Dans cet écrit, Hermann Yaméogo témoigne de la valeur humaine de Valère Somé, qui sans condition n’a pas manqué de lui apporter son soutien et son amitié, dans les « beaux jours comme dans les mauvais jours ».
En ce mois de Mai symbole de renaissance printanière, où les fleurs volent au vent, où les oiseaux messagers des Dieux annoncent la joie, l’espérance et la renaissance, Valère SOME a tiré sa révérence comme ça, au moment où le pays aurait gagné comme maints fois dans le passé, en ses multiples et courageuses contributions, pour régler ses graves problèmes de cohésion et de gouvernance. Comme nombre de Burkinabé sa mort me peine mais tout particulièrement, car autant qu’un compagnon de lutte politique, c’est un ami qui contrairement à ses habitudes, nous laisse en rade au moment de ce combat de la réconciliation nationale, pour lequel nous affûtions une fois de plus nos armes.
Nous l’avions fait à plusieurs reprises, et notamment au moment de la crise consécutive à l’assassinat de Norbert Zongo et de ses compagnons d’infortune.
Comment un révolutionnaire marxiste idéologue du CNR, et un libéral premier fils de Maurice Yameogo ont-ils pu développer une telle amitié ?
C’est le fruit du partage d’une passion commune : l’écriture, d’une évolution mutuelle vers l’économie sociale de marché, et la conviction que le pouvoir le moins exposé c’est celui qui se construit sur l’inclusion, le dialogue et le partage. A partir de là, tout le reste est venu de surcroit.
Ami des beaux jours comme des mauvais jours, je suis envahi (comme à chaque fois que l’on perd un être cher), par des images fortes, de cet homme fidèle en amitié, au courage de lion et pourtant à la sensibilité à fleur de peau.
A la maison d’arrêt et de correction des armées (MACA), où un jour, il était venu me rendre visite, nous étions assis et alors que nous causions je remarquais qu’il me regardait en coin, et que ses yeux s’embuaient petit à petit de larmes. J’essayais au mieux d’égayer l’entretien par des évocations amusantes, mais peine perdu le flot fini par se répandre, et je me retrouvais à consoler l’ami venu me consoler.
Quand je me retrouva dans ma cellule, je me mis a repenser à l’inégalable puissance de fidélité dont cet ami pouvait faire montre à l’occasion et souvent à ses propres périls.
A une époque où j’étais victime d’intolérances et de menaces diverses, quelle surprise n’ai- je pas eu de le voir débarquer à la maison avec sa kalache, pour avoir appris que j’étais sous l’imminence d’une nouvelle arrestation. Il venait assurer ma défense.
Cet homme ami de Thomas Sankara qui depuis cette époque a souvent côtoyé la mort, connu la prison, la torture jusqu’à en être affligé d’une claudication irréversible, n’a jamais laissé son cœur gagné par le venin de la haine et de la vengeance. Les nombreux amis qu’il a comptés dans sa vie peuvent en témoigner.
Quand il parlait des grandes questions nationales c’était avec la force de l’autorité forgée par l’expérience du vécu.
Ce départ à la sauvette de Valère n’est pas seulement une grande perte pour les siens, pour ses amis. Ça l’est également pour le pays.
Puisse en ces moments marqués par une sérieuse crise des valeurs sociales, la jeunesse s’inspirer de l’exemple de Valère SOME.
En présentant mes sincères condoléances à la famille éplorée, je souhaite à mon ami les meilleurs ombrages et la terre la plus douce possible, pour protéger le sommeil éternel du juste qu’il a été.
Me Hermann Yameogo