Accueil A la une Transition au Mali: ça coince à Bamako, ça serre à Accra!

Transition au Mali: ça coince à Bamako, ça serre à Accra!

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La junte militaire au pouvoir au Mali doit oeuvrer au retour à un régime constitutionnel

Un président et un Premier ministre de transition civils. La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) ne transige pas sur la question. Réunis, ce mardi 15 septembre, à Accra, autour de leur hôte, Nana Akufo-Addo, président du Ghana et président en exercice de l’organisation sous-régionale, les dirigeants ouest-africains ont, une fois de plus, fait savoir au Comité national pour le salut du peuple (CNSP), que le pouvoir qu’il a pris par la force, le 18 août dernier, doit être remis aux civils, le plus tôt possible. La junte militaire qui a essayé en vain de convaincre les têtes couronnées qui n’ont pas encore digéré l’éviction d’un des leurs, en l’occurrence, Ibrahim Boubacar Keïta, retournera donc à Kati, avec ses propositions, dont celle d’une transition de 18 mois, avec un militaire ou un civil, comme président ou Premier ministre.

La CEDEAO n’ayant que faire du «ou», reste ferme sur ses sanctions et embargo, décidés dès les premières heures de la chute, suivie de démission, de ce membre influent du syndicat, tombé comme un fruit mûr, après trois mois de secousse générée par les manifestations du Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), avec l’onction de l’influent imam, Mahmoud Dicko. Si depuis lors, le très charismatique leader religieux est retourné à son tapis de prière, il n’en demeure pas moins qu’il garde un œil, sur cette transition politique qui a du mal à décoller. Et si les divergences ostensibles entre le CNSP et le M5-RFP constituent un blocage, il n’en demeure pas moins que les injonctions de la CEDEAO reçoivent mauvais écho sur les bords du Djoliba. Les Maliens voudraient bien souffler un peu, après les événements du 18 septembre, et chercher leurs voies tous seuls. Ils en ont les ressources et ont prouvé qu’ils savent prendre leurs responsabilités.

Qui plus est, certains membres de la CEDEAO ont fini de décrédibiliser l’institution, en devenant eux-mêmes des putschistes, faisant du maudit troisième mandat leur nouvelle religion. Comment l’Ivoirien Alassane Ouattara et le Guinéen Alpha Condé, eux qui ont violé l’interdit du troisième mandat anti-démocratique, peuvent-ils imposer des sanctions à des militaires que les populations ont ovationné comme des libérateurs? Pendant que le coup de force des hommes de Kati a été d’une quasi propreté étonnante, les coups d’Etat constitutionnels de ADO et de Alpha Condé, sont déjà crédités d’une longue comptabilité macabre et portent tous les ingrédients d’une probable violente déflagration dont les secousses, en plus de déchiqueter le tissu social de leurs pays respectifs, n’épargneront pas leurs voisins. En somme, ce n’est qu’après avoir enlevé la poutre qui se trouve dans leur œil, que les dirigeants de la CEDEAO, pourront ôter la paille de l’œil de la junte militaire au pouvoir au Mali.

Il n’y a pas pire coup d’Etat que le troisième mandat et la CEDEAO le sait, elle qui, malheureusement, criera au loup à la moindre dérive alors que c’est à son nez et à sa barbe que Alassane Dramane Ouattara et Alpha Condé se sont mués réelles menaces pour la paix dans leurs pays et la sous-région. A quoi bon affamer encore un peuple qui a, trop longtemps, serré la ceinture pour que IBK et les siens portent leurs bretelles? Certes, le Mali, si les choses demeurent en l’état, sera comme une excroissance dans une sous-région qui marche tant bien que mal sur les sentiers d’un processus démocratique dévoyé. Un semblant de démocratie, où, la corruption, le clientélisme et la mal gouvernance, règnent en maîtres, nourrissant une misère endémique des peuples, situation aux antipodes du luxe insultant dont s’entourent les dirigeants. Et les parodies d’élections se conjuguent alors avec les «troisième mandat», pour faire finalement le lit de la prise du pouvoir par les armes ou par la rue.

Ironie du sort, c’est ce jour même jour de mardi 15 septembre, quand la junte militaire au pouvoir grâce au coup d’Etat du mardi 18 août-encore un mardi-, essuyait le revers d’Accra, que le général Moussa Traoré s’est éteint, lui qui est venu au pouvoir en 1968 par un coup d’Etat et en a été chassé, par le même coup d’Etat en 1991. N’est-ce pas le même Moussa Traoré qui était, retournement de situation, devenu très populaire et même très écouté, qui a donné sa bénédiction aux hommes de Kati, qu’il a appelés ses «fils», les qualifiant de «patriotes», lorsque ceux-ci lui rendaient une visite de courtoisie, le dimanche 30 août? C’est aussi cela, le Mali et son histoire, parsemée de putschs, un pays dans lequel Feu Moussa Traoré n’a «jamais désespéré». Un Mali dans l’attente de sa transition politique, qui prend difficilement forme.

Par Wakat Séra