Le sommet Afrique–France se tiendra à Bamako les vendredi 13 et samedi 14 janvier. Si le débat sur l’utilité d’un tel sommet est légitime, ce qui me dérange le plus, c’est de le voir se tenir au Mali. Le Mali incarne à lui seul le mal qui ronge la sous-région : un pouvoir politique qui a fait de l’incurie sa marque de fabrique, une clique de kleptocrates qui ont mis en coupe réglée le pays et les logiques mafieuses qui sont désormais les seules qui prévalent dans tous les secteurs d’activité au Mali.
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On pourrait qualifier le Mali de failed State, « Etat failli », mais je préfère parler de fake State, « un semblant d’Etat ». Le pouvoir malien a cultivé l’art de sauver les apparences, apparences au-delà desquelles la communauté internationale ne va pas. Le président Amadou Toumani Touré (ATT, 2002-2012) excellait dans cet art, bien servi il est vrai par les griots de la communauté internationale qui chantaient ses louanges. Aujourd’hui l’actuel président malien, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), bénéficie des services d’un griot en chef prestigieux : François Hollande.
Essai non transformé
Le président français veut faire du Mali un exemple de la réussite de sa politique internationale. La décision d’intervenir militairement en janvier 2013 était sans nul doute une décision courageuse. Malheureusement, l’essai ne fut pas transformé à cause d’une absence totale de vision politique. Une opération militaire ne peut pas être un objectif en soi, une victoire militaire ne sert à rien si elle n’est pas le moyen d’atteindre un objectif politique.
Donc, une fois les djihadistes éparpillés, l’opération « Serval » a été rebaptisée, avec un mandat plus large, opération « Barkhane », les casques bleus ont débarqué au Mali et aujourd’hui le résultat est sans appel : le nord du pays est désormais hors contrôle.
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Cette situation n’est pas que la conséquence d’une absence de vision politique de la part de la France. Elle est aussi et surtout de la responsabilité des autorités politiques à Bamako qui ont failli. Le peuple malien a confié en 2013 les rênes du pays à IBK dans le cadre d’une élection dont le résultat final ne peut être contesté. Aujourd’hui cette légitimité politique a disparu car le pouvoir politique a tout simplement renoncé à incarner l’intérêt national. Les « logiques patrimoniales », pour reprendre l’expression de Jean-François Bayart, ont pris le dessus sur toute autre considération, la kleptocratie érigée en mode de gouvernance.
Cette « gouvernance » n’est pas l’apanage du seul Mali. Le Niger et la Mauritanie, pays voisins du Mali, souffrent du même mal et, pour ce qui est du Niger, il bénéficie du même griot en chef, François Hollande. Le plus frappant, c’est le fossé qui existe entre la cécité du pouvoir politique français concernant la réalité de la situation politique dans la bande sahélienne et la perception qu’ont les opinions publiques africaines de leurs propres dirigeants.
Opinions publiques écœurées
Ces opinions publiques, écœurées, en particulier la jeunesse africaine, constatent que la France en particulier, la communauté internationale en général sont complices de ces pouvoirs kleptocrates. D’ailleurs, plus ces élites politiques faillissent, plus la générosité internationale déverse des milliards d’euros, une prime à l’incurie en somme. C’est ce qui a miné la légitimité de la coalition internationale qui a soutenu de manière indéfectible le régime outrancièrement corrompu d’Amid Karzaï en Afghanistan.
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Je me demande donc ce que pourra être le discours du président François Hollande lors de ce sommet : va-t-il continuer à faire le griot d’IBK et insulter l’intelligence des opinions publiques africaines ou va-t-il saisir cette opportunité pour un discours courageux ? La deuxième option ne consiste pas à juger ou à critiquer publiquement les autorités politiques du Mali. La France n’en a pas le mandat juridique ni le mandat moral. Il s’agit plutôt de rappeler que la France ne peut continuer à essayer de sauver un pays si ses dirigeants ne sont pas les premiers à mener ce combat. Il s’agit de rappeler aux peuples africains qu’ils sont les réels détenteurs du pouvoir et que ce sont eux, pour reprendre le programme du mouvement citoyen sénégalais Y en a marre, qui façonneront le NTA, le Nouveau Type d’Africain. La France et la communauté internationale n’ont pas ce pouvoir. Il leur revient juste de choisir leur camp. Si on me demande un avis, je leur recommanderai plutôt celui des peuples.
Laurent Bigot est un ancien diplomate français devenu consultant indépendant.