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Transitions politiques: le Tchad en fin de partie, la Guinée joue les prolongations

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Le maréchal Mahamat Idriss Deby

Après trois ans de sa prise de pouvoir contestée à la mort du père, le fils vient de mettre fin, à la transition politique dans laquelle était engagé son pays. C’est l’histoire contemporaine du Tchad qui se confond avec celle personnelle de la famille Deby. Le maréchal Idriss Deby Itno, mort au front, selon la version officielle, le 20 avril 2021, son fils Mahamat Idriss Deby, fut adoubé par les chefs d’Etat africains, avec une forte implication ouverte de la France d’Emmanuel Macron. Le général, appelez-le désormais maréchal, Mahamat Deby, a réussi le pari, malgré tout ce qui lui est reprochés, d’organiser d’abord, la présidentielle qu’il gagna haut la main et ensuite les législatives, provinciales et municipales, que son parti le Mouvement patriotique du salut (MPS) devrait, sauf tsunami, remporter, selon le nombre de sièges qu’il voudra. En Afrique, à quelques exceptions près, comme au Ghana et au Sénégal, on n’organise pas des élections pour les perdre.

Le Tchad a, simplement, fait du civil avec du militaire qui s’est donné une virginité par les urnes, le maréchal Mahamat Idriss Deby, pour conserver les clés du palais présidentiel, battant à plate couture son Premier ministre d’alors, Succès Masra. Après sa déconfiture, l’ancien opposant, redevenu opposant, comme pour ne pas boire le calice jusqu’à la lie, et continuer à légitimer le pouvoir de celui avec qui il a négocié son retour au bercail à la suite d’une année d’exil, a demandé à son parti, Les Transformateurs, de boycotter la triple élection législative, provinciale et communal, qui consacre, en principe, la fin de trois ans de transition.

Le pouvoir, demeure donc dans les mains des Deby, qui l’ont confisqué depuis 1990, quand, avec l’appui de la France, encore elle, Idriss Deby chassait du palais présidentiel, Hissène Habré. Depuis lors, les élections se sont succédé et se sont ressemblées toutes, toujours couronnées par la victoire du président sortant, c’est-à-dire Idriss Deby. Même les rébellions les plus coriaces, et les guerres civiles les plus intenses, n’ont jamais pu venir à bout d’Idriss Deby dont le pouvoir a vacillé mais n’est pas tombé, encore avec l’aide de la France qui a fini par installer des bases militaires dans le pays. Présence militaire française qui a été dénoncée par le maréchal Mahamat Deby, obligeant les soldats français à faire leurs paquetages!

En Guinée, le scénario est loin de prendre les sillons tracés par la transition tchadienne. Le général Mamadi Doumbouya qui avait promis de rendre le pouvoir aux civils, après trois ans de la transition qui a été mise en place suite à son coup d’Etat du 5 septembre 2021 qui a renversé le Professeur Alpha Condé, a fait le choix, lui, de conduire une transition élastique. Du reste, il ne pouvait en être autrement pour celui qui a échappé à la fatwa de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de la communauté internationale de façon générale, qui ont, abondamment, versé dans la politique du deux poids deux mesures, en n’ayant pas accordé la même bienveillance à l’endroit des coups de force militaires au Mali, au Burkina et au Niger. Mais les promesses du général Doumbouya, semblent n’avoir été que du vent, soit une manière pour lui, de se donner du temps, en passant sous les radars des censeurs de putschs militaires.

Celui qui est passé de colonel à général a, plutôt, instauré un pouvoir de fer, mettant son pays sous coupe réglée, muselant la liberté d’expression, faisant taire des voix dissidentes dont les plus emblématiques sont, actuellement, deux cadres du Front national pour la défense de la constitution (FNDC), Oumar Sylla alias Foniké Mengué et Mamadou Billo Bah, disparus depuis le 9 juillet, éloignant du pays, les politiciens qui osent le contredire et embastillant tous ceux qui critiquent sa transition et exigent qu’elle soit mise sur de bons rails.

Sauf que le pouvoir de Mamadi Doumbouya sera, plus ou moins, en difficulté, car les mouvements de la société civile brandissent la menace de ne plus le reconnaître à la date du 31 décembre, qui devrait marquer la fin de la transition. La Guinée, s’embourbera-t-elle, encore, dans ces manifestations de rue, durement réprimées et qui ont déjà fait de nombreux morts? Tous les Guinéens vivent, la peur au ventre, car les lieutenants de Mamadi Doumbouya, à travers leurs discours, sont encore, loin de la fin de la transition!

Par Wakat Séra