cette feuille de route qui vient d’être rendue publique, ce 31 juillet 2018, par le communiqué final de la cinquante-troisième session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement qui s’est tenue à Lomé.
La Coalition des 14 partis politiques de l’opposition togolaise prend acte des recommandations de la CEDEAO relatives à la situation sociopolitique du Togo. Elle observe plusieurs insuffisances majeures, notamment l’absence de l’évocation d’un gouvernement de transition chargé de conduire les réformes institutionnelles et électorales et de la question sécuritaire.
La coalition déplore surtout que les Chefs d’Etat de la CEDEAO n’aient pas jugé opportun d’examiner le cœur du problème togolais, qui est, l’obstination du chef de l’Etat togolais, Faure GNASSINGBE à se porter candidat pour un quatrième mandat en 2020. Alors que la règle au sein de la CEDEAO, prescrite par le Protocole additionnel pour la bonne gouvernance et l’Etat de droit, est de deux mandats.
La Coalition relève par ailleurs, dans les recommandations de la CEDEAO, la fixation d’une date irréaliste pour les élections législatives, dont le mode de scrutin n’a pas été précisé. Des imprécisions quant au retour à la Constitution de 1992 dans sa version originelle, à l’organisation et au déroulement d’élections transparentes et crédibles dans un pays qui ne connaît que la fraude et la violence électorales, sont à déplorer.
La Coalition accueille avec intérêt la poursuite du dialogue et compte bien aborder en profondeur tous ces problèmes avec la facilitation lors des rencontres qu’elle souhaite très prochaines.
La Coalition des 14 partis politiques de l’opposition togolaise réitère ses remerciements aux Présidents Nana Addo Dankwa AKUFO-ADDO et Alpha CONDE pour leur implication personnelle dans la recherche d’une solution à la crise togolaise, pour la qualité de leur écoute et pour leur disponibilité. Elle voudrait pouvoir compter sur eux pour une meilleure prise en compte des attentes légitimes des populations togolaises.
La Coalition voudrait rappeler aux Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO, ainsi qu’à toute la communauté internationale que les revendications qu’elles portent sont légitimes et sont celles de tout peuple qui aspire à la démocratie et à l’Etat de droit pour son développement et sa prospérité. Elle les prie de bien vouloir l’expliquer aux autorités togolaises.
La Coalition félicite les populations togolaises pour leur détermination et leur mobilisation en vue de la satisfaction de nos revendications communes. Elle les exhorte à demeurer vigilantes, déterminées et mobilisées pour la poursuite de la lutte.
La lutte populaire est invincible »
Pour la coalition, La coordinatrice
Brigitte Kafui ADJAMAGBO – JOHNSON
Des Togolais pour la «paix et la cohésion»
Brigitte Ekué, chef d’entreprise
«Le Togo a trop pleuré à cause de cette crise. On ne peut pas continuer à revendiquer en détruisant le bien commun. Mais depuis le 31 juillet, après la réunion de la CEDEAO, nous pensons que tous les fils et filles de notre chère patrie ont pris conscience qu’il faut sortir de la chienlit dans l’intérêt de tous. Aujourd’hui, les Togolais et les Togolaises, proches du pouvoir ou affiliés à l’opposition, ont compris qu’il est temps d’aller à l’essentiel: la paix et le développement de notre pays, pour notre mieux-vivre à tous et surtout l’avenir de nos enfants. C’est dans l’unité et la cohésion que le Togo peut et doit se construire. Si l’opposition est dans son droit de s’opposer, il faut reconnaître que le président Faure Gnassingbé se bat pour le développement et l’émergence du Togo. Il suffit de voir toutes ces infrastructures routières qui ont été réalisées et continuent de se construire sous son mandat. Il a fait sien l’adage selon lequel la route du développement passe par le développement de la route. Les pays dits grands de nos jours sont passés par cette voie qui permet la circulation des biens et des personnes dans des conditions propices au développement. Mais ce n’est pas pour autant que le président doit dormir sur ses lauriers. Il le sait d’ailleurs car il a encore beaucoup de projets pour notre pays. Et dans cette logique, il a compris qu’il a besoin de l’adhésion de tous les Togolais pour construire notre pays. Raison pour laquelle il a toujours tendu la main à l’opposition afin que, malgré les divergences idéologiques et politiques, seul l’intérêt du Togo, la maison commune triomphe sur les considérations égoïstes et personnelles de certains.»
Koffi Atsou Gbenyanawo, chercheur en droit et science politique
«La jeunesse togolaise a de l’espoir. Dans tous les pays du monde entier, le développement est un enjeu et le Togo ne déroge pas à la règle. Certes, tout n’est pas parfait au Togo, mais nous ne sommes pas non plus les derniers du monde. Du reste, malgré les crises politiques répétitives souvent créées de toutes pièces par certains politiciens en mal de publicité et qui n’ont pas pris conscience qu’ils font du mal à tout le Togo, nous sommes certains d’être sur la bonne voie. D’ailleurs, nous ne pouvons qu’apprécier positivement la vitalité démocratique du pays où les manifestations du pouvoir ou de l’opposition, organisées selon les normes en vigueur se tiennent sans problème. C’est quand ça dérape que nous disons non. Aujourd’hui, nous avons un chef de l’Etat qui connaît les défis du Togo. Il met en place et a en vue, beaucoup de projets qui peuvent offrir de l’emploi aux jeunes. Toute chose qui favorisera l’autonomisation de la jeunesse habituée, depuis la colonisation, à travailler pour l’Etat. Ce temps de se former pour s’installer forcément dans des fauteuils de l’administration est révolue et les dirigeants doivent encourager l’initiative privée pour sortir les jeunes de l’oisiveté et les délivrer des politiciens prédateurs qui les utilisent dans la rue, à des fins personnelles. Nous devons encourager les dirigeants actuels à aller dans le sens de rendre les jeunes autonomes et assurer ainsi leur avenir. C’est dans cette logique qu’il faut soutenir les décisions des chefs d’Etats de la CEDEAO qui encouragent le processus démocratique au Togo, avec en ligne de mire des élections législatives pour le 20 décembre 2018. Nous appelons donc l’opposition à s’inscrire dans cette dynamique de la CEDEAO pour le bien de notre pays. Un pays où l’opposition n’existe pas n’est pas un pays normal. L’opposition sert de garde-fou au pouvoir. En tout cas, comme le disent Philippe Braud et Guy Hermet c’est l’élection qui constitue le fondement célébré de la démocratie et la source de légitimité des dirigeants politiques. Ce sont donc les élections ouvertes à tous les Togolais, qui constituent la seule voie qui doit être privilégiée pour accéder au pouvoir. En tout cas le Togo, que ce soit l’opposition ou le pouvoir, ne doit plus se plaindre. Les préoccupations des uns et des autres ont été prises en compte par la Conférence des chefs d’Etats de la CEDEAO. Tout le reste, c’est un faux débat qui ne nous avance pas, mais profite à des desseins personnels cachés. Le peuple a trop souffert et veut maintenant vivre une vie normale. Pouvoir et opposition doivent rapidement prendre cette donne en compte.»
Menssan Kouévi, Directeur fondateur du Groupe La Concorde
«On ne peut pas dire que ça ne marche pas au Togo, car la vie ne s’est pas arrêtée et sur le plan économique, même si on se plaint, ce n’est pas la catastrophe. Nous sentons même une reprise des activités avec toutes les infrastructures routières et autres mises en branle. D’ailleurs, des gens que j’ai rencontrés fortuitement et qui après un séjour au Togo il y a quelques années et qui y sont revenus il y a deux jours (l’entretien a été fait le 4 août 2018, NDLR) ont reconnu les pas de géant qui ont été faits. «Nous tirons le chapeau à vos dirigeants», ont-ils dit, enthousiasmés. Donc nous pouvons dire que ça va, même si la crise socio-politique qui a quelque peu freiné l’élan que le Togo a pris. Avec la facilitation et les dernières recommandations de la CEDEAO nous reprenons courage. Pouvoir comme opposition, chaque camp a eu ses recommandations et doit pouvoir les mettre en pratique pour que nous ayons des élections paisibles et ouvertes à tous les Togolais, pour un Togo prospère. Les décisions de la CEDEAO sont pertinentes mais les Togolais doivent enfin faire preuve de sincérité pour le bien de tout le pays. Le 20 décembre pour les élections, c’est une date raisonnable pour permettre à tout le monde d’être prêt. Et comme la Constitution n’exclue personne, ce n’est pas à nous les individus de mettre qui que ce soit à l’écart. Si la loi fondamentale donne le droit à quelqu’un d’être éligible ou électeur, il faut la respecter. Si les opposants créent le désordre aujourd’hui, cela ne leur sera d’aucune utilité. Il faut penser à l’avenir. Faure Gnassingbé ou Jean Pierre Fabre, ou tout autre citoyen doit pouvoir se présenter à une élection ici au Togo.»
Gaston Tété Kato, secrétaire de formation
«Les aspirations de la jeunesse togolaise aujourd’hui peuvent se résumer à: satisfaire ses besoins quotidiens, prendre soin de sa famille et espérer un avenir radieux dans la paix au Togo. Il faut que nous puissions mettre en œuvre les recommandations issues du sommet de la CEDEAO le 31 juillet 2018. Si le Togo doit accéder au cercle encore réduit des pays émergents en Afrique, il doit prendre les mesures qui garantissent l’unité nationale et trouver les ressources nécessaires. Si les dirigeants d’aujourd’hui permettent le développement du Togo et ont une vision pour le pays, il faut les soutenir. A eux de savoir aussi qu’ils doivent œuvrer pour le mieux-être des Togolais qui les ont élus. Que l’on soit du pouvoir ou de l’opposition, seul l’intérêt de tous les Togolais doit nous guider. Il importe de soutenir les populations à la base et favoriser l’insertion économique des jeunes et des femmes, sans oublier l’extension progressive de la couverture maladie pour tous. Il est donc important et urgent que le pouvoir et l’opposition privilégient le dialogue et évitent la surenchère inutile. Il faut le nécessaire rapprochement des deux camps pour faire aboutir les négociations afin que le Togo connaisse des élections apaisées et une paix durable, gage de tout développement. Cherchons donc à aller en toute sérénité aux élections dont les législatives sont déjà pour le 20 décembre selon le calendrier proposé par la CEDEAO. Et la Constitution n’ayant écarté personne, tous les Togolais doivent prendre part aux élections législatives ou présidentielle. C’est au peuple de départager les candidats dans les urnes.»
Par Wakat Séra
Des signes de décrispation
Selon ce communiqué du ministère togolais en charge de la justice, le gouvernement s’engage pour une bonne exécution des recommandations de la CEDEAO.
«Cinq détenus de la prison civile de Sokodé et un détenu de la prison civile de Lomé ont bénéficié d’une liberté provisoire ce jour» selon une information du ministre togolais de la Justice. Cette ordonnance de mise en liberté provisoire prononcée par les juges coïncide avec les concertations ouvertes ce mercredi 8 août entre la Cedeao et les parties prenantes au dialogue intertogolais pour un meilleur suivi de la mise en oeuvre des recommandations.
Elle vient surtout s’ajouter aux différentes libérations de détenus dans le cadre des mesures d’apaisement prises par le gouvernement ces derniers mois et confirme la volonté réaffirmée du gouvernement togolais de mettre tout en œuvre pour une résolution pacifique et durable de la crise politique que traverse le Togo depuis bientôt un an.
Rappelons qu’au titre des recommandations de la CEDEAO, figurent en bonne place les mesures d’apaisement nécessaires pour une décrispation du climat politique.»
Source Gouvernement togolais