La Côte d’Ivoire n’a certainement pas atteint la côte d’alerte du trafic de drogue pour rivaliser en la matière avec la Colombie, les Philippines ou le Mexique, pour ne citer que ces pays où la mafia et les grands cartels font parler d’eux au quotidien, et pas qu’au cinéma. Mais depuis la dernière saisie record de 2,59 tonnes de cocaïne à Abidjan et San Pedro, la lagune Ebrié est en ébullition et les vagues, à hauteur d’homme, continuent d’éclabousser le microcosme politico-économique ivoirien. Au moins une trentaine de personnes prises dans cette tempête dont l’intensité ne faiblit pas pour l’instant, sont aux mains de la justice, à en croire le parquet d’Abidjan. Pourtant, il y a davantage de rumeurs que d’informations précises dans cette affaire qui, paradoxalement fait grand bruit.
Même le procureur Richard Adou, à l’accoutumée si prolifique en déclarations, notamment dans les dossiers politiques est peu disert. Il menace même de poursuites ceux qui oseraient violer le secret d’instruction! Comme quoi, la drogue ne rend pas qu’euphorique! En tout cas, en plus du milieu des affaires, presque tous les domaines de l’administration publique semblent être ballotés par ce qui a tout l’air d’un de ces grands scandales dont la Côte d’Ivoire est coutumière, et qui finissent toujours par être chassés de l’actualité par d’autres affaires.
Tout compte fait, du joint bien roulé, au contact de la flammèche, finira par s’exhaler cette fumée attendue par le public bien friand de ces affaires qui alimentent toutes les conversations dans les bureaux et allocodromes, d’Abidjan à Bouaké, en passant par Yamoussoukro. Sans doute que l’implication de grosses pointures révélées et celle de personnalités à des niveaux insoupçonnés, encore protégées par le «secret de l’instruction» et des acolytes, donnent encore toute sa saveur à ce dossier croustillant, encore bien emballé. Le mystère, sans être total demeure tout de même, rappelant ce démantèlement, par les polices ivoirienne, française et italienne, en 2019, dans la même Côte d’Ivoire, de ce vaste réseau de trafic de drogue qui a porté le nom très évocateur de «spaghetti connection».
Le produit prohibé était alors transporté par des bateaux du Brésil jusqu’en Côte d’Ivoire d’où il prenait la direction de l’Europe. Toute chose qui prouve que la Côte d’Ivoire, avec ses ports qui bouillonnent d’activités, sans être forcément une plaque tournante du trafic de la drogue, n’en n’est pas moins un point de passage qui prend de l’envergure. Du reste, le pays d’Alassane Ouattara est loin d’être le seul du continent qui est sur la route internationale de la drogue. Et c’est à ce titre que les inquiétudes sont légitimes de voir s’implanter davantage sous les tropiques, cette hydre dont les têtes poussent aussitôt coupées.
Déjà assaillie par des maux contre lesquels elle lutte difficilement, l’Afrique doit s’éviter ce fléau source de destruction humaine flanqué d’effets collatéraux comme les luttes meurtrières entre clans pour se rendre maîtres de ce commerce illicite, mais très juteux. Sans oublier que ce trafic sert également à financer le terrorisme dont les pays africains, et plus spécifiquement ceux du Sahel, cherchent avec toutes les peines du monde, à se débarrasser.
Par Wakat Séra