Le constat est «amer et peu enviable» dans les universités publiques de Ouagadougou, notamment sur le plan académique, selon l’Association nationale des Etudiants burkinabè (ANEB) qui dénonce dans une déclaration transmise à Wakat Séra, un «retard (criard) et les chevauchements qui ont atteint un palier jamais égalé».
DECLARATION DE RENTREE
Camarades étudiantes et étudiants,
Le 1er octobre 2018, les différents UFR et instituts des universités publiques de Ouagadougou ont repris les activités académiques. Au niveau du privé, pendant que certains étudiants attendent de commencer les cours, d’autres ont repris en début Octobre ou en mi-septembre. En cette occasion, l’ANEB souhaite une bonne rentrée 2018-2019 à tous les étudiants du privé et leur adresse ses encouragements. Elle encourage ceux des universités Ouaga 1 Pr Joseph Ki-Zerbo et de Ouaga II, pleinement occupés dans leur immense majorité par les activités académiques de l’année universitaire 2014-2015, 2015-2016, 2016-2017 ou 2017-2018.
Camarades étudiantes et étudiants,
La reprise des activités académiques et pédagogiques s’effectue dans un contexte national marqué par :
L’insécurité au quotidien avec des attaques terroristes récurrentes, coutant la vie à des civils et à des éléments des forces de défense et de sécurité. En effet, il ne se passe pas de jour ou de semaine sans que l’opinion nationale soit informée, que des « éléments non encore identifiés » selon l’expression consacrée des sources officielles gouvernementales, ont perpétré des attaques meurtrières ;
La poursuite du procès du putsch du 16 septembre 2015 marqué par des révélations rocambolesques ;
Le développement des luttes dans la ville de Ouagadougou comme en témoigne la marche des populations des arrondissements 10 et 11 (Yamtenga, Rayongo, Balkuy…) de Ouagadougou pour exiger la satisfaction de leur droit au logement…
L’enseignement supérieur public est dans un état de ruine et de chaos généralisé avec des années académiques sans tête ni queue. Les universités qui subissent de plein fouet cette crise sont dans un état de déliquescence sans précédent. L’application du Programme d’Ajustement Structurel depuis 1990, par tous les régimes soumis au diktat des puissances impérialistes notamment la France, qui se poursuit aujourd’hui sous le renom de Plan National de Développement Economique et Social (PNDES) avec le Pouvoir MPP, est à l’origine de l’aggravation de cette situation catastrophique de l’enseignement supérieur. Les universités et instituts privés poussent désormais comme des champignons, sans parfois remplir le strict minimum de conditions, sous le regard complice des autorités. La recherche du profit, par bon nombre de promoteurs de ces cadres de formation, prend toujours le dessus sur la nécessité d’un enseignement de qualité. Ces établissements appliquent des frais de formation exorbitants au regard de la faible qualité de l’enseignement fourni et des mauvaises conditions d’étude des étudiants.
Camarades étudiantes et étudiants,
Dans les universités publiques de Ouagadougou le constat est également amer et peu enviable. En effet, sur le plan académique, le retard et les chevauchements ont atteint un palier jamais égalé. A l’Unité de Formation et de Recherche en Sciences de la Vie et de la Terre (UFR/SVT), par exemple, les bacheliers de 2012 attendent toujours les résultats des sessions de rattrapage des semestres 5 et 6 de la troisième année (L3). En Sciences Exactes et Appliquées (SEA), les bacheliers de 2013 peinent pour obtenir également leur licence. Dans le même temps en Lettres, Art et Communication (LAC), particulièrement en Lettres Modernes c’est le même sort que subissent les bacheliers de 2013. Cette situation n’est pas sans conséquences sur la qualité de l’enseignement et le taux de succès des étudiants. En effet, la session normale du premier Semestre (S1) des bacheliers de 2016 en Sciences Economiques et Gestion a enregistré 266 admis sur 3514 soit 7,57 % de réussite. En SEA à la session normale du S1 délibérée en juillet dernier 29 admis sur 2304 soit 1,26% était noté. Cette situation est en partie liée à l’application mécanique du système Licence Master Doctorat (LMD), traduisant ainsi le peu de soucis qu’accordent nos autorités politiques à l’enseignement supérieur. C’est pourquoi, au lieu de décider courageusement de suspendre le système LMD le temps de réunir les conditions de son application, les responsables administratifs à la tête des UFR, instituts et présidences d’universités ainsi que les autorités politiques, se sont plutôt spécialisés dans le tâtonnement et le cynisme dans l’organisation des enseignements et des évaluations. L’exemple récent est le cas de l’UFR/SDS où les étudiants, las de subir, ont été obligés d’élever le ton pour refuser de composer 3 à 5 évaluations par jour pendant une semaine que l’administration voulait leur faire composer. L’application du système LMD ne peut réussir là où on refuse de construire des infrastructures et de recruter en nombre des enseignants mais également non plus là où on travaille à clochardiser les étudiants. Pourtant, c’est ce qui est le cas actuellement dans les universités publiques de Ouagadougou. L’arrivée au pouvoir du MPP n’a rien changé à la situation.
Concernant l’inscription en ligne des nouveaux bacheliers, si elle est une mesure qui, selon les autorités, dans ses objectifs vise à éviter les déplacements et les longues files d’étudiants pour déposer les dossiers d’inscription dans les universités publiques, force est de constater qu’elle a été appliquée sans préparation en termes de campagne de sensibilisation conséquente auprès des premiers bénéficiaires que sont les bacheliers. Conséquences, nombreux étudiants ont des difficultés pour s’inscrire en ligne et des attroupements importants d’étudiants se voient toujours à la DAOI autour d’individus monnayant leurs services pour l’assistance à l’inscription en ligne.
Sur le plan social, dans le domaine de la restauration le CENOU continue de contingenter le nombre de plats servis par jour à environ 10 000 sur une population estimée à plus de 70 000 étudiants, soit à peine de quoi nourrir 1/7 des étudiants. Les différents prestataires dans les restaurants en complicité avec les autorités du CENOU servent régulièrement des plats de piètre qualité (repas mal cuits, sans pain, suspension pure et simple du jus etc.). Pendant ce temps, l’informatisation du ticket de restaurant en cours révèle ses premiers effets pervers au nombre desquels figure l’aggravation de la lenteur du service.
Concernant la santé, la mutuelle de santé des étudiants (MUNASEB) est loin de répondre aux attentes des étudiants. Les frais d’adhésion annuel de 5000f excluent bon nombre d’étudiants.
Concernant le logement, moins de 6% des étudiants sont logés en cités universitaires.
Sur le plan des allocations sociales, l’aide est servie à un taux dérisoire de 175 000f/an au regard de la cherté de la vie. La bourse quant à elle octroyée à une minorité d’étudiants (2 300 bourses chaque année au plan national, y compris les burkinabé à l’étranger) est payée de manière irrégulière et ont connu un pillage sans vergogne au profit des rejetons et protégés des hauts fonctionnaires de l’administration publique et des ONG sous le couvert des bourses dites spéciales. Ces bourses spéciales étaient gérées à la discrétion des différents ministres qui se sont succédé à la tête de l’enseignement supérieur. Ainsi de 2010 à 2014, c’est 491 bourses dites spéciales d’une valeur estimée à 643.610.000FCFA qui ont été attribuées pour des études dans des universités huppées du canada, USA, France, soit l’équivalent de 7365 bourses nationales.
Concernant le transport, il n’existe aucun système de transport spécifique aux étudiants. Les autorités en réponse aux revendications posées dans les plateformes revendicatives de l’ANEB depuis 1996, ont eu comme trouvaille « le projet bus au profit des universités publiques ». A la surprise générale, après la présentation des bus aux étudiants, les autorités de l’enseignement supérieur ont refusé de confier la gestion des bus au CENOU. Le ministre Alkassoum Maïga a préféré confier la gestion des bus à une entreprise privée, la SOTRACO, qui va renforcer encore ses surprofits sur le dos des étudiants.
Sur le plan des libertés démocratiques, les CRS armées jusqu’aux dents continuent d’occuper l’espace universitaire. Elles ont même fait une descente à 3 heures du matin du 14 octobre 2018 dans les cités universitaires en violation des franchises universitaires. A cela s’ajoute l’existence de textes liberticides tels que le décret n°2012-646/PRES/PM/MESS du 24 juillet 2012 qui a ouvert la voie à toutes sortes d’abus et de sanctions arbitraires sur nos campus comme cela a été le cas avec notre camarade Bahan Yenilo et des 14 étudiants exclus à l’université de Koudougou en 2012.
Camarades étudiantes et étudiants,
Face à cette liste non exhaustive des difficultés quotidiennes des étudiants, seule la lutte organisée pourra nous garantir un minimum pour nos études. C’est pourquoi l’ANEB vous appelle à renforcer ses rangs et à vous organiser davantage avec elle pour engager de puissantes luttes contre la dégradation vertigineuse de nos conditions de vie et d’étude.
Pour la défense ferme de nos intérêts matériels et moraux, en avant !
Pain et liberté pour le Peuple !
Le Comité Exécutif