Une douche froide pour les Tchadiens. C’est sans doute ce qu’a provoqué à Ndjamena, la fatwa de Donald Trump qui a décidé d’appliquer désormais au Tchad, le décret migratoire américain qui rend les ressortissants de ce pays indésirables aux Etats-Unis, au même titre que d’autres citoyens comme ceux du Venezuela et de la Corée du nord. Nouvelle renversante pour Idriss Deby Itno, présenté sur le continent comme le champion de la guerre contre les terroristes de Boko Haram et les djihadistes qui écument le Sahel. La réputation des intrépides «Deby Boys» avait même fini par convaincre la France de faire du Tchad le porte-flambeau de la traque aux djihadistes dans le Sahel, au point d’y installer le QG de la Force Barkhane. Cette position de chef de guerre incontestable constitue un véritable atout pour le président tchadien courtisé par les grands de ce monde, alors qu’il est loin d’incarner un modèle de bon élève en démocratie. Il pourrait même porter le bonnet d’âne de sa classe, en la matière, bien qu’ayant essayé de se refaire une virginité par les urnes successivement en 1996, 2001, 2006, 2011 et 2016, après avoir arraché, canon tonnant, le pouvoir des mains de Hissène Habré en décembre 1990.
Mais comme l’enseigne cette vérité bien connue des politiciens, un Etat n’a pas d’ami, il n’a que des intérêts. Et c’est sans doute dans cette logique que Donald Trump, le tonitruant locataire de la Maison Blanche depuis neuf mois, vient de briser le charme du fils de berger de l’ethnie Zaghawa. Pour le successeur de Barack Obama, Idriss Deby Itno ne montre pas suffisamment patte blanche dans la lutte contre le terrorisme, car ne fournissant pas des informations irréprochables sur ses citoyens candidats au séjour américain. Et malgré ses cris d’orfraie, Ndjamena qui nie abriter sur son territoire des djihadistes d’Aqmi, de l’Etat Islamique, et de Boko Haram, n’est pas parvenu à faire fléchir Trump dont les services de renseignement ne sont pas nés de la dernière pluie. Déby a 50 jours pour rentrer dans les rangs et retrouver l’estime du gendarme du monde. Toutefois, on ne peut s’empêcher de se demander si cette décision renversante de Donald Trump n’a pas des dessous cachés comme casser du Deby qui jouit d’un leadership certain en Afrique, alors que les Etats-Unis ont en horreur les «hommes forts» qui plus est s’éternisent au pouvoir. Mais quelles que soient les raisons de cette oukase de Washington, ce sont d’innocents ressortissants tchadiens, étudiants, hommes d’affaire et simples touristes qui en souffriront le plus, Deby étant plus heureux à Amdjarass, son bled natal où il passe le plus clair de son temps.
Ce n’est pas que le Tchad qui est dans le collimateur de Donald Trump qui, entre deux déclarations de guerre lancées contre la Corée du nord qui a décidé de lui donner des nuits blanches par ses essais nucléaires répétés, vient de bombarder un camp de l’Etat Islamique situé non loin de Syrte. Les Etats-Unis obnubilés par la sécurité de leurs citoyens prennent ainsi les devants dans la guerre contre l’EI qui a recommencé à vouloir pousser racine dans une Libye chaotique. Visiblement, Donald Trump, par cette incursion bruyante au pays de Feu Mouammar Khadafi a décidé de prendre part à un retour de vie normale en Libye où la France d’Emmanuel Macron essaie déjà de jouer les premiers rôles. En tout cas ce sont des interventions qui exhalent une forte odeur de pétrole. Surtout que les contrats attendent au bout du rouleau, pour la reconstruction d’une Libye explosée en son temps par les missiles français et alliés britanniques.
Par Wakat Séra