Veille de CAN pour les Etalons, veillée de clans pour le football burkinabè. Alors que l’équipe nationale de football sera au front dans un peu plus de 30 jours pour défendre les couleurs du Burkina Faso dans une Coupe d’Afrique des nations bien relevée et pour laquelle Hubert Velud et ses poulains se sont brillamment qualifiés deux journées avant la fin des éliminatoires, une première pour le Burkina dans ces qualifications, des acteurs du football ont décidé de plonger le sport-roi dans une crise inacceptable. Que se passe-t-il, encore, à la Fédération burkinabè de football au point où des clubs refusent de jouer le championnat de football, le Fasofoot, et demandent la démission du président Lazare Banssé? Une tempête dans un verre d’eau ou une véritable crise? Tout est parti d’une affaire d’argent, encore est-on tenté de dire, un financement reçu par la FBF de la part du Fonds national pour la promotion du sport et des loisirs (FNPSL) logé au ministère en charge des Sports et logiquement reversé au même Fonds, parce que non utilisé. Malgré la médiation menée par le président du Comité national olympique des sports burkinabè (CNOSB), Jean Yaméogo, ceux qui portent désormais le nom de «frondeurs» campent sur leur position et Lazare Banssé qui a été élu en août 2020 pour un mandat de 4 ans, entend évidemment aller au bout de sa mission de conduire les destinées du football burkinabè. A travers cet entretien qu’il a accordé à la presse burkinabè, Lazare Banssé, sans fermer la porte des négociations n’en n’appelle pas moins ceux d’en face à n’œuvrer que dans l’intérêt du foot burkinabè.
Au sortir de la deuxième rencontre initiée par le médiateur Jean Yaméogo, président du CNOSB et qui n’a pas abouti au résultat escompté, qu’est-ce que vous retenez?
Lazare Banssé (Président FBF): C’est un sentiment de tristesse, de déception, de désolation pour notre football, qu’à la veille d’une CAN aussi importante en Côte d’Ivoire, on veuille installer le désordre dans notre sport roi. Que l’on se souvienne le jour du match de notre équipe nationale cadette en Indonésie, dans le cadre de la Coupe du monde U-17, lorsque ces mêmes personnes ont jeté un pavé dans la mare. A la veille du match des Etalons joué au Maroc contre la Guinée-Bissau pour le compte des éliminatoires de la Coupe du monde, bis repetita avec leur revendication demandant la démission du président de la FBF.
«Nous avons aussi le sentiment qu’un groupuscule, qui exerce dans notre football, veut prendre en otage notre future CAN.»
Nous avons le sentiment que ce sont des choses organisées, préméditées pour mettre notre football à mal. Je pense qu’il faut être un irresponsable pour qu’à la veille d’un match aussi important, on se comporte de la sorte. Nous avons aussi le sentiment qu’un groupuscule, qui exerce dans notre football, veut prendre en otage notre future CAN. Ce sont des questions qui peuvent se régler dans le cadre de discussions et de négociations, puisque pour demander la démission du président, cela est parti d’abord de revendications financières qui sont résolues en grande partie.
«La question querellée se trouve au niveau des 25%.»
En effet, la bourse des mois de février, mars, avril et mai, est payée. Maintenant, la question querellée se trouve au niveau des 25%. Cela est parti du fait que nous n’avons pas pu organiser dans les délais, le championnat des jeunes de la saison écoulée et donc, nous avons reversé le financement provenant du Fonds national pour la promotion du sport et des loisirs (FNPSL) à ce Fonds. Alors que les clubs avaient demandé à ce que cette somme leur soit versée. Nous ne pouvons pas le faire parce que ce sont des fonds publics.
«Si vous voulez la présidence, battez-vous pour l’avoir, d’autant plus que les élections sont pour bientôt (…)»
Dans les règles des finances publiques, lorsque des fonds vous sont alloués et que vous ne parvenez pas à les utiliser, vous les retournez à leur destinataire, en l’occurrence le FNPSL. En l’état actuel des choses, nous n’avons aucun texte, aucune décision qui nous permet de reverser cet argent aux clubs. Du reste, si telle est l’ambition des clubs de récupérer cet argent, qu’est-ce qui les empêche d’entamer des négociations avec le Fonds ou le ministère des Sports? Cela est plus simple. Ils nous reprochent aussi le fait de retenir 25%. Mais, ce n’est pas nous qui avons décidé de le faire. C’est une décision tripartite depuis 2017 entre le ministère des Sports, la FBF et les représentants des clubs. Je n’étais même pas encore président de la FBF. Mon sentiment est que derrière cette question financière, se cachent des velléités, des positionnements en vue des élections de 2024 et lorsqu’on fait l’historique, on constate qu’à la veille de chaque élection, il y a un foisonnement de comportements, d’idées tendant à déstabiliser le bureau exécutif fédéral en place.
«C’est une honte de vouloir être président et de se comporter ainsi.»
Nous ne sommes pas dupes puisque nous avons constaté que parmi ces frondeurs, se trouvent des candidats déjà déclarés que tout le monde connaît. Mais, je trouve que c’est une honte de vouloir être président et de se comporter ainsi. Il faut aller à la bataille de façon loyale. Sinon, pourquoi voulez-vous que le président démissionne pour vous ouvrir un boulevard? Si vous voulez la présidence, battez-vous pour l’avoir, d’autant plus que les élections sont pour bientôt et après la CAN 2023, il ne va plus nous rester assez de temps pour y parvenir.
Face à la radicalisation des deux camps, quelle sera la suite, d’autant plus que les frondeurs refusent de reprendre le championnat tant que vous ne démissionnez pas?
Nous allons continuer le championnat. Il y a des clubs qui veulent jouer. Les supporters, pour qui nous avons énormément de respect, veulent du jeu, du beau jeu et du spectacle. Nous allons reprendre le championnat et appliquer simplement le règlement qui consiste en la perte des trois points pour le club qui ne veut pas jouer. Et cela peut aller jusqu’à la relégation si un club aligne deux forfaits. C’est aussi simple que ça.
Si toutefois vos détracteurs saisissent la CAF, qu’est-ce que les textes vous donnent comme droit?
Il n’y a pas à saisir la CAF ou pas. Nous appliquons les textes de la fédération et ils sont très clairs en la matière. Il faut une Assemblée générale extraordinaire convoquée par les 2/3 de l’assemblée. Pour le départ du président, les textes exigent à ce que le motif soit précisé et solide. Pour y parvenir, il faut les 4/5e de l’assemblée. C’est pour dire qu’il y a des textes qui sont connus par tout le monde. Par conséquent, on ne peut pas demander au président de démissionner. Je trouve que c’est trop facile. J’estime que j’ai été régulièrement élu lors d’une assemblée générale et j’entends aller jusqu’au bout de mon mandat. Pour la suite, on avisera.
Que dit le ministère concernant la question de la subvention et des 25% puisque c’est lui qui donne cet argent?
La position du ministère est claire sur cette question. Il y a un texte qui est sorti depuis 2017 (NDLR : voir encadré). Il dit que 75% de la subvention va aux clubs et 25%, à l’organisation des compétitions. Aujourd’hui et jusqu’à cet instant, ce texte n’a pas été remis en cause. Cela signifie que les choses continuent de fonctionner comme prévu dans le texte. Maintenant, ce que je peux dire aux frondeurs, s’ils souhaitent avoir des aménagements du texte en question, au lieu de demander la démission du président, il faut juste entrer en négociation avec le ministère, la fédération, apporter des discussions positives pour qu’un consensus soit trouvé dans l’intérêt de tout le monde et surtout du football burkinabè. Mais, on ne peut pas se comporter de cette façon. Nous sommes dans un pays organisé, dans une fédération organisée par des textes qui sont clairs. On ne peut pas, de cette façon, mettre le couteau sous la gorge des dirigeants, lancer des ultimatums pour pouvoir obtenir ce qu’on veut. Le sport, pour moi, c’est la courtoisie, la bienveillance, surtout le fair-play.
Il est vrai que la médiation n’a pas abouti, mais est-ce que vous gardez la porte toujours ouverte pour des négociations?
Bien sûr que nous sommes toujours ouverts aux négociations. Nous sommes des personnes responsables. Malheureusement, à l’étape actuelle des choses, nous sommes obligés d’avancer puisque les frondeurs ont ouvertement affiché leurs ambitions. Derrière les revendications financières se cachent, en réalité, des positionnements, des ambitions électoralistes.
La situation n’est pas simple pour vous. Elle ne l’est pas non plus pour le football burkinabè. Nous sommes à quelques semaines de la CAN. Est-ce que cette situation ne va pas jouer sur la préparation des Etalons?
Nous allons nous organiser, tout en prenant en compte le fait qu’il y a un groupuscule de personnes qui cherchent à nuire à notre participation à la CAN. Nous le savons déjà et avec des comportements que nous constatons tous. Nous l’avons compris et nous allons prendre les mesures pour nous préparer en conséquence.
Un appel particulier à la famille du football burkinabè?
Au-delà de ces personnes qui n’ont d’intérêt que pour elles-mêmes, nous avons conscience que la majorité des Burkinabè aime le football. De ce fait, nous ne pouvons qu’appeler à l’union sacrée derrière nos enfants, nos jeunes frères, nos ambassadeurs pour cette CAN en Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, nous pensons que c’est ce qui est le plus important. Nous savons ce qui se passe; c’est juste des tentatives pour nous divertir par rapport à nos ambitions pour cette compétition continentale. Nous, nous pensons que c’est irresponsable. Et si nous sommes des patriotes, si nous aimons vraiment notre pays et si nous voulons que les couleurs du Burkina flottent en Côte d’Ivoire, nous devons bannir ce genre de comportements, surtout à la veille d’une CAN aussi importante.