Depuis l’ouverture de la chasse aux Africains subsahariens par le président tunisien himself, c’est la course poursuite permanente contre un gibier cerné de toutes parts et qui ne trouve pour l’instant aucune issue de secours. Même les forces de l’ordre sensées veiller sur toutes les personnes et leurs biens, et assurer protection à tous les êtres, surtout ceux qui sont loin de chez eux, ne boudent pas leur plaisir devant ce film d’horreur! Le feuilleton sanglant qui se joue non pas à l’écran, mais en grandeur nature, avec pour lieux de tournage, les villes tunisiennes de Tunis à l’époque et Sfax ces derniers jours, est loin d’être une création spontanée. Le scénariste en chef, Kaïs Saïed a conçu la trame du film de main de maître, sur fond de discours haineux et xénophobe, des mots crus qu’il a débités le mardi 21 février au cours du Conseil de sécurité national.
Et comme s’ils n’attendaient que ce la venu du sommet, les concitoyens du chef de l’Etat tunisien ont fondu comme des essaims d’abeilles, sur de pauvres subsahariens, la plupart des étudiants sans défense. Et, subitement, comme si la Tunisie n’était pas un pays africain mais juste un pays se trouvant en Afrique, les étrangers dont le seul tort est d’avoir la peau, de couleur différente de celle de leurs hôtes, sont tous devenus des sauterelles qui empestent la Tunisie! Promesse ferme de mise en place de «mesures urgentes» a aussitôt accompagné ces propos hideux de Kaïs Saïed pour mettre fin à «l’immigration clandestine», la présence des migrants africains subsahariens sur le sol tunisien rimant avec «violence, crimes et actes inacceptables». Tout se passe comme si les frontières naturelles, ou héritées pour la plupart de la colonisation, ne sont pas que physiques. Tout sépare visiblement les Tunisiens de leurs «frères» africains noirs.
Faut-il donc s’étonner que la mort de Nizar Ben Brahim Amri, un Tunisien qui aurait été poignardé, ce lundi, par trois migrants, dans une altercation, provoque des représailles contre des Africains subsahariens, contraints à vivre cloîtrés chez eux d’où ils sont délogés, molestés, délestés de tout, et certains embarqués sans ménagement par la police? D’ailleurs, cet acharnement sur les Africains noirs n’est qu’une suite des mêmes actes de violence qu’ils ont subis fin mai, lorsqu’un migrant subsaharien a été poignardé chez lui, à domicile par de jeunes tunisiens en petite meute. Des échauffourées s’en sont suivies et ont créé une peur qui n’a jamais disparu de la tête des migrants subsahariens vivant en Tunisie. En tout cas, on peut le dire, sans risque de se tromper, Kaïs Saïed a ouvert la boîte de pandores par son discours qui détonne avec les légendaires solidarité et hospitalité africaines! Certes, le calme semble revenir à Sfax, mais la déchirure est profonde et sera difficile à guérir, la moindre étincelle ne pouvant que raviver le feu, que couve cette fine couche de cendre d’accalmie.
A quand la fin de la chasse ouverte contre les Africains par des…Africains car, jusqu’à preuve de contraire la Tunisie est bien implantée sur le continent noir et est même membre de l’Union africaine? Si l’habit ne fait pas le moine, la couleur de peau ne doit pas faire l’Africain!
Par Wakat Séra