Le train de la transition burkinabè lancée depuis quelques jours est peut-être en train d’atteindre sa vitesse de croisière plus tôt que prévu. Mais les passagers qu’il a embarqués depuis le mois passé, étaient quelque peu désorientés. Les attaques terroristes qui endeuillaient constamment le Burkina Faso depuis plus des 7 ans qu’ont duré le mandat de Roch Marc Christian Kaboré, sont toujours d’actualité. Pire, elles avaient visiblement pris de l’ampleur comme un pied-de-nez des assaillants aux militaires qui ont pris le pouvoir. Une recrudescence qui a coïncidé avec la réarticulation de la Force française Barkhane et de celle européenne Takuba, contraintes de quitter le Mali voisin.
Pourtant, le putsch du nouvel homme fort de Ouagadougou, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, était la conséquence de l’incapacité du régime déchu à trouver des réponses adéquates à la crise insécuritaire qui a fait de nombreux morts, plus du million de déplacés dans leur propre pays et rendu la destination Burkina dangereuse. Les attentes des Burkinabè sont donc aiguës et les nouvelles autorités sont conscientes qu’ils ne bénéficieront d’aucun état de grâce.
Dans cette transition à laquelle des assises nationales ont accordé une durée de vie de 36 mois, sous l’œil encore circonspect de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), il fallait rassurer des populations désemparées et meurtries, habituées à supporter les communiqués des «trois jours de deuil» suite aux «attaques des hommes armés non identifiés». Mettant à profit son adresse à la nation de ce vendredi 1er avril, alors que nombre de ses concitoyens essayaient encore de digérer leurs poissons d’Avril, ces tours parfois très salés inhérents à ce jour particulier de l’année, le président du Faso a essayer de trouver les mots justes pour redonner confiance aux Burkinabè.
Tout en annonçant des mesures fortes pour le redressement d’un navire qui a littéralement coulé et ne sera donc pas facile à remettre à flots, il a donné à son peuple, un rendez-vous ferme dans cinq mois pour évaluer la situation. Ce lundi, c’était au tour du Premier ministre de se retrouver face aux membres de l’Assemblée législative de Transition, pour présenter la feuille de route de la…Transition.
Le nouveau PM a-t-il été convaincant? Il faut le dire, ce rituel, était connu sous les régimes passés comme une séance de sieste pour certains députés et un moment privilégié pour les laudateurs du pouvoir en place de peindre tout en rose dans un pays où tout demeure priorité, de la sécurité à l’éducation, en passant par la santé et l’alimentation, pour ne se limiter qu’à ces besoins existentiels, encore difficiles à atteindre par le Burkinabè lambda. En tout cas, le discours a séduit par son pragmatisme, abordant sans ces circonvolutions dont seuls ont le secret les politiciens de carrière, les problèmes structurels et conjoncturels du Burkina.
Aucun domaine de la vie de la nation n’a échappé à la loupe de l’homme qui doit conduire à bon port, le programme de gouvernement du nouveau locataire du palais présidentiel de Kosyam. La priorité des priorités, étant, bien entendu le combat pour le retour de la sécurité au Burkina. Tout en appelant «tous les enfants de ce pays qui ont pris les armes contre la mère patrie, à les déposer et à revenir pour (…) la construction de (la) maison commune», le Premier ministre n’a pas manqué de mettre l’accent sur la diversification des partenariats en matière de coopération militaire, histoire de ne pas mettre tous les œufs sécuritaires du Burkina dans un seul panier.
Si l’examen de passage a été concluant à l’oral, le plus dur reste à faire pour le Premier ministre et son gouvernement. Il urge de transformer les paroles en actes, pour desserrer l’étau autour des Burkinabè pris entre le marteau du terrorisme et l’enclume de la difficile conjoncture économique découlant de la pandémie du Covid-19. Le chantier ne sera pas loin des sept travaux d’Hercule, surtout dans ce contexte où la transition burkinabè, soeur cadette de ses ainées du Mali et de la Guinée, sera très scrutée par la communauté internationale, notamment la CEDEAO qui a, tout de même, promis son accompagnement au Burkina.
Par Wakat Séra