Le Collectif des Organisations démocratiques de Masse et de Partis politiques (CODMPP) et la Coalition nationale de Lutte contre la Vie chère, la Corruption, la Fraude, l’Impunité et pour les Libertés (CCVC) s’adressant aux présidents africains, à propos du commerce de migrants en esclaves en Libye, recommandent le démantèlement des sites de ventes et l’arrestation et sanction des auteurs et complices de ces crimes abominables »
Excellences, Mesdames, Messieurs, les Chefs d’Etats et de Gouvernements d’Afrique,
L’humanité a été stupéfaite et choquée par le spectacle de la vente aux enchères de noirs comme esclaves en Libye. Alimenté par des années de migrations clandestines, ce spectacle qui a tout d’un film du 15ème siècle est une réalité, filmée et diffusée par la chaine de télévision américaine CNN. A ce jour aucun démenti ni déclaration visant à remettre en cause ces faits n’a été enregistré. Aussitôt ces images diffusées qu’elles ont provoqué une vague d’indignation en Afrique et dans le monde
Mesdames et messieurs les Chef d’Etats et de Gouvernements,
Plusieurs d’entre vous-mêmes se sont déjà exprimés sur cette grave atteinte à l’humanité, en condamnant cette pratique soit par des tweets, soit en répondant à des journalistes. Au-delà de ces indignations, ni les Chefs d’Etats africains que vous êtes, ni vos homologues dans le monde n’ont mené aucune action sérieuse et opérationnelle, à la hauteur de l’urgence de la situation et de la gravité des faits.
L’Union africaine, par la voix de son président en exercice Alpha Condé, a tout simplement annoncé que le sujet sera inscrit à l’ordre du jour du prochain sommet de l’organisation. Certains d’entre vous annoncent déjà vouloir aborder le sujet dès le sommet Union européenne/ Union africaine du 29 novembre prochain à Abidjan en Côte d’Ivoire. Comme on peut ainsi le constater, vous, Chefs d’Etats africains, ne vous pressez pas ; préférant vous en tenir à vos agendas programmés, alors même que l’humanité fait face à une abomination sans pareille en ce XXIe siècle.
Ce qui s’est passé en Libye et qui sans doute s’y passe encore jusqu’à ce moment, est entièrement de la responsabilité des Etats africains et de votre propre responsabilité. D’abord parce que les faits se déroulent en Afrique dans un pays membre de l’union africaine, ensuite parce que les « esclaves » vendus et les marchands d’esclaves sont, pour nombre d’entre eux, citoyens d’Etats africains.
Excellences,
Il est stupéfiant et révoltant hélas, de se rendre à l’évidence que vos fuites de responsabilité ne datent pas seulement de cette découverte de marchés d’esclaves en Libye. Elles remontent à bien plus loin et sont bien profondes. Il n’est un secret pour personne que la Libye, où se passent les faits, est un pays sans Etat.
La guerre en Libye, menée par les puissances occidentales avec comme chef de file la France sous Sarkozy, a été un élément catalyseur de la situation catastrophique actuelle de ce pays, l’ayant transformé en un endroit de négation totale des droits de l’Homme.
En effet, depuis plusieurs années déjà, des Africains y subissent des spoliations et des expulsions, des arrestations et détentions abusives, des kidnappings, des actes de torture et même des mises à mort.
C’est cela, la triste réalité en Libye depuis la violente guerre qui a détruit cet Etat.
Vous, Chefs d’Etats africains, en opposition aux instructions et injonctions que vous dictent les puissances occidentales sur la situation en Libye, qu’avez-vous entrepris ? Que comptez-vous entreprendre pour éviter que le chaos ne perdure dans ce pays ? Que faites-vous, avec l’Union africaine, pour aider la Libye à recouvrer un véritable statut d’Etat ?
La vague d’indignations qui vous interpelle à nouveau risque d’être sans effets si l’on en restait là, puisque la Libye reste un monstre à deux têtes, sans institutions ni structures de gouvernement suffisamment fortes, à même de faire assumer à l’Etat ses missions régaliennes traditionnelles.
Excellences,
Comment enfin ne pas pointer du doigt votre responsabilité, voire votre fuite de responsabilité, quand on sait que le phénomène de l’émigration massive, surtout des jeunes, tire ses causes du mal-être dans nos pays que vous dirigez, pour certains, depuis plusieurs décennies.
Et depuis des décennies, votre gouvernance de nos Etats produit misère et désespoir chez les jeunes, obligés, souvent à leur corps défendant, de se livrer à des aventures mêmes des plus périlleuses.
Nombre de ces jeunes aujourd’hui vendus en Libye comme de vulgaires marchandises vont souvent grossir les cimetières maritimes que constituent l’Océan Atlantique et la mer méditerranée.
Excellences, voilà qui vous interpelle !
Car les aventures périlleuses qu’entreprennent les jeunes africains, en quête d’un mieux-être, s’expliquent en bonne partie par les facteurs suivants :
- Votre silence complice face aux multiples agressions impérialistes et barbares que subit notre continent ;
- Votre incapacité à vous assumer et à vous battre, avec vos différents peuples, pour une indépendance véritable de vos Etats et partant, du continent ;
- Des décennies de soumission à des programmes d’ajustement structurel sous toutes formes de variantes ;
- Le pillage de nos ressources naturelles et la mainmise sur nos économies par des puissances impérialistes ;
- Des décennies d’absence de politique pour la jeunesse ou de mise en œuvre de politiques nocives à son épanouissement ;
- La pratique de la corruption sous toutes ses formes ;
- Les atteintes répétées contre les libertés publiques fondamentales.
Excellences, mesdames, messieurs les Chefs d’Etats et de Gouvernements d’Afrique,
Il est donc plus qu’urgent de vous pencher sur les préoccupations pressantes suivantes :
- Démantèlement des sites de ventes d’esclaves en Libye ;
- Arrestation et sanction des auteurs et complices de ces crimes abominables ;
- Changements profonds, en phase avec les aspirations légitimes des masses populaires africaines ;
- Edification de systèmes d’éducation et de formation performants ;
- Adoption et mise en œuvre de politiques d’emploi efficientes ;
- Construction d’Etats démocratiques modernes, offrant des chances d’épanouissement à toutes les couches sociales ;
- Réappropriation de nos ressources naturelles ;
- Rejet du chauvinisme, de l’ethnicisme et du régionalisme, utilisés par l’impérialisme et leurs alliés pour mieux diviser les peuples et mieux les exploiter et les opprimer ;
- Dénonciation et rejet des plans d’invasion insidieux des puissances étrangères qui écument le continent africain ;
- Soutien aux populations déplacées ou réfugiées et prise de mesures concrètes pour leur venir en aide et les protéger ;
Veuillez agréer, Excellences, Mesdames, Messieurs les Chefs d’Etats et de gouvernements d’Afrique, l’expression de notre très haute considération.
Ouagadougou, le 26 novembre 2017
Pour les Coordinations nationales,
Chrysogone ZOUGMORE. /
Président du Mouvement Burkinabè des Droits de l’Homme et des Peuples (MBDHP)