Accueil Editorial Union africaine et CEDEAO: toujours ces cailloux dans la chaussure!

Union africaine et CEDEAO: toujours ces cailloux dans la chaussure!

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Passage de témoin entre Azali Assoumani (à gauche) et Macky Sall à la tête de l'UA

Avec les avancées et les perspectives de la Zone de libre-échange africaine (ZLECAf) comme plat de résistance, le 36e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine (UA) qui s’est tenu ce week-end des 18 et 19 février à Addis-Abeba en Ethiopie, a servi de passage de témoin entre le Sénégalais Macky Sall et le Comorien Azali Assoumani qui prend ainsi les commandes de l’organisation continentale. Si l’Erythrée reste le seul, sur les 55 pays de l’Afrique, à n’avoir pas encore signé ce traité qui devrait offrir un immense marché commun aux Africains, 44 autres l’ont signé et ratifié, toute chose qui donne de l’espoir aux pères fondateurs de la ZLECAf, un bébé vieux de deux ans déjà, mais qui cherche toujours à tenir, seul, sur ses deux pieds.

Les défis prioritaires, et pas des moindres, pour la plupart hérités de son prédécesseur, à relever par le président de l’archipel des Comores, «petit» pays de par sa superficie et son poids politique sur le continent, sont ceux de l’agro-industrie, du climat, de la relance économique de l’Afrique après les ravages de la pandémie du Covid-19 et la guerre en Ukraine, la résolution de la crise humanitaire qui affecte ou menace plusieurs pays du continent, et la conduite à bon port du projet de l’admission de l’UA au G20 en Inde.

Mais la montagne à aplanir, dans l’urgence, est, sans aucun doute, le garrot à attacher pour mettre fin à cette hémorragie de coups d’Etat sur le continent noir, notamment dans sa partie ouest. D’où la décision de l’UA d’accompagner les phases de transition politique dans les pays actuellement dirigés par des juntes militaires. Certes, des délais ont été trouvés, proposés, pour ne pas dire imposés et acceptés, par le Tchad, la Guinée et le Mali, pour passer la main à des pouvoirs civils afin de restaurer la démocratie dans ces pays où les armes des militaires ont douloureusement remplacé les urnes constitutionnelles pour le changement de régime. Le Soudan de l’après Omar el-Béchir qui va également de putsch en putsch, est aussi un client important de l’UA, qui affiche résolument son combat contre les coups d’Etat militaires. Sans oublier ce dossier brûlant des attaques des rebelles du M23 qui attaquent la République démocratique du Congo, assaillants que la RDC et plusieurs autres pays accusent le Rwanda de soutenir.

Dans les sillons de l’UA, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) lors d’une réunion extraordinaire tenue en marge du 36e sommet de l’institution continentale, a durci le ton contre «ses» juntes militaires du Mali, de la Guinée et du Burkina Faso. C’est sans autre forme de procès que la CEDEAO, tout en réitérant être aux côtés de ces trois pays dans leur cheminement vers le retour d’un pouvoir civil, s’est engagée dans le maintien, contre ceux-ci, des sanctions, notamment leurs exclusions de ses instances. Pour montrer que ses mesures punitives pourraient aller crescendo, le Bissau-Guinéen, Umaro Sissoco Embalo, le président en exercice et ses pairs de la CEDEAO, ont décidé, à cette étape, «d’imposer une interdiction de voyager aux membres du gouvernement et autres hauts fonctionnaires des trois pays» en transition.

Une punition ciblée qui tombe sur la tête des dirigeants intérimaires du Mali, de la Guinée et du Burkina, alors que ceux-ci, comme s’ils avaient vu l’épée de Damoclès suspendue au-dessus d’eux, plaidaient pour une levée de toutes les sanctions qui frappent ces pays du fait des putschs militaires qu’ils ont connus. C’est dire que dans le langage de la CEDEAO, accompagner une transition est loin de rimer avec accepter des contenus flous et surtout l’élasticité de la durée qu’entendent leur imprimer, à leur guise, les juntes militaires. Le cas du Mali, où des voix s’élèvent déjà, de la part de structures étatiques pour affirmer ne pas être prêtes pour de futures élections, a certainement renforcé la conviction de la CEDEAO d’être en présence d’une énième mauvaise foi et d’une ruse supplémentaire de la junte malienne pour allonger la transition.

Ces sanctions de l’UA et de la CEDEAO, loin d’être excessives, car nullement prises contre les populations seront inévitablement brandies comme arbitraires, par les «mauvais élèves de la démocratie». Pourtant, «nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude» dit l’adage. Sauf que, l’UA et la CEDEAO doivent pouvoir aller jusqu’au bout de leur logique. Car les mêmes sanctions, voire pires, doivent être appliquées aux dirigeants démocratiquement élus dont les sports favoris sont l’oppression de leurs peuples, la mal-gouvernance et surtout le charcutage de la constitution pour s’offrir des «Troisièmes mandats» débouchant inévitablement sur des présidences à vie, et servant de terreau fertile aux insurrections populaires et aux…putschs militaires. Comme la quadrature du cercle!

Par Wakat Séra