Ceci est une déclaration conjointe de partis politiques et d’organisations de la société civile dans laquelle ils estiment, suite aux violences inter-communautaires de Yirgou, que « nul n’est autorisé à se rendre justice dans un Etat de droit ».
De responsables de partis politiques, d’organisations de la société civile citoyenne et d’activistes
Poursuivant sur la lancée de leurs concertations des 20 et 28 décembre 2018 qui ont fait l’objet d’un Compte Rendu publié par voie de presse et des réseaux sociaux, la Conférence des Présidents des partis au Protocole d’Accord Politique (PAP), les responsables d’organisations de la Société civile et les activistes regroupés dans un cadre de Veille Citoyenne, se sont retrouvés les 3 janvier 2019 pour échanger et se prononcer sur l’actualité nationale brûlante.
En raison de sa gravité, les tueries de Yirgou dans la province du Sanmatenga ont été l’évènement qui a le plus attiré notre attention et justifié la présente déclaration.
Selon les explications officielles fournies sur la RTB par le Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Siméon Sawadogo qui se prononçais sur la question sur les antennes de la Télé Nationale, tout serait parti de l’exécution par de présumés terroristes du chef du village et conseiller municipal de la localité ainsi que de cinq autres personnes dont des membres de sa famille le 1er janvier 2019. Les assaillants auraient alors été pris en chasse par les populations et des Koglwéogo jusqu’aux confins de Tongomayel, sans parvenir à leur mettre la main dessus. Revenus bredouilles de leur battue, les poursuivants auraient organisé des expéditions punitives contre les campements peulhs, faisant sept victimes, un nombre bien minoré selon certaines sources. Les chiffres officiels ne font pas l’objet d’un consensus et ne sont rapportés par aucune source indépendante et après enquête. La réaction tardive des autorités et des Forces de Défense et de Sécurité aurait, dit-on, contribué à alourdir ce bilan qui restait encore provisoire.
Loin de nous la volonté de jeter de l’huile sur le feu pour de quelconques motivations que ce soit, mais les faits sus-évoqués sont très graves. Ils sont graves au regard du nombre des suppliciés mais de la réaction tardive des autorités, de la tendance à minorer les chiffres et enfin de l’absence des premières autorités sur le terrain. Certes, nous sommes unanimes à condamner les attaques par les bandits armés. Mais on ne peut que regretter et condamner les mesures de représailles des justiciers de Yirgou qui se substituent à la puissance publique en violation de la loi. Les critiques des groupes d’autodéfense par les populations et organisations nationales et internationales de défense des droits de l’Homme sont restées lettre morte. L’Etat est en partie responsable de ce franchissement de Rubicon par les populations sous la direction semble-t-il des groupes d’autodéfense de la localité, des groupes dont on connaît l’affiliation de certains avec le pouvoir. Ce malheur atteste de la superficialité du message de fin d’année qui, loin de coller aux plus près des priorités citoyennes et notamment des attentes relatives à la concorde nationale, a préféré se disperser en de sempiternelles promesses vengeresses.
Ensuite, quand bien même les assaillants de Sirgou seraient des Peuhls et que des populations peuhles les auraient hébergés, nul n’est autorisé à se rendre justice dans un Etat de droit. Seul l’Etat est habilité à mettre en œuvre l’action publique et à rendre la justice.
Enfin, il est impérieux d’éviter que les populations, en l’absence de réaction appropriée de l’autorité, se rendent justice.
Le Burkina Faso vient de loin. Désormais, la gouvernance du pays doit être envisagée autrement. Si l’on n’y prend garde, la loi du talion pourrait anéantir tout espoir de sursaut national que nous recherchons tous actuellement. La nécessité d’un nouveau pôle de gouvernance nationale pour prendre en compte les priorités citoyennes s’impose plus que jamais au Burkina Faso afin que le slogan « PLUS JAMAIS ÇA » soit une réalité.
Nous devons œuvrer de concert sans appartenance politique ou affiliation pour un Faso de paix, condition de reprise de la vie en commun. De telles choses ne doivent plus jamais arriver au Faso.
C’est pour cela que les responsabilités doivent être situées dans ce drame communautaire pour prendre les sanctions qui s’imposent au regard des textes afin que cela ne se reproduise plus jamais. Pour stabiliser la situation, d’autres dispositions doivent être prises.
Au regard de ce qui précède, les acteurs politiques et sociaux proposent les mesures suivantes :
- La mise en place d’une commission d’enquête
L’Etat de droit doit protection à tous les citoyens et personnes résidentes sur le territoire national. Le gouvernement doit prendre toutes les mesures pour rendre effective cette obligation de protection, ce qui n’a pas été le cas dans d’autres cas similaires ou connexes. Nous pouvons rappeler la non-assistance aux dizaines de personnes restées sous l’éboulement des sites d’or de Kabonga à 85 kilomètres de Fada le 25 octobre 2018 sans que le Gouvernement daigne y mettre le nez, par peur des représailles des bandes terroristes qui seraient, dit-on, les maitres des lieux.
- La mise en place d’un comité citoyen de surveillance de l’Etat d’urgence
L’article 3 de la Loi organique n°14-AL du 31 août 1958 sur l’Etat d’urgence dispose en substance que le Président du Faso peut prendre toutes mesures susceptibles de ramener l’ordre et la tranquillité. La mise en place d’un comité de surveillance peut participer de cette recherche de retour à la tranquillité.
L’Etat d’urgence a pour effet de restreindre ou suspendre l’exercice des libertés publiques, d’élargir les domaines d’action des forces armées et de la justice militaire pour les nécessités de rétablissement de l’ordre. La surveillance de la période aura pour effet de protéger les forces de l’ordre contre les accusations infondées d’exactions à l’endroit des populations qui ne manquent pas déjà en période normale, et en retour de rassurer les populations sur la présence d’un regard impartial rassurant.
Il nous parait urgent d’ordonner ces mesures administratives et juridictionnelles pour juguler cette crise et éclairer les autorités décisionnaires.
Enfin, nous interpellons le CFOP et la CODER à s’associer à cet appel afin de donner une plus grande audience.
Aux familles éplorées les acteurs politiques et sociaux expriment leur compassion.
Que Dieu Bénisse le Faso !
Ouagadougou, le 4 janvier 2019
SIGNATAIRES DE LA DECLARATION CONJOINTE
- AU TITRE DES PARTIS POLITIQUES
Maitre Hermann Yaméogo
L’UNION NATIONALE POUR LA DEMOCRATIE ET LE DEVELOPPEMENT (UNDD)
Amadou Traoré
LES REPUBLICAINS (LR)
François Kaboré
LE RASSEMBLEMENT POUR UN SURSAUT REPUBLICAIN (RSR)
- AU TITRE DES OSC, ACTIVISTES BLOGGEURS
Jean Pierre Savadogo
Ligue Inter-Africaine pour la Transparence
Démocratique (LIA/TD)
Sidiki Dermé
Association pour l’Emergence d’une Culture
de Citoyenneté (AECC)
Samadou Ouédraogo
Association Jeunesse pour le Développement
au Burkina Faso (AJDB)
Siya Koudougou
Fédération des associationsdes Burkinabè de Côte d’Ivoire (FEDABCI)
Moumini Boly, Activiste Bloggeur
Goomtinga Dakouré, Activiste Bloggeur
Abdou Ouédraogo Kabila, Activiste Bloggeur
Ousséni Fayçal Nanéma