«(…) L’Union africaine elle-même connaît une désaffection qui éclate au grand jour lors de nos sommets. Qui parmi nous n’a pas été froissé en observant des sommets se poursuivre sans un seul président, sauf celui qui préside ledit sommet. Souvent aucun ministre et à la fin peu d’ambassadeurs. Ne nous voilons pas les yeux. Ce spectacle répétitif est ravageur pour notre crédibilité.(…)»
Plus que des aveux, et moins qu’un simple constat, c’est un cri d’alarme qu’a poussé le président de la commission de l’Union africaine, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, sur la santé défaillante et défectueuse d’une organisation minée par un ensemble de maux qui frappent ses pays membres et qui ont pour nom commun fragilités économiques, sociales et sécuritaires. La mauvaise gouvernance et surtout les coups de poignard que reçoit, fréquemment, en plein cœur, la démocratie sur le continent, à travers les putschs militaires et les charcutages des constitutions pour des 3e, 4e, 5e, mandats et pour des présidences à vie, mettent en péril la crédibilité, voire la vie, de l’UA.
A l’instar de l’institution continentale elle-même, les Communautés économiques régionales (CER) se portent mal. Elles dont la sixième Réunion Mi-Année de Coordination a offert, ce 21 juillet, à Accra au Ghana, une tribune idéale à Moussa Mahamat Faki, pour sonner le tocsin à se rassembler autour autour du grand corps malade. Car l’UA arrive à peine à s’agripper encore aux nobles fondements d’intégration construits par les pères fondateurs. La guerre sans fin des généraux au Soudan, l’avancée du M23 dans le sang des populations du Nord-Kivu en République démocratique du Congo (RDC), le commerce hideux des migrants transformés en esclaves, quand ils ne sont pas tués, dans une Libye où l’Etat essaie de se reconstruire sur le chaos né du bombardement de Moammar Kadhafi, les millions de morts et Personnes déplacées internes, causés par les attaques terroristes dans le Sahel, et bien d’autres fléaux, conduisent l’UA vers une agonie certaine, si elle n’arrive pas à se refaire une autre vie, à travers ces réformes toujours annoncées mais jamais réalisées.
Que dire de la désunion de…l’Union, à travers des chefs d’Etat qui semblent avoir passé par pertes et profits, l’idéal d’unité instauré par leurs devanciers panafricanistes, dont l’illustre Kwame Nkrumah sur les terres de qui se tient la présente rencontre des CER? Un mal profond qui entraîne, inévitablement, des frictions et des scissions entre les peuples, jadis unis et collés par le ciment légendaire de la solidarité africaine.
L’UA doit cesser d’être un syndicat des chefs d’Etat et revenir aux aspirations profondes des peuples! Plus qu’à la croisée des chemins, l’Union Africaine est dans une phase critique de son existence! L’urgence est donc signalée et reconnue par le président en exercice de l’Organisation, le Mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, qui, tout en demandant la prise en compte rigoureuse des plans de développement nationaux par les programmes continentaux, n’a pas manqué d’insister sur l’intensification de l’intégration économique et surtout l’indispensable considération des besoins holistiques des populations.
Toute cette litanie de difficultés, enfilée au défis du respect des droits humains, de la lutte contre le terrorisme, du combat pour la souveraineté réelle de l’UA et de ses pays membres, etc., sont autant d’obstacles à aplanir pour permettre à l’Afrique de prendre, enfin, le train du développement duquel le continent est resté trop longtemps éloigné, ayant toujours été grand pourvoyeur de matières premières, mais simple consommatrice avide de produits finis.
Par Wakat Séra