A travers cette déclaration, les syndicats de magistrats, de greffiers et de la garde de sécurité pénitentiaire du Burkina Faso condamnent les violences commises au palais de justice de Manga le 8 juin 2017, et, entre autres, décrètent un arrêt de travail de 72 heures dans tous les palais de justice et établissements pénitentiaires à compter du lundi 12 juin 2017.
«Le 08 juin 2017, le palais de justice de Manga a été assiégé par une foule nombreuse disant réclamer la libération immédiate et sans condition de Zoungrana Séni, placé le 05 juin 2017 sous mandat de dépôt à la suite d’une plainte déposée contre lui par Zango Patenema en raison d’une altercation les ayant opposés.
De 11h jusqu’à 15h30, les acteurs du palais de justice de Manga se sont retrouvés ainsi séquestrés avec des violences et menaces de toutes sortes sans qu’un dispositif d’intervention, durant tout ce temps, ne puisse être opérationnalisé dans ce chef-lieu de région situé à moins de 100km de Ouagadougou, la capitale, et ce, en dépit des sollicitations répétées des premiers responsables du palais de justice de Manga.
En passant sous silence la condition psychologique créée au niveau des acteurs judiciaires du palais de justice de Manga, le bilan s’établit comme suit : porte d’entrée du palais défoncée, fenêtre de la guérite arrachée, porte de l’entrée du bâtiment abritant les bureaux enlevée, toutes les vitres de la devanture du bâtiment brisées, panneau publicitaire lumineux endommagé.
Cette situation n’est que la dernière d’une série de violences et de pressions multiformes vécues par la justice. En effet, il peut être utilement rappelé sans être exhaustif et sans s’étaler trop dans le temps que :
- en mars 2016, à Diapaga, les acteurs judiciaires ont été l’objet de toutes sortes de violences en raison d’un mandat de dépôt délivré contre un présumé auteur de viol d’une fillette âgée d’environ 16 ans ;
- en juin 2016 une manifestation opportuniste et calculatrice a été organisée par Safiatou Lopez et compagnie sur fonds de menaces devant le Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou pour des dossiers qui n’y étaient pas traités ;
- en mars 2017, les acteurs du palais de justice de Koupéla ont souffert de diverses formes de menace et de pression en raison de la suite donnée à une plainte déposée par un citoyen contre des membres de Kolgweogo.
Les syndicats, soussignés, notent malheureusement que dans la majeure partie des cas où il a fallu que l’autorité politique assure et assume sa mission de sécurisation des acteurs judiciaires et de leurs locaux, ce n’est qu’après les dégâts que les forces ont pu être mobilisées. Les contours du message commencent à mieux se laisser saisir. Les acteurs politiques, toutes tendances confondues, qui semblent avoir appris à se placer dans un mutisme ou une timidité calculée face à ces violences à répétition contre l’institution judiciaire, perdent de vue que si celles-ci se retrouvent érigées en modes banalisés de contestation, ils en seront les vraies victimes. Le temps est, dans tous les cas, un arbitre sur lequel on ne trouve pas à redire.
Au regard de ce que susdit et constaté, les syndicats soussignés :
1)- condamnent avec la dernière énergie la séquestration des acteurs judiciaires du palais de justice de Manga et les autres violences perpétrées contre eux et leurs locaux ; ils rappellent que les voies de droit restent ouvertes contre les actes judiciaires et que l’option de la violence est sans issue ;
2)- apportent leur total soutien aux acteurs du palais de justice de Manga, peu importe ce qu’en diront les porteurs d’un nouveau type de vertu et de grandeur dont la spécificité est de s’abreuver aux sources de la haine, et qui voient dans toute réaction des acteurs judiciaires l’expression d’un corporatisme mal indiqué même quand leur vie est en jeu ; le passé récent, au Burkina Faso comme dans d’autres pays de la sous-région, est venu rappeler ce à quoi peuvent conduire les tentatives de légitimation pernicieuses et insouciantes de la violence ;
3)- réaffirment l’inviolabilité des enceintes des palais de justice et des établissements pénitentiaires ;
4)- décrètent un arrêt de travail de soixante-douze (72) heures à compter de la journée du lundi 12 juin 2017 dans tous les palais de justice et établissements pénitentiaires du Burkina-Faso en signe de solidarité avec les acteurs judiciaires du palais de justice de Manga ;
5)- exigent la tenue sans délai d’une rencontre avec le Ministre de la justice des droits humains et de la promotion civique, le ministre d’Etat, ministre de la sécurité, le ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation, afin d’échanger sans faux fuyant sur la situation de Manga, et de façon générale, sur la sécurisation d’ensemble des enceintes des palais et des établissements pénitentiaires ;
6)- préviennent que le mouvement sera reconductible en l’absence de prise de mesures urgentes, efficaces et sans équivoque par les autorités politiques pour créer les conditions de la reprise au palais de justice de Manga telles que mentionnées à travers un procès-verbal ayant sanctionné une assemblée générale tenue par les acteurs dudit palais et dont copie reçue.»
Ouagadougou, le 10 juin 2017
Le Secrétaire Général du Syndicat des Magistrats Burkinabè (SMB)
Christophe COMPAORE
Le Secrétaire Général du Syndicat Burkinabè des Magistrats (SBM)
Moriba TRAORE
Le Secrétaire Général du Syndicat Autonome des Magistrats du Burkina (SAMAB)
Antoine KABORE
Le Secrétaire Général du Syndicat des Greffiers du Burkina (SGB)
Abdoul-Aziz KAFANDO
P/Le Secrétaire Général du Syndicat National des Greffiers (SYNAG), le Chargé de la communication
Jean LANKOANDE
Le Secrétaire Général du Syndicat National de la Garde de sécurité pénitentiaire (SYNAGSP)
Harouna TARNAGDA