La succession du Vieux Bob se fera-t-elle sous la couette conjugale présidentielle? C’est la probabilité qui prend de plus en plus forme à l’ombre du mont Inyangani, où fait rage une lutte sans merci pour le pouvoir. C’est un secret de polichinelle et cela va de soi, Grace Mugabe, bénéficie d’une bonne longueur d’avance sur ses adversaires qui lorgnent également le fauteuil présidentiel. Sa deuxième moitié, a logiquement pris fait et cause pour elle, allant jusqu’à tourner le dos à ses compagnons de maquis. Robert Mugabe, pour montrer que son choix ne souffre d’aucune ambiguïté vient d’ailleurs d’offrir sur un plateau d’or, à son épouse, la tête de son vice-président et dauphin naturel. Le nonagénaire, qui détient la couronne du plus âgé des chefs d’Etat d’Afrique et du monde, et fort de ses presque 30 années à la tête du Zimbabwe aurait voulu ouvrir la voie royale de sa succession à celle qui partage actuellement sa vie, qu’il n’aurait pas procédé autrement. En effet, le limogeage encore chaud de Emmerson Mnangagwa, ci-devant vice-président zimbabwéen sonne comme une victoire de Grace Mugabe avec qui l’homme était en conflit ouvert. Pour essayer de faire passer la pilule, cette disgrâce de Emmerson Mnangagwa a été enrobée de raisons comme «manque de respect, manque de loyauté, et malhonnêteté».
Trois fautes fallacieuses, mais présentées comme lourdes, qui n’ont d’autre but que d’éliminer un adversaire trop coriace et portant, presqu’autant que Robert Mugabe, l’aura de combattant pour l’indépendance de l’ancienne colonie de la Rhodésie du sud, du joug colonial britannique. Le désormais ancien vice-président qui ne manque pas de liens solides dans l’armée et surtout au sein des anciens combattants dans la lutte pour l’indépendance et véritable colonne vertébrale du pouvoir Mugabe, n’a plus d’autre bouée de sauvetage que de créer son propre parti, s’il tient en tout cas à sa survie politique. Il suivrait ainsi les pas d’une certaine Joyce Mujuru, une autre vice-présidente, victime des ambitions présidentielles de Grace Mugabe et qui, maintenant au gouvernail d’un parti politique tient une place de choix au sein de l’opposition. C’est dire combien l’élection présidentielle de l’année prochaine promettent du piquant si Emmerson Mnangangwa va grossir les rangs des opposants de l’ancien chef de guérilla dont la gouvernance est loin de faire l’unanimité. Mais quel est le véritable poids du banni de Harare en matière de base électorale, vu que la Zanu-PF, le parti de Robert Mugabe fait preuve d’un bloc très compact autour de son champion? La réponse à cette équation sera déterminante, si le limogé arrive à entrainer avec lui, s’il choisit de démissionner, un nombre important de militants ou, à mettre le couple Mugabe en difficulté au sein de la Zanu-PF.
Jusqu’où ira Grace Mugabe dans son entreprise de nettoyage autour du Vieux Bob pour prendre le chapeau de chef qui flottera inévitablement si celui-ci, croulant sous le poids de l’âge venait à disparaître? A force de vouloir porter à tous prix la perpétuation du système qui procure privilèges et même impunité de toutes sortes, à elle et au clan Mugabe, la première dame qui amoncelle des impairs, ne risque-t-elle pas plutôt de fragiliser le pouvoir de son mari? Si l’adage dit que «ce que femme veut, Dieu le veut», l’évidence est loin d’être prouvée que le peuple qui voudrait bien goûter aussi aux délices de l’alternance et de la vraie démocratie que vivent ses voisins comme l’Afrique du sud, donnera sa caution à une monarchie qui se met progressivement en place. Dans l’attente du prochain congrès de la Zanu-PF du mois prochain, qui pourrait bien la désigner comme vice-présidente et lui conférer ainsi le titre de successeur de son époux, la présidente de la puissante ligue des femmes du parti présidentiel, s’impose comme le personnage politique le plus puissant du Zimbabwe, après, ou même peut-être avant, Robert Mugabe.
Par Wakat Séra